Les Habitants
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Thème
A la suite d’un travail photographique sur la France, réalisé entre 2004 et 2010, Raymond Depardon s’était dit qu’il voulait en filmer les habitants. Pour leur donner la parole. Mais, attention, pas n’importe comment : avec une unité de regard sur tout le territoire.
Un jour, il a eu l’idée de transformer une petite caravane en studio ambulant et d’aller sillonner l’Hexagone, du Nord au Sud et d’Est en Ouest, en s’arrêtant là où bon lui semblerait. A chaque escale, il demanderait à des couples de toutes sortes, rencontrés au hasard, de poursuivre leurs conversations dans sa caravane… Le plan serait immuable : les couples seraient filmés en caméra fixe, face à face, assis sur des tabourets, séparés par une petite table, et devant la fenêtre arrière du véhicule….
Le cinéaste commence son périple en mai. Quand il l’achève, trois mois plus tard, il est en possession d’une somme de témoignages qui, mis bout à bout, « disent » la France d’aujourd’hui, et surtout celle du Centre, pour ne pas dire celle d’en bas.
Surprise, à l’issue du film on s’aperçoit que cette France là, celle des prolos, des chômeurs, des retraités et des jeunes en recherche (ou non) d’emploi, celle à qui on donne rarement la parole, en bave beaucoup, mais ose encore rêver malgré tout, d’un avenir meilleur…
Points forts
- Le pari même du film. Il fallait avoir la foi inébranlable de Raymond Depardon envers l’humanité pour penser que des gens simples, rencontrés au hasard, allaient accepter de s’exprimer, comme ça, sans préparation, devant sa caméra.
- Le voyage hexagonal que ce film nous fait accomplir. La caravane du cinéaste ayant sillonné la France par les petites routes, le périple est champêtre et charmant. D’autant plus guilleret que le tournage s ‘est déroulé sur une fin de printemps et que la nature "fleure" les vacances. On pense à Charles Trenet et à sa « Nationale 7 ». Alexandre Desplats, qui a composé pour ce drôle de voyage une musique aussi délicieuse qu’entraînante, y a sans doute pensé aussi.
- La sincérité des témoignages. On ne sait pas comment le cinéaste s’y est pris, mais il est arrivé à pénétrer dans l’intimité de conversations dont pas une ne semble avoir été « jouée » pour la caméra. Cette « vérité » donne une émotion indéniable au film.
Quelques réserves
Le systématisme du procédé. On comprend que le cinéaste ait voulu traiter tous les témoignages avec équité : même cadrage, et à quelques secondes près, même temps de parole pour tous les couples d’intervenants. Mais visuellement, ce systématisme finit par lasser l’œil. Et sur le plan du contenu, on aurait aimé que certaines conversations se prolongent. La brièveté (volontaire) des face à face laisse comme une impression de ne jamais entrer dans le vif sujet, dans la profondeur des pensées.
Encore un mot...
Un cinéaste qui part à la rencontre des Français et les laisse parler, sans contraintes, en toute liberté… Cette formidable idée donne un film qui offre une image sans doute assez juste de la France d’aujourd’hui qu’on découvre désenchantée mais quand même combative. Si cette image n’a pas une vigueur exceptionnelle, elle est très touchante et a le charme des tableaux impressionnistes.
Une phrase
- « Vivre avec un homme, tu prends tous ses défauts, c’est dur ! »
- « C’est compliqué de dormir avec quelqu’un. Ca fait du bruit, ca bouge, et moi, ça me met les nerfs »
L'auteur
Même s’il est également journaliste et scénariste, Raymond Depardon est avant tout connu comme étant non seulement l’un des photographes français les plus singuliers, mais aussi l’un des maitres du film documentaire.
Né le 6 juillet 1942 à Villefranche-sur-Saône, ce seigneur de l’image, fixe et en mouvement, découvre la photographie à douze ans grâce à un appareil offert par son frère, et prend ses premiers clichés dans la ferme familiale où il ne tarde pas à installer un petit laboratoire de photos.
S’il n’a pas seize ans quand il monte à Paris, il en a tout juste dix-huit quand il est promu photographe à l’agence Dalmas où il s’était fait employer comme assistant. Son premier reportage, au Sahara, lui vaut de faire les Unes de Paris Match et de France-Soir. Sa carrière est lancée. Il n’arrêtera plus. En 1966, il cofonde l’agence Gamma avec Gilles Caron, mais rejoint l’Agence Magnum en 1979.
Parallèlement à son travail de photographe, il réalise des films ( entre autres, en 1989, « La Captive du désert ») et des documentaires dont « 10° Chambre, instants d’audience » (2004), « Profils paysans : le quotidien » (2005) et « Profils paysans : la vie moderne » (2008).
Malgré ses nombreux travaux réalisés à l’étranger, Raymond Depardon aime revenir périodiquement décrypter la France. Témoin, une fois encore, son nouveau documentaire, « les Habitants ».
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