L’Enlèvement
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Thème
En 1858, dans le quartier juif de Bologne, la police du Pape fait irruption chez les Mortara. Sur ordre du cardinal, elle est venue leur enlever Edgardo, leur fils de six ans, au motif que, bébé, le petit garçon aurait été baptisé en secret par sa nourrice et qu’une loi pontificale intangible impose à tout être humain baptisé de recevoir une éducation catholique.
Bouleversés, les parents vont tout tenter pour récupérer leur fils. Soutenus par l’opinion publique de l’Italie libérale et par la communauté juive internationale, leur combat prend une dimension politique. Malgré l’indignation de la plupart des pays occidentaux, l’inflexible Pape Pie IX et son Eglise vont refuser de rendre Edgardo aux siens. Élevé dans la maison des catéchumènes au Vatican, ce dernier finira par abandonner la religion de sa famille pour le catholicisme, et même, deviendra prêtre, sans pour autant jamais renier ses parents.
Points forts
- A 83 ans, le vétéran du cinéma italien n’a rien perdu, ni de sa rage, ni de sa faculté à dénoncer, dans des scénarios au cordeau et des mises en scène visuellement ambitieuses, les plaies de son pays, l’Italie. Quatre années après Le Traître un film de procès qui, grâce au témoignage d’un repenti, décortiquait les méthodes la Cosa Nostra (la mafia palermitaine), le réalisateur dénonce aujourd’hui, avec L’enlèvement, les agissements de l’Eglise catholique du XIX° siècle, prête à tout, sous couvert de la loi papale, pour rallier des non-croyants à son dogme.
- Son scénario est inspiré d’un fait divers : celui, en 1858 à Bologne, de l’enlèvement par la police pontificale d’Edgardo Mortara, un petit garçon né dans une famille juive, que la police pontificale vint arracher à ses parents au motif, alors intangible, que baptisé par une nourrice et dès lors considéré comme chrétien, il devait être élevé dans la religion catholique.
- La fresque qu’a tirée le cinéaste de cette tragédie est grandiose, qui relève, visuellement, d'un opéra baroque. Somptueux de bout en bout, L’Enlèvement est magnifié par une interprétation impeccable, qui s’explique par une distribution cinq étoiles, en tête de laquelle Paolo Pierobon, terrifiant de douceur cruelle dans son rôle de Pie IX.
Quelques réserves
On pourra regretter que cette tragédie ne s’attarde pas davantage sur les conséquences psychologiques du déracinement et de l’endoctrinement forcés de l’enfant kidnappé.
Encore un mot...
« Ce qui m’intéressait avant tout, affirme Marco Bellocchio, c’est l’histoire humaine et familiale d’un enfant arraché à sa famille ». Même si le cinéaste se défend de toute intention idéologique dans son fascinant « film-fresque », il est pourtant difficile d’y voir autre chose qu’une charge impitoyable contre le fanatisme catholique qui sévit en Italie jusqu’à l’abolition des États temporels du pape, en 1870. Au-delà, d’ailleurs, on pourrait y voir une charge contre tous les fanatismes religieux d’hier et d’aujourd’hui.
Et puis, encore ceci : on comprend mal que L’enlèvement soit ressorti bredouille de la dernière compétition officielle cannoise, tant il époustoufle par sa force narrative et visuelle.
Une phrase
« L’enlèvement de Edgardo Mortara est un crime non seulement commis au nom d’un principe absolu (« Je t’enlève parce que Dieu l’a voulu ainsi »), mais un crime contre une famille tranquille,…respectueuse de l’autorité (qui est encore, à Bologne, celle du pape-roi) à une époque où souffle sur l’Europe un vent de liberté…et où tout est en train de changer » ( Marco Bellocchio, cinéaste).
L'auteur
Né le 9 novembre 1939 à Bobbio en Italie, Marco Bellocchio interrompt à vingt ans ses études de philosophie pour intégrer l'Académie d’Art dramatique de Milan, puis le Centre Expérimental de Cinéma de Rome. Il commence par réaliser quelques courts métrages et après un court passage par l’École des Beaux Arts de Londres, se lance dans le long, en 1965, avec Les Poings dans les poches, remarqué par la critique. Rompant avec le néoréalisme qui prévaut alors sur les écrans de son pays, il crée des œuvres baroques et engagées qui passent au vitriol les fondamentaux de la société italienne : la religion, avec, en 1971, Au nom du père ; la famille, avec en 1979, Le Saut dans le vide, qui vaudra à chacun de ses deux interprètes principaux, Anouk Aimée et Michel Piccoli, un Prix d’Interprétation à Cannes ; et l’armée, avec, en 1976, La Marche triomphale.
A partir de 1980, le cinéaste change et adopte une approche moins provocatrice de ses personnages. Ce seront Les Yeux, la Bouche et Henri IV. Sagesse passagère puisque la plupart de ses films suivants créeront des polémiques. En 2002, Le Sourire de ma mère sur l’Eglise catholique va notamment s’attirer les foudres du Vatican. Deux ans plus tard, Buongiorno, notte, qui revient sur l’assassinat d’Aldo Moro fera trembler un pays encore marqué par les « Années de plomb ».
L’âge n’assagit pas le réalisateur italien. Pour preuve, entre autres, en 2010, Vincere, un biopic sur la maîtresse de Mussolini, en 2012, La Belle Endormie, un drame qui traite du problème de l’euthanasie, et en 2019, Le Traître, une tragédie sanglante sur la fin d’une époque pour la Mafia.
Présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, L’Enlèvement (Rapito, en V.O) est le 32ème long métrage de ce cinéaste multi primé.
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