L’amour et les forêts

Un thriller sur fond d’emprise masculine. Pour porter ce film, un duo d’acteurs majeurs : Virginie Efira et Melvil Poupaud. Indispensable et magistral…

Valérie Donzelli

Avec

Virginie Efira, Melvil Poupaud, Romane Bohringer …

Notre recommandation

4/5

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Thème

Quand Blanche (Virginie Efira) - sœur jumelle romantique et réservée de Rose l’extravertie ( Virginie Efira, aussi ) - retrouve le séduisant Grégoire, un de ses anciens amoureux de lycée (Melvil Poupaud), elle se laisse prendre à son charme. Les choses ne traînent pas : subjugués l’un par l’autre, les deux tourtereaux se marient et déménagent à Metz, éloignant Blanche de sa famille qui réside en Normandie. Petit à petit, la situation entre les époux va se dégrader. Dévoré par sa passion de plus en plus compulsive pour sa femme, Grégoire se transforme en un jaloux à la fois menteur, manipulateur et violent… Pour Blanche, l’atmosphère devient irrespirable, la vie, un calvaire. Un thriller haletant s’installe… Blanche parviendra-t-elle à sortir de cet enfer ou sombrera-t-elle?

Points forts

Le sujet lui-même, qui concerne de nombreuses femmes : il y a longtemps que le calvaire des femmes sous emprise masculine faisait la Une des journaux, longtemps qu’on lui consacrait des reportages, mais jamais encore un film français n’avait eu pour thème le processus qui aboutit à faire d’une femme sa victime. C’est en lisant L’Amour et les forêts d’Eric Reinhardt sur la descente aux enfers d’une femme totalement asservie par son mari que Valérie Donzelli, a eu le déclic de sa possible transposition au ciné. Le projet tourne plusieurs années dans sa tête, sans qu’elle ose s’y atteler. La cinéaste de La guerre est déclarée finit par en parler à Audrey Diwan et toutes les deux, concernées à des degrés divers par le sujet, décident alors de s’y atteler ensemble. L’addition de leurs talents si différents et finalement complémentaires, aboutit à ce scénario d’une grande maîtrise, comme écrit au scalpel.
Pour le porter, Valérie Donzelli le propose à deux acteurs majeurs : Virginie Efira et Melvil Poupaud. Un choix judicieux. Qui d’autre que Virginie Efira aurait su jouer avec autant de nuances et d’engagement, l’héroïne de ce récit, cauchemardesque jusqu’à son retournement ? Quel autre comédien que Melvil Poupaud pour réussir à instaurer une atmosphère de violence et de terreur avec une telle douceur ?

Quelques réserves

Aucune. Tout juste pourra-t-on se demander ce qu’apporte au film le fait que Virginie Efira interprète les rôles des deux sœurs. Une interrogation qui ne remet évidemment pas en cause la prestation de la comédienne, formidable dans ce double « jeu » (je).

Encore un mot...

Pour porter à l’écran le roman de Reinhardt qui traite de l’emprise conjugale - sujet qui la taraudait depuis longtemps - la Valerie Donzelli si fantaisiste et si romanesque de La Reine des pommes (2009) et de Notre Dame (2019), s’est faite impitoyable. Son scénario co-écrit avec Audrey Diwan (Lion d’Or à Venise en 2021 pour L’Évènement) a la rigueur et la tension d’un thriller et sa mise en scène, à l’os, verrouille toute possibilité de compassion vis à vis du mari nocif et manipulateur qu’elle portraiture ici, sans aucune complaisance, sous les traits, pourtant on ne peut plus élégants de Melvil Poupaud (quelle belle idée, ce contre-emploi pour ce comédien habitué aux rôles de séducteur ! ). Une comédie romantique qui dégénère implacablement en drame conjugal… L’Amour et les forêts est sans aucun doute le film le plus fort, le plus poignant, le plus ambitieux aussi, de Valérie Donzelli. Il ne serait pas étonnant qu’il se retrouve nommé aux prochains Césars.

Une phrase

« L’enjeu principal de l’adaptation de mon roman était que le film puisse produire sur les spectatrices le même impact. Il fallait un film électrochoc qui fasse qu’une fois la salle rallumée, des femmes décident de se soustraire à l’emprise de leur conjoint et de passer à l’offensive. Valérie et Audrey ont dessiné une voie lumineuse dont je ne doute pas qu’elle sera empruntée par un grand nombre de femmes » ( Eric Reinhardt, auteur du roman ).

L'auteur

Petite fille du peintre et musicien Dante Donzelli, Valérie Donzelli, née à Epinal en 1973, finit de «grandir» à Paris où elle commence des études d’architecture. Mais après s’être inscrite au Conservatoire du X° arrondissement, elle plaque l’architecture pour devenir comédienne, vivement encouragée par celui qui deviendra son compagnon et le père de ses enfants, Jérémie Elkaïm. Elle commence d’abord par être actrice dans des films de jeunes réalisateurs, dont Sandrine Verset, Thomas Bardinet, Guillaume Nicloux. Puis elle se lance dans la réalisation.

En 2008, son premier court-métrage, Il fait beau dans la plus belle ville du monde est sélectionné à Cannes.

En 2009, son premier long métrage, La Reine des pommes est projeté à Locarno. Son deuxième, La Guerre est déclarée fait l’ouverture de la Semaine de la Critique à Cannes et son succès, international, vaudra à la cinéaste de tourner ensuite assez rapidement Main dans la main (2012). En 2015, Marguerite et Julien est présenté en première mondiale en compétition officielle au Festival de Cannes. Est-ce à cause de l’accueil inexplicablement calamiteux du public et de la critique que reçoit cette inclassable mais passionnelle histoire d’amour ? Quoiqu’il en soit, la cinéaste va attendre quatre ans pour sortir Notre Dame, au générique duquel, comme à son habitude, son nom figure en bonne place.

L’amour et les forêts, le sixième des longs métrages de Valérie Donzelli, mais le premier dans lequel elle ne joue pas, lui a valu d’être invité une fois encore à Cannes, dans la section « Cannes première ».

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