Lola et ses frères
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Thème
Lola, une avocate trentenaire, aussi fragile que maternelle (Ludivine Sagnier), a deux frères: Benoit, un type tendre et un peu vieux jeu, qui se marie pour la troisième fois (Jean-Paul Rouve), et Pierre, un faux dur soupe-au-lait, trop pudique et trop désorganisé pour être vraiment « vivable » (José Garcia). Ces trois là, tous différents, s’aiment autant qu’ils se chamaillent, surtout les deux frères entre eux. Un jour, une de leurs disputes paraît irrécupérable. Heureusement Lola, qui vient enfin de rencontrer l’amour auprès d’un homme qui vient de divorcer (Ramzy Bédia), va réussir à les réconcilier…
Points forts
- De Mon Père, ma mère, mes frères et mes sœurs de Charlotte de Turkheim en 1999 à Quelque chose à te dire de Cécile Télerman en 2009, en passant par Vivre me tue de Jean-Pierre Sinapi en 2002, le cinéma a souvent ausculté l’univers des fratries. Ce qui fait le grand « plus » du film de Jean-Paul Rouve, c’est la délicatesse avec laquelle l’acteur-cinéaste aborde ce thème du lien entre frères et sœurs. La délicatesse, et l’humour, aussi. Car comme tous les grands tendres, Rouve essaie de cacher sa grande sensibilité sous une bonne couche d’auto-dérision, une apparente désinvolture et même parfois, une pointe de cynisme. C’est cette tentative permanente d’escamotage du sentimentalisme qui donne à son film son charme et sa douceur, même sous les pires scènes d’engueulades.
- Pour co-écrire son scénario et ses dialogues, Jean-Paul Rouve a fait appel à l’écrivain David Foenkinos. C’est la seconde fois. Il a bien fait: leur tandem a de nouveau fonctionné merveilleusement. Dans leur histoire, rien ne pèse ou ne pose, rien n’a l’air « fictionné », bidonné. On est dans la vraie vie. Un peu comme on l’était dans les films de Claude Sautet.
- La distribution est un régal. Pour la première fois, Ludivine Sagnier est montrée comme une femme et non plus comme une baby doll écervelée. Ramzy Bedia joue un rôle d’homme généreux et attentionné, dans lequel, pour une fois, ses origines ne sont pas prises en compte. Quant à José Garcia, vrai, sincère, simple, il est au delà du dithyrambe conventionnel. Ce personnage de Pierre pourrait bien relancer sa carrière, un peu en panne de grands films ces dernières années. Ajouter à cela, que Jean-Paul Rouve, qui se connaît évidemment mieux que personne, est plus que parfait dans son rôle de frère à la fois tatillon, amoureux, rêveur et soupe au lait.
-Un mot encore sur le travail du chef opérateur Christophe Offenstein. Lumière, cadrages, tout semble réel, tout est esthétique.
Quelques réserves
Si on aime les comédies sentimentales cousues aux petits points de la justesse, de la délicatesse et de la mélancolie, alors on sera bien en peine de trouver des bémols à ce film si joliment ciselé.
En revanche, si on raffole des scénarios du style « rentre-dedans » avec une action par scène et une vanne par phrase alors, on pourra trouver à ce Lola et ses frères des couleurs trop pastels ou un air de déjà vu.
Encore un mot...
Quatre ans après son très sensible Souvenirs, Jean-Paul Rouve démontre, une nouvelle fois qu’il est un des meilleurs créateurs de comédies sentimentales du moment, un dialoguiste hors pair aussi. Aujourd’hui, qui serait capable d’aborder, avec autant de légèreté, d’humour et de distanciation, les « choses » graves de la vie, comme l’amour, la paternité, le chômage, le deuil et le temps qui passe et qui nous laisse à tout jamais, mélancoliques ?
Au Festival d’Angoulême dont il avait fait l’ouverture, Lola et ses frères avait reçu un accueil plus que chaleureux. Logiquement, il devrait maintenant connaître une belle carrière en salle d’autant qu’il bénéficie d’un casting impeccable, qui, notamment, révèle un Ramzy Bédia totalement inédit, et surtout fait redécouvrir un José Garcia comme on ne l’a plus vu depuis longtemps.
Une phrase
« J’essaie d’imaginer des histoires qui seront toujours d’actualité dans 50 ans, même si plus personne ne voit mes films à ce moment là ! Les relations humaines, dans l’amour, l’amitié, le travail, la famille, c’est immuable tant que nous existerons sur terre. C’est un régal d’écrire ça, notamment dans les dialogues » (Jean-Paul Rouve, acteur-réalisateur-scénariste).
L'auteur
C’est par le théâtre que Jean-Paul Rouve, né le 26 janvier 1967 à Dunkerque, est arrivé au cinéma. Enfant, ce sont les planches qui le fascinent d’abord. Ado, il suit des cours au centre dramatique national du Nord Pas de Calais. Parallèlement, il fonde une troupe amateur. Le bac en poche, il part à Lille étudier les sciences de l’information et de la communication.
Un jour de 1989, lors d’une virée parisienne, il assiste par hasard à une cours donné par Isabelle Nanty. Il décide sur le champ de devenir acteur professionnel, s’installe à Paris et fonde avec ses copains, dont Marina Foïs, les Robins des bois. Leurs sketches vont très vite faire le bonheur de Canal+, ce qui leur donnera un début de notoriété.
En l’an 2000, la troupe se désagrège et Jean-Paul Rouve est de plus en plus happé par le cinéma. Il enchaine les personnages chez des réalisateurs aussi différents que Dominique Farrugia, Richard Berry, Alain Chabat et Yann Moix.
En 2003, son rôle de collabo dans Monsieur Batignole, de Gérard Jugnot, lui vaut un César du meilleur espoir masculin.
En 2008, le jeune quadragénaire décide de passer derrière la caméra. Ce sera Sans arme, ni haine, ni violence, un film biographique consacré à Albert Spaggiari. Pour ses deux films suivants en tant que réalisateur, Quand je serai petit en 2012 et Les Souvenirs en 2014, il choisira de célébrer la famille à travers des comédies dramatiques.`
Pour Lola et ses frères, son quatrième long, ce comédien au cœur tendre et à l’autodérision chevillée au corps, a choisi d’observer les cheminements émotionnels d’une fratrie.
Et aussi
« Les Veuves » de Steve McQueen- Avec Viola Davis, Michelle Rodriguez, Elisabeth Debicki, Cynthia Envo…
A Chicago, une équipe de braqueurs de haut vol meurt dans un casse qui tourne mal, laissant Veronica, la veuve du « patron », face à un dangereux gang de mafieux. Prise d’une rage froide, cette dernière (Viola Davis) décide de se venger. Elle va organiser le casse du siècle, en se faisant aider par les veuves des ex-complices de feu son mari. Des « veuves » sexy et déterminées, embringuées dans le monde impitoyable du grand banditisme, forcément, ça va saigner…
Un film de casse avec des filles ? C’était déjà le pitch d’Ocean’s 8 sorti en juin dernier avec un casting destiné à pulvériser le box office. Evidemment, pour Steve McQueen, le cinéaste rebelle de l’Oscarisé 12 Years a slave, il n’était pas question de ne pas le surpasser. En singularité. En radicalité. En efficacité. En beauté formelle. En l’enrichissant en plus de ses thèmes de prédilection : la dénonciation du racisme ordinaire, la domination masculine et la corruption.
Dès les premières images, le cinéaste- qui s’est inspiré pour son scénario d’une série britannique de Lynda La Plante, très populaire dans les années 80- impose son style, incisif et virtuose, et son sens du montage. L’ancien plasticien, devenu un cinéaste exigeant, livre ici un très grand film, à la fois populaire, féministe, social, et divertissant . Porté par une distribution éblouissante, en tête de laquelle une Viola Davis encore une fois au sommet de son art, ce thriller est à ne rater sous aucun prétexte.
Recommandation : EN PRIORITE
« Sauver ou périr » de Frédéric Tellier- Avec Pierre Niney, Anaïs Demoustier, Vincent Rottiers…
Sapeur-pompier à Paris, Franck ( Pierre Niney) nage dans la félicité. Non seulement il va être papa, mais il vient de réussir son examen pour devenir ce vers quoi il tend depuis toujours, soldat du feu. Le drame survient dès sa première sortie. En voulant aller sauver certains de ses hommes, il reste prisonnier d’un gigantesque brasier. Gravement brûlé, corps et visage, souffrant le martyre, rayé des pompiers par la force des choses, Franck va pourtant essayer de se reconstruire, sur les plans professionnel et personnel…
Inspiré de faits réels, le nouveau film de Frédéric Tellier (réalisateur du remarquable l’Affaire SK1 sur l’affaire de la traque du tueur en séries Guy George) s’intéresse ici, d’abord au quotidien, si discipliné, si rude, des sapeurs- pompiers de Paris, puis au destin tragique de l’un d’entre eux. Très réaliste, haletant dans la première partie, bouleversant et poignant dans la deuxième, son film a la force d’un documentaire. Il est porté par un Pierre Niney magistral, impressionnant, d’un bout à l’autre.
Recommandation : EXCELLENT
« Les Héritières » de Marcelo Martinessi- Avec Ana Brun, Margarita Irun…
Asuncion, au Paraguay. Après avoir mené la grande vie pendant trente ans avec l’extravagante et extravertie Chiquita (Margarita Irun), Chela, riche héritière vieillissante (Ana Brun), aujourd’hui au bord de la ruine, est contrainte de vendre tous ses biens. Comble de malheur, sa compagne, accusée de fraude fiscale, est envoyée en prison. Pour survivre, et aussi surmonter son chagrin et sa solitude, Chela accepte de faire le taxi pour un groupe de vieilles femmes fortunées, s’aventurant même au delà de la capitale paraguayenne. Petit à petit, aidée en plus par l’arrivée d’une charmante jeune femme qui va réveiller en elle des désirs qu’elle croyait à jamais oubliés, Chela, la taiseuse, la discrète, va remonter la pente, s’ouvrir de nouveau à la vie.
Il fallait une plume et une caméra d’une grande sensibilité pour dresser avec autant de simplicité, d’intériorité et de pudeur, le portrait d’une femme homosexuelle et déclassée, dans un pays dont on perçoit bien, ici, à quel point il est engoncé dans les inégalités sociales et l’ordre moral. Le jury du festival de Berlin ne s’est pas trompé sur la qualité de ces Héritières, à qui il a décerné trois prix, dont l’Ours d’Argent de la meilleure actrice pour Ana Brun.
Incroyablement, au Paraguay – un pays plus connu dans le monde pour sa corruption et sa dangerosité que pour sa production cinématographique-, ces récompenses ont attisé le feu autour de ce film. Un boycott dans son pays d’origine ? Une raison supplémentaire, si besoin en était, d’aller soutenir ce beau film.
Recommandation : EXCELLENT
- « Le Grinch » de Scott Mosier, Yarrow Cheney – film d’animation avec, notamment, la voix de Benedict Cumberbatch pour la VO et celle de Laurent Lafitte pour la VF.
C’est l’histoire d’un drôle de zozo aux poils verts et à la bougonnerie facile, le Grinch, qui, parce qu’il déteste Noël, veut gâcher celui du village adjacent à la grotte où il se terre avec son chien, l’inénarrable Max. Pour parvenir à ses fins, l’affreux jojo va donc concocter des plans très machiavéliques, dont celui de prendre la place du Père Noël et d’aller voler les cadeaux des enfants du village. Une petite fille espiègle, débordant d’énergie et surtout de gentillesse, va faire capoter tous ses horribles stratagèmes…Après d’hilarantes péripéties, tout est bien qui finira bien.
Dix-huit ans après une version live où il était incarné par un James Carrey surexcité, le Grinch est de retour, cette fois-ci par le truchement d’un film d’animation.
Craquant, d’une inventivité folle, d’une drôlerie par moments irrésistible, porteur aussi de valeurs comme la solidarité, et surtout pas « horrifique » un seul instant, ce Grinch nouvelle formule, produit par le patron du Studio d’où est sortie notamment la saga de Moi, Moche et Méchant pourrait bien devenir « la » comédie familiale de cette fin d’année.
Recommandation : EXCELLENT
« La Permission » de Soheil Beiraghi- Avec Baran Kosari, Amir Jadidi…
Afrooz (Baran Kosari) est une femme aussi dynamique que généreuse. Capitaine de l’équipe féminine de futsal en Iran, elle a réussi, après onze ans de travail acharné, à emmener son équipe jusqu’à la finale de le Coupe d’Asie. Au moment d’embarquer pour la Malaisie, elle apprend que son mari, un présentateur vedette de la télé avec lequel elle est en instance de divorce, lui a retiré son autorisation de quitter le territoire.Incrédulité, chagrin, colère, un long combat commence.
Inspiré d’une histoire vraie, La Permission, deuxième long métrage de l’ultra doué (et courageux) Soheil Beiraghi, est un beau et passionnant film qui en dit long sur le droit des femmes dans un pays qui, malgré ses aspirations modernistes ne parvient pas à sortir d'un certain archaïsme religieux. .
Recommandation : EXCELLENT
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