Les Fantômes d'Ismaël
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Thème
Auteur-réalisateur à la fois insomniaque et torturé, Ismaël (Mathieu Amalric) peaufine le scénario de son dernier film dans sa maison d’un joli bord de mer, auprès de sa nouvelle compagne, la douce et compréhensive Sylvia (Charlotte Gainsbourg). Aux affres de l’écriture qui malmènent cet homme assailli par le doute, va bientôt s’ajouter un autre cauchemar, provoqué par un fait, bien réel celui-là, le retour inopiné de Carlotta, une femme vénéneuse et mystérieuse que le cinéaste avait beaucoup aimée, mais qui avait disparu brutalement de sa vie il y a vingt ans (Marion Cotillard).
Une rude compétition va s’ouvrir entre Sylvia et Carlotta, que tout oppose, et qui veulent, l’une, garder son homme, et l’autre, le reconquérir.
Ismaël, lui, va vivre la réapparition de son ancien amour comme un drame qui va le torturer jusqu’à l’emmener aux confins de la déraison… Sa vraie vie et la fiction en forme de thriller, qu’il est en train d’écrire et de tourner sur les péripéties d’un curieux diplomate (Louis Garrel), vont finir par se mélanger et former un inextricable écheveau…
Points forts
- On ne sait pas jusqu’à quel point cette histoire de cinéaste qui traverse la vie avec une cécité de poète maudit pour la réalité, et qui va devoir se débattre entre deux femmes, est autobiographique. Mais ce dont on se rend compte c’est que cette histoire là, vous empoigne dès son début. Par sa violence, sa crudité et sa poésie.
- Un fois de plus, avec « Les Fantômes d’Ismaël », on ne pourra pas dire qu’Arnaud Desplechin ne sait pas ce que grand et beau cinéma veut dire. Que ce soit en matière de cadrage, de lumière et de montage, il a une patte, une vraie, qui en a fait, d’emblée, depuis ses débuts, un des plus éblouissants cinéastes de sa génération. Un des plus singuliers et un des plus virtuoses aussi. Tous les cinéphiles vous le diront, aussitôt annoncés, ses films suscitent l’impatience. Il faut dire que les scénarios de ce cinéaste de (déjà) 56 ans sont en général brillants, denses et bourrés d’inventions, et que ses personnages, souvent désarmants ou torturés (comme lui), ont le don de provoquer immédiatement, sinon de l’empathie, du moins de l’intérêt… Evidemment ceux de ce dernier opus n’échappent pas à cette règle. Dès leur apparition, on est happé par leur intensité, douce et obstinée pour Sylvia, étrange et entêtante pour Carlotta, souffrante et magnétique pour Ismaël (dont on devine qu’il est le double fictif de son créateur).
- Quelle distribution ! Charlotte Gainsbourg, Marion Cotillard et Mathieu Amalric… Pour une affiche on ne peut mieux ! Splendidement, sensuellement, amoureusement filmés, les trois comédiens dégagent un charme électrique d’une vérité incroyable.
Quelques réserves
Qui trop embrasse mal étreint, dit un bon vieux proverbe français, qui se vérifie une fois encore ici… Pour avoir sans doute trop multiplié les mises en abîmes des histoires de ses personnages, Arnaud Desplechin finit par se perdre dans les méandres de son scénario.
La beauté de ses plans et le splendide jeu de ses comédiens ne peuvent pas lutter contre tant de confusion : l’attention se relâche. On le regrette d’autant plus que le film est brillant, palpitant; jusqu'à son dernier quart d’heure.
Encore un mot...
Quel dommage vraiment que « Les fantômes d’Ismaël » ne tienne pas ses promesses jusqu’au bout. Il avait tout pour qu’on lui décerne la palme du meilleur film français de ce trimestre…
Pourtant, il est impossible de ne pas le recommander. Pour au moins trois raisons : sa virtuosité, sa beauté formelle et son interprétation. Son propos, ses images persistent longtemps.
L'auteur
Né à Roubaix en 1960 d’un représentant de commerce et d’une mère au foyer, Arnaud Desplechin -un frère, diplomate et acteur; deux sœurs, une romancière et une scénariste- a le cinéma dans le sang depuis tout petit. Après des études à l’IDHEC (l’ancêtre de la Femis), il rencontre Alain Resnais, dont il dira que c’est le cinéaste qui l’a le plus touché. Il fait ses débuts dans le métier, d’abord comme directeur photo, puis comme scénariste, essentiellement sur des films d’Eric Rochant.
En 1990, il se lance comme réalisateur. D’abord avec un moyen métrage (La Vie des Morts), puis, en 1992, avec un premier long, « la Sentinelle », qui marque sa première collaboration avec Mathieu Amalric et lui vaut sa première sélection à Cannes. En 1996 « Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) » lui vaut sa deuxième sélection. Trois autres suivront dont, en 2000, « Esther Kahn », et en 2004, « Rois et reine ».
Cette année, si ce cinéaste aussi inventif que brillant n’a pas été retenu pour la Compétition officielle, son « Les Fantômes d’Ismaël » est quand même sur la Croisette. Il a été choisi pour ouvrir le Festival. Ce qui n’est pas rien.
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