Le Procès Goldman
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Thème
En novembre1975, débute à Amiens, le deuxième procès de Pierre Goldman (Arieh Worthalter), militant emblématique d’extrême-gauche, condamné en première instance à la réclusion à perpétuité pour quatre braquages à main armée, dont un ayant entraîné la mort d’une pharmacienne et de sa préparatrice. Soutenu par la gauche intellectuelle - dont Simone Signoret et Régis Debray, présents au procès -, le prévenu, qui est le demi-frère du chanteur Jean-Jacques Goldman, assume les trois premiers braquages, mais clame son innocence pour le quatrième.
Georges Kiejman, alors jeune avocat (Arthur Harari) assure sa défense. Malgré le brio de ses interventions, ses rapports avec son client se tendent. En outre, bien qu’il risque la peine de mort ( qui ne sera abolie en France qu’ en 1981), l’insaisissable, l’ indomptable et l’incandescent Goldman persiste dans ses provocations. Son attitude rend l’issue du procès incertaine…Il sera finalement acquitté.
Points forts
- Le parti-pris du réalisateur : plutôt qu’un traditionnel « biopic » sur un militant d’extrême gauche devenu braqueur, qui aurait nécessité, entre autres, une onéreuse reconstitution des hold-up de ce dernier, Cédric Kahn a préféré faire un film de procès, un film radical, puisqu’on ne sortira pas de la salle d’audience. L’ennui pourrait s’installer. La tension ne cesse au contraire de monter tant le huis-clos se révèle passionnant, grâce, notamment, à la personnalité des intervenants. Leurs analyses, parfois contradictoires, quant aux faits reprochés à l’accusé, dessinent, en creux, un portrait de la France des années 70 et des fractures qui la déchiraient alors.
- La formidable tenue des dialogues. Même si Cédric Kahn reconnaît s’être accordé quelques libertés d’écriture, il a restitué, dans toute la mesure du possible, ce qui s’est dit au procès. Résultat, tout sonne juste dans son film, tout vole haut, tout passionne : les plaidoyers des avocats, les déclarations des témoins, mais surtout les interventions de l’accusé Goldman. Eloquence, rigueur de la dialectique, sens de la formule…Tout est restitué, ici, de la maîtrise verbale et de l’intelligence incisive de l’auteur du livre Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France, cet intellectuel brillant, fils de résistants et dévoyé inexplicablement dans le grand banditisme.
- Le choix d’Arieh Worthalter pour incarner Pierre Goldman. Il n’y a pas vraiment de ressemblance physique entre eux. Mais Cédric Kahn dit qu’il a choisi ce comédien parce que « à la première lecture, il avait un tempérament de feu et une présence physique très forte ». « C’est un lion dans une cage, ajoute-t-il, qui pouvait à la fois être drôle, spirituel, manipulateur, séducteur, violent ou émouvant ». A l’écran, Arieh Worthalter restitue avec une présence et un charisme impressionnants, la détermination, la complexité et aussi l’opacité de son sulfureux personnage.
Quelques réserves
Aucune.
Encore un mot...
Il est aisé de le prouver : les films de procès ne courent pas les écrans. Hasard de la programmation, voilà qu’ à peine un mois après la sortie d’Anatomie d’une chute de Justine Triet (la Palme d’Or de Cannes cette année, qui vient de dépasser le million d’entrées), arrive un autre film de procès, qui - hasard aussi? - avait également bénéficié d’une sélection à Cannes, mais à la Quinzaine des réalisateurs, ce qui l’avait éliminé d’office, de la possibilité d’un prix. Il n’est pas question de comparer les deux œuvres, dont, sinon leur genre, l’excellence et la rigueur de leur réalisation, et aussi la perfection de leur interprétation n’ont rien à voir l’une avec l’autre, ni dans leur propos, ni dans leur esthétique. Souligner seulement que le Procès Goldman en ce que, paradoxalement, il révèle de l’énigmatique personnalité du « révolutionnaire » voyou le plus médiatisé de la France des années 70, est l’un des films les plus captivants et les plus réussis de ces derniers mois. Tous pays confondus. A voir, donc, en priorité.
Une phrase
« Arieh Worthalter avait tout pour jouer Goldman : le physique, l’intelligence, la puissance. Le mot qui me vient spontanément pour résumer son travail, c’est la densité…On le voit dès le premier plan, quand il est assis dans sa cellule, les yeux en l’air…Pendant le tournage, il a été très autonome. Je n’ai pas eu besoin de lui donner beaucoup d’indications. Je dirais de lui qu’il a joué Goldman avec sa propre histoire » ( Cédric Kahn, réalisateur).
L'auteur
Taraudé par le cinéma dès sa plus tendre enfance, Cédric Kahn, né le 17 juin 1966 dans la Drôme, monte à Paris, tout de suite après l’obtention de son bac. En quelques années, il parvient à se créer un chemin dans le milieu du cinéma. En 1986, il devient l’assistant du monteur Yann Dedet sur le film Sous le soleil de Satan de Maurice Pialat. Sa carrière s’accélère. En 1989, il signe son premier court métrage, en 1990, son premier scénario (avec Brigitte Roüan), et en 1993, il réalise son premier long métrage, Bar des rails, qui est sélectionné pour Venise, puis Trop de bonheur, qui reçoit le Prix Jean Vigo.
Pour fuir l’étiquette de « cinéaste naturaliste » qu’on lui a tout de suite collée, il va alors faire preuve d’un bel éclectisme dans le choix de ses sujets. En 1998, il décroche le prix Louis Delluc pour l’Ennui, tiré du livre de Moravia; En 2001, il est sélectionné en compétition à Cannes pour Roberto Succo, inspiré par le parcours du tueur en série italien ; en 2004, c’est Feux rouges, un thriller adapté d’un roman de Simenon ; en 2005, l’Avion, qui porte à l’écran une bande dessinée; puis Les Regrets, Une vie meilleure, Vie sauvage (avec Mathieu Kassovitz), La Prière, pour lequel le jeune Anthony Bajon obtiendra l’Ours d’Argent à Berlin en 2018.
Après, Fête de famille en 2019, le cinéaste, qui se fait de temps à autre acteur ( Marche ou crève, l’Economie du couple, N’oublie pas que tu vas mourir…),s’offrira un break de quatre ans. Le Procès Goldman, qui sort ce mercredi 27 septembre) est le douzième long métrage de ce réalisateur qui fait du cinéma pour « aller fouiller les âmes.
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