L’Autre côté de l’espoir
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Thème
Ça commence par un chassé croisé. Venu d’Alep qu’il a fui pour échapper à la guerre, noirci par le charbon de la soute du cargo dans lequel il s’était planqué, un jeune syrien débarque à Helsinki pour demander l’asile politique. Au même moment, pour ouvrir un restaurant, ce qui est le rêve de sa vie, un finlandais quitte sa femme alcoolique, et plaque son boulot de VRP.
Chacun mû par ce qu’il faut bien appeler l’espoir (celui d’une nouvelle vie), un homme, arrive et un autre, s’en va. Au son d’un rock-folk des années 80, ces deux brûlés de la vie vont se croiser, évidemment pas dans un endroit chic,mais près d’un objet très symbolique de leur condition, une poubelle. Et parce qu’on est dans un film de Kaurismäki, l’un, « l’enraciné », tendra la main à l’autre, « le réfugié ». Bien sûr, ni pour l’un ni pour l’autre, rien n’ira comme ils l’espèrent. Mais, à la fin du film, leurs regards se tourneront quand même vers le ciel… Comme si, peut-être, par delà les drames, faillites successives pour l’un, tabassages par des fachos et demande d’asile refusé pour l’autre, se dessinait, au loin, dans les nuages, la promesse de jours meilleurs…
Points forts
Avec Aki Kaurismäki, tout est pareil et rien n’est jamais semblable. Ce qui est pareil, c’est la trame de ses films. Elle est immanquablement tissée de burlesque, d’absurde, de comédie et de drame. Quoiqu’on regarde de ce cinéaste, il est impossible de ne pas avoir la gorge nouée et de ne pas rire aussi, parfois d’ailleurs en même temps. Depuis Chaplin, personne ne sait parler, comme ce créateur, de la grandeur et de la petitesse de l’homme.
Ce qui change à chaque film, évidemment, c’est le scénario. C’est fou ce que Kaurismäki peut inventer comme histoires à partir des mêmes matériaux. Ici, c’est le drame des réfugiés qui l’a inspiré, le refus, et la violence qu’ils déclenchent dans les pays censés les « accueillir ».
Le sujet est, comme disent les journalistes, en plein dans l’ actu et pourtant, avec ses musiques « folk éraillé » des années 80, ses décors où traînent vieilles guimbardes, téléphones en bakélite et tables en formica, les costumes des personnages aussi, qui pourraient provenir de stocks oubliés chez des soldeurs, sans oublier les lumières, simultanément crues et blafardes, « L’autre côté de l’espoir » nous transporte dans un autre monde , une autre époque. Tout semble à la fois réaliste et rêvé. On est dans l’intemporalité. C’est très fort.
Ce qui est beau aussi, c’est sa façon de filmer, simple, efficace. Il faut dire que ses histoires sont tellement « emblématiques » qu’elles n’ont pas besoin d’être soutenues par des mouvements intempestifs de caméra ou des montages spectaculaires.
Quelques réserves
Sauf à détester l’univers d’Aki Kaurismäki, il n’y en a aucun.
Encore un mot...
Le temps passe, les désillusions s’accumulent, et pourtant, Aki Kaurismäki ne change pas. A en juger par ce « L’Autre côté de l’espoir », il est resté intellectuellement et artistiquement intact, porté par cet élan humaniste qui le maintient debout depuis ses débuts, sa foi inébranlable dans l’homme, son humour décalé et sa poésie.
Inutile de chercher : ce cinéaste ne ressemble à aucun autre. Il transforme, comme personne, en contes poétiques de toute beauté, des histoires souvent enracinés dans ce que le monde génère de pire, comme la misère, l’injustice et la violence. Ses plans se reconnaissent au premier coup d’œil.
Au fond de sa désespérance, on peut toujours apercevoir le scintillement d’une lueur. Chez lui, l’homme parvient toujours à échapper au fatalisme. Même un tant soit peu. C’est magnifique, bouleversant.
Une phrase
« Avec ce film, je tente de mon mieux de briser le point de vue européen sur les réfugiés considérés tantôt comme des victimes objets de notre apitoiement, tantôt comme des réfugiés économiques qui, avec insolence veulent prendre notre travail, nos femmes, nos logements et nos voitures »Aki Kaurismäki.
L'auteur
Né le 4 avril 1957 à Orimattila en Finlande, Aki Kaurismäki est l’un des cinéastes les plus vénérés de la planète. Sans doute parce qu’à travers ses films, tous plus décapants les uns que les autres, il n’a cessé d’affirmer sa foi dans l’homme, envers et contre tout. Il dénonce la misère, les injustices, les horreurs et les violences du monde, mais il le fait en mettant en scène des gens dont l’humanité finit par faire chialer.
C’est qu’Aki Kaurismäki est un drôle d‘énergumène. Il a les pieds sur la terre, mais la tête dans les nuages. C’est un homme qui « dit » le monde, mais à sa manière, de poète « céleste », à la fois un peu clown et intellectuel déchiré.
Cela paraît incroyable, mais cet homme là, dont les films feraient pleurer des pierres, se fit jadis recaler de l’école de cinéma pour « cynisme » ! Il apprit donc, son métier, sur le tas, et la vraie vie (qui l’inspire pour ses films), sans doute dans les bistrots et aussi, paradoxalement, dans les livres.
Son premier long métrage, en 1983, fut d’ailleurs une adaptation d’un des chefs d’œuvre de Dostoïevski, « Crime et Châtiment ». Mais, tout de suite après, il enchaîna avec un film très différent, « Calamari Union », dont la plupart des rôles sont tenus par des musiciens de la scène rock finlandaise.
Depuis, il a réalisé une vingtaine de longs métrages dont, en 2002, « L’Homme sans passé » et, en 2011, « Le Havre » qui furent tous deux sélectionnés, l’année de leur sortie, au festival de Cannes.
Après six années de silence, le revoilà sur les écrans avec ce « L’Autre côté de l’espoir ». Il est resté le même.
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