Le Ciel Attendra
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Thème
L‘embrigadement de jeunes françaises dans l’islamisme radical…
Pour traiter ce sujet, Marie-Castille Mention-Schaar a choisi de montrer la trajectoire de deux adolescentes, l’une, dont on va suivre l’endoctrinement progressif, et apparemment imparable, parce qu’indétectable si on n’est pas en ligne avec les réseaux sociaux concernés ; l’autre, dont, on va, au contraire, accompagner la lente, difficile, et douloureuse (surtout pour l’entourage) dé-radicalisation.
Le film s’ouvre sur une séquence avec cette seconde jeune fille qui se prénomme Sonia (17ans). Alors qu’elle s’apprête à commettre un attentat, on la voit se faire arrêter in extremis par la police, et ramener chez ses parents, qui, n’ayant rien vu venir, vont tomber des nues. Le film suivra ensuite Sonia dans toutes les tentatives qui seront faites par ses proches et des éducateurs spécialisés pour la sortir de l’emprise des djihadistes.
Parallèlement, il va nous montrer, le trajet, exactement inverse, que va emprunter Mélanie. Vivant seule avec sa mère, étudiant le violoncelle, rien ne prédispose cette sage ado de seize ans à se faire endoctriner. Rien, sauf que la mort de sa grand-mère va la fragiliser. Sur Internet, un homme, qui se fait passer pour un prince charmant, va s’engouffrer dans ce vide affectif et proposer de le combler. On verra comment, par quels mécanismes parfaitement huilés, il suffira de quelques mois pour que Mélanie se retrouve engluée dans les rêts du fondamentalisme.
On note, au passage, qu’aucune de ces deux jeunes filles n’est musulmane.
Points forts
- Le sérieux du film. Il s’agit d’une fiction, mais pour traiter ce sujet si difficile, apporter des réponses aux questions qu’il suscite, Marie-Castille Mention-Schaar a enquêté pendant des mois à travers toute la France. Avant d’écrire et de tourner, elle a recueilli des centaines de témoignages, intégré des groupes de paroles et rencontré des éducateurs spécialisés dont Dounia Bouzar, qu’elle a d’ailleurs embauché pour jouer son propre rôle. Pour certaines séquences, elle est même allée jusqu’à se faire conseiller par une jeune fille arrêtée à la frontière turco-syrienne.
- L’empathie de la réalisatrice pour ses deux « héroïnes ». Toute en compréhension, compassion et écoute, cette attitude n’édulcore rien, n’excuse rien, mais elle permet de suivre l’embourbement de ces jeunes filles sans jugement ni mépris, ni accusation. Tourné à la hauteur exacte de ses deux héroïnes, le film n’en est que plus percutant.
- La construction du film. Marie-Castille Mention-Schaar a choisi un montage façon puzzle. « Le Ciel attendra » en comporte deux, que la réalisatrice mélange avec habileté. L’un, sur le récit de l’endoctrinement de Mélanie, qu’elle assemble; l’autre, sur la « désintoxication » de Sonia, qu’elle déconstruit . Cela donne un film tout en allers et venues, très rythmé, qui donne le sentiment d’être très maitrisé.
- Les comédiens. Ils sont tous remarquables. Ce n’est pas une surprise en ce qui concerne Sandrine Bonnaire, Clotilde Coureau, Zinédine Soualem et Yvan Attal qui interprétent les « adultes ». C’est une découverte pour Noémie Merlant et Naomi Amarger qui sont les deux jeunes héroïnes du film.
Quelques réserves
Paradoxalement, la présence de Dounia Bouzar , qui « prêche » beaucoup trop.
Encore un mot...
Aborder le sujet de la radicalisation à travers le prisme de l’endoctrinement de deux jeunes filles de familles aisées, même pas « musulmanes » (comme d’ailleurs dans 40% des cas en France ! ): Marie-Castille Mention-Schaar a eu une riche idée , qui fait admettre que ce « mal » n’arrive pas qu’aux « autres » et qu’il touche tous les milieux sociaux.
Son film montre aussi la difficulté qu’ont les personnes fragiles à échapper aux « rabatteurs » djihadistes, et fait comprendre, d’une façon saisissante, pourquoi, une fois pris dans l’engrenage, il est si difficile d’en sortir.
Sa démonstration est implacable, terrifiante. On sort de son film, sonné.
Une phrase
« Plus je rentrais dans le sujet, et plus je trouvais qu’il y avait une urgence. A un moment donné, je me suis dit : il faut que je fasse ce film. C ‘est maintenant qu’il faut en parler ». ( Marie-Castille Mention Schaar).
L'auteur
C’est en tant que productrice que Marie-Castille Mention-Schaar fait ses premiers pas dans le monde du cinéma. Associée à Pierre Kubel et Frédéric Bourboulon, au début des années 2000, elle produit de nombreux films dont ceux réalisés par Antoine de Caunes (« Monsieur N », « Désaccord parfait »), Philippe Harel (« Tu vas rire, mais je te quitte »), ou encore Pierre Jolivet (« Zim and co », « Je crois que je l’aime »).
En 2009, elle se lance dans l’écriture de scénarios. Coup d’essai, coup de maître : « La Première Etoile », réalisé par Lucien Jean-Baptiste est un succès. Elle décide alors de réaliser elle-même les films qu’elle écrira. Ce sera, en 2012, « Ma Première fois », puis, inspiré d’un fait réel (la protestation des habitants de Carhaix pour conserver leur maternité), « Bowling », avec Catherine Frot et Mathilde Seigner. En 2014, leur succèdera « Les Héritiers », qui met en scène l’histoire (vraie encore) d’une classe difficile qui va se présenter à un concours national d’Histoire.
Son quatrième film, « Le Ciel attendra », lui a été dicté, dit-elle, par une actualité brûlante : la montée de la radicalisation chez les jeunes, en particulier chez les jeunes filles.
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