Les Miens
Infos & réservation
Thème
Moussa ( Sami Bouajila) a toujours été doux, altruiste et présent pour sa famille. Tout le contraire de son frère Ryad, un présentateur de télé star (Roschdy Zem) fou de foot, à qui son entourage reproche son égoïsme et son égocentrisme. Seul Moussa qui éprouve pour lui une grande admiration le défend. Un jour, Moussa, sorti en boîte de nuit pour se consoler d’avoir été plaqué par sa femme, tombe, se cogne violemment la tête et a un traumatisme crânien qui le rend méconnaissable : parlant désormais sans filtre, il balance à ses proches leurs quatre vérités et finit par se brouiller avec tous, sauf avec Ryad, qui prend conscience de pas mal de choses qui lui sont reprochées.
Points forts
- Roschdy Zem s’était toujours dissimulé avec beaucoup de pudeur derrière ses rôles ou les films qu'il avait réalisés. Et voilà qu’un jour, à la suite d’un très grave accident cérébral survenu à son frère et qui réunit sa famille en même temps qu’il la désorganise, Roschdy Zem décide de consacrer un film à cette famille dont, en artiste hyperactif, il ne s’occupe plus beaucoup depuis longtemps. Pour être sûr d’aller au fond des choses, de ne rien cacher ou enjoliver, il fait appel à Maïwenn Le Besco, une scénariste dont il sait qu’elle n’a peur de rien, et surtout pas de la vérité, même si elle n’est pas toujours glorieuse à dire. Et ça donne cet irrésistible scénario tragi-comique, écrit comme presque en direct, où tous les personnages se mettent à nu, tous, c’est-à-dire Roschdy compris. Et ça swingue, ça râle, ça pleure, ça rit, ça s’écharpe et ça se réconcilie (ou pas), comme dans (presque) toutes les familles nombreuses mises en tension et déséquilibrées par un drame imprévu
- Cette impression de vie qui émane du scénario, le cinéaste va l’inoculer à sa mise en scène. Réalisée à deux caméras, elle aussi va bouger, vibrer, se composer de plans-séquences comme pris sur le vif. Tout y semble naturel, spontané, sans pose, ni triche. De cette illusion de vérité naît l’émotion : elle surgit à chaque seconde du film
- La distribution est formidable, qui réunit entre autres, Maïwenn (comme d’habitude, d’un engagement impressionnant), Sami Bouajila, qui joue Moussa, le frère blessé sans qui ce film ne serait pas (chic ! le voici enfin dans un rôle à la mesure de l’étendue de son talent), et …le cinéaste lui-même qui s’octroie de jouer son propre rôle, pas toujours à son avantage, avec une belle humilité, comme s’il venait faire ici son mea culpa d’avoir parfois sacrifié les « siens » à son métier.
Quelques réserves
Aucune. Tout sonne vrai dans cette œuvre autobiographique, qui mêle, comme toute vie de famille, petits et grands bonheurs, rires et pleurs, coups de gueule monumentaux et de chavirantes déclarations d’amour.
Encore un mot...
Décidément, l'année 2022 est un grand cru pour Roschdy Zem, pour l’acteur, et pour le réalisateur. L’acteur, parce qu’il est à l’affiche de trois des meilleurs films français de cet automne ( Les enfants des autres de Rebecca Zlotowski, L’Innocent de Louis Garrel et Reste un peu de Gad Elmaleh sorti la semaine dernière sur les écrans), et le réalisateur parce que pour la première fois de sa carrière de cinéaste, un grand festival international de cinéma, en l’occurrence Venise, l’a admis en compétition. Une sélection dûment méritée : coécrit avec Maïwenn Le Besco ( Polisse, le Bal des actrices, ADN) qui sait comme peu ce que « cinéma-vérité » veut dire, Les Miens est un film d’une justesse à la fois poignante et hilarante sur la famille. Ce film d’une humanité débordante, très personnel et en même temps universel, est en outre parfaitement réalisé et « casté ». Un régal.
Une phrase
« A travers cette famille, j’avais envie de partager ses drames, ses conflits et ses névroses, ses douleurs mais aussi ses moments de joie, tout en évitant le prisme culturel ou religieux trop présent selon moi dès lors que l’on évoque cette génération issue de l’immigration…Ce film, c’est mon histoire d’amour avec les miens » (Roschdy Zem, réalisateur).
L'auteur
Né en 1965 à Gennevilliers au sein d’une famille d’origine marocaine, Roschdy Zem a d’abord fait une grande carrière d’acteur avec la fine fleur du cinéma français. André Téchiné, Michel Deville, Xavier Beauvois, Patrice Chéreau, Eric Rochant, Pierre Jolivet, Pascale Ferran… Impossible de citer tous les cinéastes dont le comédien a enrichi le casting, puisqu’il a tourné dans plus de soixante-dix films, récoltant ici et là des récompenses dont en 2020 le César du meilleur acteur pour Roubaix, une lumière d’Arnaud Desplechin. En 2006, il s’est lancé dans la réalisation de longs métrages avec Mauvaise foi, un film sur le mélange des cultures : la rencontre d’une juive (Cécile de France) avec un musulman (Roschdy lui-même). Vinrent ensuite, en 2011,Omar m’a tuer, inspiré d’un fait-divers qui mit en cause un jardinier marocain sans doute innocent ; en 2014 Bodybuilder qui se déroule dans le milieu des culturistes ; en 2016 Chocolat, une biographie romancée du clown Chocolat qui se solda par deux Césars ; en 2019, Persona non grata, un drame inspiré du film brésilien O Invasor sorti en 2002.
Les Miens, qui sort sur les écrans français cette semaine est le sixième long-métrage de ce cinéaste fou de football qui n’a pourtant jamais laissé tomber son métier d’acteur. La preuve, on peut le voir en ce moment à l’affiche de trois films cités ci-dessus.
Et aussi
- LA GÉNÉRALE de VALENTINE VARELA - DOCUMENTAIRE.
Dans son lycée, Christine est la professeure principale d’une classe de seconde essentiellement composée d’élèves venus de l’immigration. Son objectif, et celui de tous les enseignants qui l’entourent : que tous ces ados soient admis en première « générale », cela pour leur éviter d’être envoyés en première professionnelle ou technologique. Ce passage est une étape essentielle dans le cursus des élèves qui le perçoivent comme un passeport social. L’aura ? L’aura pas ? Pourquoi ? Christine explique, inlassablement, consciente quand même que l’engagement d’un prof ne fait pas tout…Ça râle, ça se rebiffe, ça s’inquiète aussi, mais aussi, ça se marre. A la fois chez les profs (soupape), et chez les élèves (insouciance)…
Pour son premier documentaire à destination du grand écran, la réalisatrice (Les enfants de la casa, Une voix en exil) et actrice (L’Allée du roi, La recherche du temps perdu…) Valentine Varela a suivi pendant un an une classe de seconde du lycée Emile Dubois à Paris, placée sous la responsabilité d’une enseignante sensationnelle, Christine Marcy-Covo. Formidable leçon de vie, son film témoigne de la patience, de l’engagement et de l’énergie hors norme que sont capables de déployer des professeurs pour des résultats souvent loin d’être à la hauteur de leur investissement. Passionnant et édifiant.
Recommandation : 4 coeurs
- SAINT-OMER d’ALICE DIOP- KAYIJE KAGAME, GUSLAGIE MALANDA, VALÉRIE DREVILLE…
En 2016, une jeune femme noire française d’origine sénégalaise abandonna son bébé de 15 mois sur une plage de Berck à marée montante. C’est ce fait-divers qui inspire à la documentariste Alice Diop son premier long métrage de fiction. La cinéaste l’aborde en retraçant le procès pour infanticide de cette femme, procès auquel vient assister Rama, une romancière parisienne. Le résultat est ce drame puissant, porté par deux actrices formidables de retenue ( Guslagie Malanda dans le rôle de la mère, Kayije Kagame, dans celui de l’écrivaine) et qui interroge les réalités de notre société, encore trop souvent patriarcale, et celles de l’immigration dont l’un des pires corollaires est une terrible solitude sociale. Malgré la fascination que ce film suscite, on osera regretter que ses dialogues co-écrits avec la monteuse Amrita David et la romancière Marie Ndiaye, soient trop littéraires et que sa mise en scène soit par moments un peu trop statique, ce qui ralentit le rythme du film, pourtant déjà très mesuré. Saint-Omer n’en a pourtant pas moins emporté le Lion d’argent au dernier festival de Venise, avant de rafler ensuite le Prix Jean Vigo et le Reflet d’Or du meilleur long métrage à Genève. Il a même été choisi pour représenter la France, en mars prochain, à l’Oscar du meilleur film étranger. Magnétique et intelligent.
Recommandation : 3 coeurs
- SHE SAID de MARIA SCHRADER- AVEC CAREY MULLIGAN, ZOÉ KAZAN, PATRICIA CLARKSON…
Megan Twohey ( Carey Mulligan ) et Jodi Kantor ( Zoé Kazan) sont journalistes au New York Times. En 2017, enquêtant toutes les deux sur les agressions sexuelles se déroulant dans le milieu du cinéma américain, elles décident de mettre leurs informations en commun et de travailler main dans la main. Le nom d’Harvey Weinstein, le plus puissant des producteurs hollywoodiens, finit par émerger. Entre la peur de parler des victimes, et les intimidations de Weinstein, l’enquête avance lentement. Les deux journalistes finiront quand même par recueillir les témoignages ( notamment celui d’Ashley Judd) qui conduiront à l’arrestation de l’accusé — qui sera condamné en 2021 à 23 ans de prison pour viols et agressions sexuelles.
Produit par Brad Pitt, raconté sous la forme d’un thriller, à la façon des Hommes du Président, She Said reconstitue l’enquête journalistique qui fut à l’origine du mouvement #MeToo. Son scénario est impeccable, son interprétation aussi. Dommage que sa mise en scène manque de fièvre et donne l’impression de ne jamais cerner ses personnages, les journalistes comme les victimes. Édifiant, nécessaire, mais un peu trop impersonnel.
Recommandation : 3 coeurs
Ajouter un commentaire