Les Innocentes

La barbarie et la grâce.
De
Anne Fontaine
Mise en scène
Lou de Laâge, Agata Buzek, Agata Kulesza, Vincent Macaigne
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Dans un couvent isolé, en Pologne, des religieuses Bénédictines tombent enceintes. Nous sommes en 1945. L’Armée Rouge victorieuse est passée par là. Pour protéger la réputation de ses sœurs, la mère abbesse (Agata Kulesza) refuse toute aide extérieure. L’une des Bénédictines (Eliza Rycembel), ne supportant plus les cris d’une sœur parturiente, va chercher du secours au village voisin où se trouve une antenne de la Croix Rouge française. Une jeune interne, Mathilde Beaulieu (Lou de Laâge), découvre alors l’étendue du désastre.

Points forts

- Cette histoire vraie est comme un chemin de croix pour les religieuses plongées dans de grandes souffrances morales et physiques. Elles accouchent dans des conditions rudimentaires. Elles perdent aussitôt leur bébé que la mère supérieure emporte vers une destination inconnue. Où est Dieu dans tout ça ? « La foi, répond une religieuse, c’est 24 heures de doutes et 1 minute d’espérance ». La minute s’anéantit au fur et à mesure que l’intrigue avance. Athée, le docteur Beaulieu se contente de réparer les corps.

- Le personnage de Mathilde Beaulieu est inspiré de Madeleine Pauliac, médecin hospitalier à Paris, qui s’est engagéE dans la Résistance à 27 ans. Elle fut nommée en avril 1945 médecin-chef de l’hôpital français de Varsovie en ruines. Elle va accomplir dans toute la Pologne plus de 200 missions avec des volontaires de la Croix Rouge pour rechercher, soigner et rapatrier les Français. C’est dans ces circonstances qu’elle va découvrir les viols de masse et en particulier le viol collectif de religieuses dans un couvent. Selon les notes de Madeleine Pauliac, 25 d’entre elles ont été violées, parfois plus de 40 fois d’affilée, 20 ont été tuées, et 5 ont dû affronter des grossesses.

Quelques réserves

On aimerait penser que la réalisatrice a noirci le tableau. Mais tout est juste. Elle a même fait plusieurs retraites dans des couvents, dont l’une au monastère des Bénédictines de Vanves, pour être au plus près de ses personnages. S’il y a un point faible, il est au cœur du sujet, c'est la sauvagerie des hommes.

Encore un mot...

Et pourtant, heureusement, tout finit bien, ou presque, grâce à la présence d’esprit de l’interne française qui réussit, avec l’aide du chirurgien avec qui elle travaille, à stabiliser la situation du couvent bien au-delà de ce qui était possible. « Vous ne croyez pas en Dieu, lui écrira l’adjointe de la mère supérieure, mais je suis sûre que c’est lui qui vous a envoyé pour nous sauver ». La dernière image est comme un baume au cœur des spectateurs.  

Une phrase

Qui en sont deux:

- « Ces militaires n’avaient pas le sentiment d’accomplir des actes répréhensibles : ils y étaient autorisés par leurs supérieurs en récompense de leurs efforts. » Anne Fontaine

- « “Les Innocentes” est un film si actuel et le personnage que j’y joue est si moderne que je n’ai pas le sentiment d’avoir tourné une histoire qui se déroule en 1945. » Lou de Laâge

L'auteur

Anne Fontaine, 56 ans, occupe une place à part dans le cinéma français avec des réalisations éclectiques. L’un de ses derniers films, « Mon pire cauchemar » (2011), était une comédie grinçante avec Benoît Poelvoorde et Isabelle Huppert. Elle a tourné un thriller cauchemardesque, « Entre ses mains » (2005), avec Poelvoorde et Isabelle Carré. « Nettoyage à sec » (1997) se présentait comme une fiction sociologique sur l’univers provincial, avec Miou-Miou et Charles Berling. Citons encore un drame psychologique, « Comment j’ai tué mon père » (2001), avec Michel Bouquet, un biopic, « Coco avant Chanel » (2009) et une histoire sulfureuse, « Perfect Mothers » (2013). « Les innocentes » n’a rien à voir avec ce qui précède.

Commentaires

yvesd Bouëssel…
lun 15/02/2016 - 16:13

Ce film (magnifique) m'a été comme une vraie épreuve parce qu'il met en contact des réalités tres différentes et "chimiquement" incompatibles. Comment ces malheureuses nonnes qui subissent une double voire une triple peine avec un viol, une naissance à la clef et parfois, la mort du nouveau né, peuvent elles garder la foi ? Comment le monde spirituel peut il s'accomoder de "l'irruption" du temporel dans tout ce qu'il a de plus éloigné de lui et en la circonstance de plus abject ? La réponse ne se trouve ni dans un un naturalisme ou un mysticisme qui se priverait l'un de l'autre. Même si ces deux pistes semblent un moment être autant de réponses possibles.

L'attention à l'autre, la profonde humanité peut faire des miracles. Et elle en fait ici dans ce film qui est servi en plus par un sens du cadrage et de la lumière exceptionnels (Caroline Champetier) et qui contribue à faire de cette histoire une sorte de chef d'oeuvre.

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