Le Bois dont les rêves sont faits
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Thème
Claire Simon a planté sa caméra pendant quatre saisons dans le Bois de Vincennes… On s’attend à ce que la « pioche » d’images soit modeste, pour ne pas dire banale… Et, surprise, émerveillement même, il en ressort un film d’une richesse de caverne d’Ali Baba… Certes, on ne coupe pas à ce que tout le monde connaît… Des plans (très beaux tout de même !) de coureurs, de promeneurs, de piqueniqueurs, de cyclistes ou d’amoureux. Mais ce ne sont là, en fait, que des séquences « d’appel ». Car d’allées en bosquets, de pelouses en buissons, nous voilà entrainés à la découverte d’un monde qu’on ne soupçonnait pas, ou plus exactement, de plusieurs mondes, mystérieux et secrets qui s’emmêlent, se juxtaposent ou s’imbriquent. Grâce à la caméra si curieuse, si intrépide et si tendre aussi de la cinéaste, on en apprend de belles sur ce Bois de Vincennes ! Qu’il abrite, par exemple, des passions avouables, comme celle de ce travailleur pour ses colombes. Qu’il en cache d’autres qui le sont beaucoup moins, comme celle de cet homme pour le « voyeurisme ». Ou aussi qu’il accueille toutes sortes d’humains, des inadaptés à la vie urbaine, des solitaires qui ne conçoivent la vie qu’en ermite, des réfugiés qui viennent se donner l’illusion de retrouver leurs racines, etc... Commentée par la cinéaste, la « visite » va durer 2h25 . On ne verra pas le temps passer.
Points forts
- Le pari même de l’entreprise. Ce n’était pas gagné d’avance de réussir à transformer un Bois aménagé pour les loisirs des citadins en «objet de désirs» cinématographiques. Sur ce plan là, la réussite est totale.
- Certains témoignages du film qui laissent bouche bée, soit parce qu’ils sont poignants, comme celui de cet homosexuel qui vient dans le bois pour essayer d’oublier sa solitude (quel doigté a-t-il sans doute fallu à Claire Simon pour recueillir ses propos), soit parce qu’ils sont d’une franche cocasserie, comme celui de ce pêcheur à la ligne qui, affirme- t il avec assurance, n’a « jamais tué de poisson ».
- La beauté des images. Claire Simon aime la nature. C ‘est visiblement pour elle une source de poésie et d’inspiration.
- L’humanité qui irrigue chaque séquence du film. Claire Simon aime les gens, et les respecte. Cet amour et ce respect transparaissent d’un bout à l’autre du film.
- L’hommage rendu au « passé » du Bois. On l’avait oublié, mais, dans les années 1970, Vincennes abrita une université expérimentale dont l’un des professeurs était Gilles Deleuze. Claire Simon fait revivre cette université, en faisait apparaître le philosophe en surimpression sur les ruines du bâtiment. La séquence « impressionne » beaucoup.
Quelques réserves
- La durée de certaines séquences. Si certaines paraissent un peu trop longues (celle consacrée aux cyclistes, par exemple), d’autres (comme celle du colombophile) auraient peut-être mérité un traitement plus approfondi. Mais c’est bien sûr très subjectif !!
- Le commentaire. Tout beau, intelligent et nécessaire qu’il soit, il souffre, par moments, d’un léger excès de lyrisme (défaut très mineur).
Encore un mot...
Un morceau de nature encerclé par les villes, qui s’est transformé en un refuge rêvé (et pourtant bien réel) pour toutes sortes d’êtres vivants, et pas seulement des humains… Avant ce documentaire passionnant d’un bout à l’autre… qui aurait pu le croire ? Face à ce « Bois dont les rêves sont faits » impossible de rester de... marbre.
L'auteur
Née à Londres en 1955, c’est dans le Var que Claire Simon passe la majeure partie de son enfance. Plus tard, étudiante en ethnologie, elle apprend l’arabe et le berbère, et part pour Alger où elle décroche des stages de montage à la Cinémathèque. A son retour en France, elle refuse d’intégrer une école de cinéma, et tourne en autodidacte, dès les années 70, ses premiers courts-métrages. Ayant découvert aux Ateliers Varan les vertus du cinéma direct, elle décide de s’orienter vers le documentaire. Outre plusieurs « courts », et parallèlement à son travail de monteuse, elle réalise en 1991, pour le petit écran, « Scènes de ménage », une série de dix petits films où elle s’amuse à brouiller les frontières entre documentaire et fiction. Elle ne cessera plus d’alterner les genres ou de les mélanger dans la même œuvre. Exemple, en 2007, « les Bureaux de Dieu », tourné, avec Nathalie Baye dans un centre de planning familial ou encore, en 2013, « Gare du Nord », avec Nicole Garcia, entièrement réalisé dans la gare parisienne.
« Le Bois dont les rêves sont faits » est un documentaire à part entière sur le bois de Vincennes, où elle aime venir s’évader dès qu’elle le peut, pour,dit elle, être « dans une fiction de la Nature »
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