Le Petit Nicolas : Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?
Avec les voix d’ALAIN CHABAT et LAURENT LAFITTE (de la Comédie Française).
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Thème
Quelques mois après que Sempé a rejoint au paradis des artistes son ami Goscinny (parti tout là-haut, bien trop tôt, en 1977), voilà que sort sur les écrans un film d’animation qui relate à la fois l’enfance (difficile) de ces deux créateurs hors norme et l’amitié si complice qui les lia, en même temps qu’il dévoile comment les échanges si féconds entre ces deux artistes devenus inséparables donnèrent lieu, en 1960, à la naissance d’un petit garçon de papier qu’ils appelèrent le Petit Nicolas. Dans leur naïveté si ludique et joyeuse, ces deux éternels enfants étaient alors loin de se douter que ce petit garçon allait vite devenir, et pour longtemps, l’écolier le plus célèbre de France.
Il est difficile de résumer ce film délicat, drôle et gracieux qui rend hommage à ces deux génies que furent Sempé (incarné par la voix de Laurent Lafitte) et Goscinny (incarné par celle d’Alain Chabat), d’autant qu’il fait intervenir dans presque chacune de ses séquences l’ineffable et malicieux petit garçon. Tantôt l’insolent petit héros surgit sur le papier à dessin de Sempé, tantôt ils s’invite sur les touches de la machine à écrire de Goscinny, entrainant le crayon de l’un et les doigts de l’autre dans de folles aventures, plus délicieuses et poétiques les unes que les autres.
Points forts
-Tout a commencé comme dans un conte. Il était une fois - il y a plusieurs années - deux cinéastes ( Amandine Fredon et Benjamin Massoubre) qui rêvaient de faire un documentaire mêlant les vidéos d’archives de Jean-Jacques Sempé et de René Goscinny aux histoires dessinées du Petit Nicolas. Au fil des mois, leur projet évolua et il leur vint l’idée de réaliser la totalité de leur film en animation. Ce projet, tellement ambitieux, leur prit des années pour en trouver le financement et la…faisabilité. L’un s’attela à un travail d’écriture pour développer notamment les séquences sur les vies de Goscinny et de Sempé, l’autre réfléchit à la façon de rendre compte visuellement de l’esprit du premier et de l’élégance du trait du second.
- Petit à petit, s’imposèrent pour leur film, deux univers graphiques : celui du monde des auteurs (inspiré des dessins, pleins, classiques et colorisés que Sempé produisit pour le New Yorker) et celui, si particulier, du Petit Nicolas, d’un noir et blanc toujours éclaboussé d’une giclée de rouge, avec cette manière que son dessinateur avait d’en noyer les personnages dans des décors gigantesques, mais jamais fermés,.
- Le miracle est que, malgré la maladie qui l’avait considérablement diminué, Sempé valida ce projet, dans tous ses stades.
-Tout est formidable dans ce film : le scénario, qui entremêle habilement le réel et la fiction et qui nous emmène du Paname des années 50 à Buenos Aires (où se réfugia la famille Goscinny pendant la guerre), en passant par New York (où vécut aussi Goscinny et travailla Sempé); l’animation, qui respecte l’oeuvre originale en nous donnant à rêver; les dialogues qui exhalent une poésie souvent désopilante; la musique qui alterne avec sagacité, le jazz tant chéri par Sempé (il était un joueur de piano invétéré) et les chansons populaires de l’époque ; et enfin les voix d’Alain Chabat et de Laurent Lafitte dont on sent que, derrière leur micro, ils s’amusent devant le grand écran.
Quelques réserves
Aucune. Ce film est un enchantement de la première image à la dernière.
Encore un mot...
Après trois longs métrages à la fois charmants et décevants, et aussi une série animée (du même tonneau) on pensait que Le Petit Nicolas n’était pas décidément fait pour le cinéma, qu’il y perdrait toujours une partie de sa poésie, de sa tendresse et de son espièglerie. Et survient ce film qui, sans doute parce qu’il remonte à la genèse de ce petit personnage culte, rend enfin un hommage à ses charmes multiples, et à ceux de toute sa bande de copains de récré. Le résultat est magistral, qui nous fait passer du rire le plus « bon enfant » à l’émotion la plus pure. Présenté à Cannes (où il fut ovationné) avant de décrocher à l’unanimité le prestigieux Cristal du long métrage au festival du film d’animation d’Annecy, ce Petit Nicolas… est ravissement. Pour les petits comme pour les grands. Un film qui rend heureux, sur le grand écran, ce n’est pas si souvent. Courez-Y.
Une phrase
- « Le principal enjeu a été de trouver le bon rythme pour entraîner le spectateur malgré l’absence de structure narrative classique…Finalement le film s’est un peu construit comme une comédie musicale avec des numéros de chant et de danse. L’une de nos références était donc un américain à Paris » ( Benjamin Massoubre, co-réalisateur).
- « Une autre des grandes difficultés pour moi a été de trouver, pour les personnages des auteurs, un style visuel qui soit le même que celui du trait de Sempé…Pour y arriver, il a fallu représenter l’intégralité du décor, puis l’effacer » ( Amandine Fredon, co-réalisatrice)
L'auteur
Après un BTS audiovisuel option montage, Benjamin Massoubre a débuté en tant qu’assistant monteur dans la publicité et le cinéma. Il a ensuite monté de nombreux courts-métrages et séries d’animations avant de s’attaquer au long métrage avec, notamment, Tout en haut du monde de Rémi Chayé en 2015, Minuscule 2 de Thomas Szabo et Hélène Giraud en 2018, J’ai perdu mon corps de Jeremy Clapin en 2019 et Le Sommet des Dieux en 2021.
Le Petit Nicolas : qu’est-ce qu’on attend pour être heureux est son premier film en tant que co-réalisateur et co-scénariste. Sur ce film, il partage l’affiche à ces deux mêmes postes avec Amandine Fredon, formée à l’école d’animation de la Poudrière à Bourg-lès-Valence et qui avait deux réalisations à son actif, la série Tu mourras moins bête en 2017 et le long métrage Ariol prend l’avion en 2019.
Il serait étonnant qu’à la suite de l’indéniable réussite de ce Petit Nicolas, ces deux réalisateurs ne réunissent pas une nouvelle fois leurs talents.
Et aussi
- L’INNOCENT de LOUIS GARREL- Avec ROSCHDY ZEM, ANOUK GRINBERG, LOUIS GARREL, NOÉMIE MERLANT…
Le film commence dans une prison où Sylvie, une femme à fleur de peau (Anouk Grinberg, qui mériterait à chacune de ses apparitions un prix d’interprétation) donne des cours de théâtre à des hommes pour lesquels elle a parfois des coups de coeur. Mais le dernier en date, pour un taulard prêt à sortir (Roschdy Zem), a l’air très sérieux. Abel, le fils de Sylvie, aussi suspicieux qu’ombrageux (Louis Garrel, éblouissant ) s’inquiète auprès de sa meilleure amie, mais trop tard, sa mère se marie avec l’ex-détenu sans savoir que loin d’être repenti, il prépare un nouveau casse. Ce qui n’empêche pas, chez lui, les sentiments. De comédie à la fois sociale et romantique, le film bascule alors dans le polar, mais un polar loufoque, truffé de scènes hilarantes. (On ne spoilera pas la fin).
Pour son quatrième long métrage, le très doué Louis Garrel ( il écrit, réalise et joue avec le même talent ) a passé la surmultipliée. Avec son co-scénariste, l'écrivain Tanguy Viel, il nous embarque dans un film kaléidoscope où les genres se mêlent joyeusement, avec maestria, espièglerie, finesse et intelligence. C’est d’autant plus drôlissime et délicieux à regarder que la mise en scène est enlevée, le casting, de haut vol, la musique, formidable. On est chez Garrel, sans conteste bien sûr ( pour la vivacité malicieuse du récit), mais on se sent aussi un peu chez Truffaut (pour la fraîcheur et la mélancolie) et chez le Lelouch si fripon de La Bonne Année. Pas étonnant que L’Innocent ait été sélectionné hors compétition à Cannes. C’est un film magistral, hilarant, irrésistible.
Recommandation : 5 coeurs
- BUTTERFLY VISION de MAKSYM NAKONECHNYI- AVEC RITA BURKOVSKA, LYUBOMYR VALIVOTS…
Spécialiste en reconnaissance aérienne, Lilia retourne dans sa famille en Ukraine, après avoir passé plusieurs mois dans une prison du Donbass. Il va se révéler très difficile, voire impossible pour elle de lutter contre les traumatismes de cette claustration pendant laquelle elle fut torturée et violée à plusieurs reprises. Les souvenirs affluent, comme des cauchemars, fugaces, violents, inracontables. Lilia s’isole, s’enferme, devient « indéchiffrable » aux yeux de son mari qui ne comprend pas qu’elle ne veuille pas avorter de l’enfant qu’elle porte et que lui a fait un de ses bourreaux.
Présenté au dernier Cannes ouvert par un message vidéo du Président Zelensky, ce film, puissant, singulier et qui évoque les traumatismes de la captivité et de la torture, n’était pas passé inaperçu sur la Croisette. Certains cinéphiles avaient d’ailleurs difficilement compris qu’il soit reparti bredouille du palmarès de la section Un Certain regard, tant il est réussi sur le fond et sur la forme, tant aussi est exceptionnelle la prestation de Rita Burkovska, la comédienne sur laquelle est construit le film, et qui interprète Lilia, son personnage d’ancienne prisonnière revenue à la vie civile avec une retenue impressionnante et une densité rare. Grâce notamment à cette comédienne qu’il est impossible de quitter des yeux tant elle fascine, on passe 1h 40 sans pouvoir reprendre notre souffle. Le Festival de Saint-Jean-de-Luz, qui s’est clos le week-end dernier, n'a pas laissé passer une telle pépite. Butterfly Vision, qui a été tourné avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, y a raflé le Grand Prix et Rita Burkovska, le Prix d’interprétation féminine. Deux récompenses amplement méritées.
Recommandation : 4 coeurs
- LES HARKIS de PHILIPPE FAUCON- Avec THÉO CHOLBI, MOHAMED MOUFFOK…
En 1959, soit quatre ans après le déclenchement de la guerre de l’indépendance d’Algérie, l’armée française recrute de jeunes algériens (pour la plupart venus de régions pauvres de leur pays ) pour lutter à ses côtés contre les fellaghas, mettant ainsi les jeunes recrues en porte à faux vis à vis de leur famille. Ces soldats appelés les harkis vont y «aller» avec dévouement et bravoure. Mais au moment du retrait de l’armée française, très injustement, et contrairement à ce que leurs supérieurs leur avait promis, ils se verront refuser le rapatriement dans le pays qu’ils avaient servis. Entre 30 000 et 100 000 d’entre eux mourront, pour trahison, dans leur pays natal assassinés par leurs compatriotes.
Une fois encore Philippe Faucon (La Trahison, La Désintégration, Fatima) s’attaque à un sujet sensible, violent et complexe, un sujet d’autant plus délicat qu’il a été longtemps occulté. Comme à son habitude, il le traite avec sobriété et clarté, montrant frontalement quand il le faut, les atrocités de cette guerre dont on a tu pendant longtemps la vérité. Puissant et bouleversant.
Recommandation : 4 coeurs
- SIMONE, LE VOYAGE DU SIÈCLE d’OLIVIER DAHAN- Avec ELSA ZYLBERSTEIN, REBECCA MARDER, ELODIE BOUCHEZ…
Cinq ans après la mort de Simone Veil, Olivier Dahan lui rend hommage à travers ce film qui retrace les grands moments de celle qui, rescapée de la Shoah, devint magistrate, puis Ministre de la Santé, Députée européenne, Présidente du Parlement européen et Membre du Conseil Constitutionnel français. Dans ce film-fleuve (2h20), le réalisateur de La Môme ( 2007) et de Grace de Monaco (2014) évoque les étapes essentielles de la vie de l’icône féministe qui fit voter la loi relative à l’IVG en 1975 et se battit par ailleurs toute sa vie contre la barbarie. Dommage que cet ambitieux biopic pèche par trop de didactisme ( on s’y ennuie un peu) et qu’il multiplie les allers et retours entre les époques (on s’y perd un peu). Restent Elsa Zylberstein, qui joue Simone Veil dans sa maturité, et surtout la sublime, lumineuse et (très) talentueuse Rebecca Marder, qui l’interprète dans sa jeunesse.
Recommandation : 3coeurs
Commentaires
Un grand merci, super et émouvant, un grand bravo à tous ,et surtout au petit Nicolas qui nous manque beaucoup, un grand merci encore à vous
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