Le Teckel
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Thème
C’est une vie de chien. En fonction de ses propriétaires successifs, il s’appelle Saucisse, puis Petite Crotte et à la fin Cancer parce que la vieille dame qui le recueille ne se sent pas très bien. C’est la vie d’un teckel parfaitement silencieux tout au long du film - il ne lui manque que la parole, comme on dit - qui est tour à tour adopté par l’enfant d’une famille américaine de la classe moyenne, puis par une jeune femme gentille et un peu dérangée, puis par un scénariste sur le retour qui donne des cours pour survivre (comme le réalisateur du film) et enfin par une retraitée pleine de désillusions. Tout ça finira mal. Mais le ton est celui de la comédie… sarcastique.
Points forts
« C’est une comédie avec du drame » disait Todd Solonz lors de la présentation du « Teckel » au festival de Deauville. « Je fais des comédies tristes. Vous pouvez rire si vous voulez, ou ne pas rire aussi ». Il est vrai que si l’on sourit de temps en temps, on ne rit pas à gorge déployée.
Ça démarre fort. La mère (Julie Delpy) du petit garçon qui s’est pris d’affection pour Saucisse lui explique benoîtement en emmenant la petite chienne chez le vétérinaire qu’il faut la stériliser pour éviter qu’elle se fasse violer par un bâtard répondant au nom de Mohammed… On s’attend donc à une farce mais la suite est plus fine.
Les amoureux des chiens ne resteront pas insensibles à cette chronique douce-amère de Saucisse et compagnie ballotté d’un maître à l’autre, considéré comme un bien meuble, ce qui est conforme à notre façon d’aborder le monde animal domestique, bien que les mentalités soient en train d’évoluer.
Ne nous emballons pas. Dans le film de Todd Solonz, le teckel n’est qu’un prétexte. Pendant que tout le monde veut plus ou moins s’occuper du chien, le cinéaste pointe sa caméra sur les humains qui s’agitent autour de lui. Et l’œil du réalisateur est cruel. Solonz est un moraliste, on l’a dit, qui n’a pas beaucoup de sympathie pour la nature humaine.
Quelques réserves
L’intrigue fonctionne comme un film à sketches avec l’animal pour fil conducteur. On eut aimé une trame plus homogène et une histoire sans brisure sur la longueur du film. Pour le coup, l’ensemble est inégal. Certaines parties sont réussies, d’autres, par exemple le portrait du scénariste, interprété par Danny DeVito, sont plus faibles.
Encore un mot...
Ce n’est pas la première fois qu’un chien est au cœur d’un film. C’est même assez banal tant cet animal est prisé par les petits et grands. A chaque fois le chien est magnifié. A l’inverse du « Teckel ». C’est le philosophe Luc Ferry qui a dit en substance : « Nos descendants auront honte de notre comportements envers les animaux ». Il en a fait un livre : « Des animaux et des hommes ». Cela nous éloigne de notre teckel qui n’a à craindre que les automobiles, si par malheur il lui vient l’idée de traverser une route sans ses maîtres…
Une phrase
« Je pense à ces efforts de l’homme pour dénier toute conscience aux animaux. Des milliers d’années de pensée aristotélicienne, chrétienne et cartésienne nous cadenassent dans la certitude qu’une marche infranchissable nous sépare de la bête ».
Sylvain Tesson, « Dans les forêts de Sibérie ».
L'auteur
Cinéaste américain indépendant, statut non officiel et plutôt bien vu de ce côté-ci de l’Atlantique, Todd Solondz, 56 ans, bénéficie d’un beau passé de réalisateur et d’un présent intéressant. Il vient de recevoir deux prix au 42e festival de Deauville, celui du jury et celui de la révélation pour son nouveau film, « Le teckel ». Deauville lui porte chance puisqu’il avait remporté le prix du jury en 1995 pour « Bienvenue dans l’âge ingrat », chronique grinçante racontant la découverte de l’amour par une adolescente américaine. « Ce film m’a donné une carrière alors que tous mes autres films l’ont détruite », dit-il aujourd’hui avec humour et philosophie, faisant allusion au fait que ses films ne drainent pas les foules alors qu’ils séduisent les cinéphiles. Il a reçu en 1998 le prix de la critique internationale à Cannes pour son deuxième long métrage, « Happiness », présenté à la Quinzaine des réalisateurs.
Ses films - il en a réalisé sept - se moquent de la petite bourgeoisie de son New Jersey natal. Il construit en cela une œuvre de moraliste, tâche qui n’enrichit pas nécessairement son homme. « Aux Etats-Unis, explique-t-il, on ne peut pas vivre de petits films comme les miens. A moins de faire de gros films hollywoodiens, personne ne peut vivre du cinéma ». C’est pourquoi Solondz donne des cours de cinéma à l’université de New York. « C’est un job merveilleux, dit-il, j’adore mes étudiants et mes collègues ». Et il ajoute, toujours pince sans rire : « L’administration y est corrompue, mais je m’en fiche ». Il aime mettre les doigts dans les plaies, Todd Solondz. C’est ce qu’il fait avec « Le teckel ».
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