Laissez bronzer les cadavres
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Thème
Réfugiés sur les hauteurs de Marseille chez la peintre Mme Luce et son amant le romancier Bernier, Rino et ses complices Alex, L’Avocat et Le Gros préparent l’attaque d’un fourgon convoyant 250 kilos d’or. Le jour J, le braquage est aussi meurtrier que réussi. Tandis que Rino et l’Avocat ramènent les lingots au refuge et les cachent dans le coffre d’une 504, Le Gros et Alex vont faire les courses. Ils tombent sur Pia, Mélanie et un enfant. Les ramenant, tous découvrent que Mélanie est la femme de Bernier, le garçon son fils et Pia la nounou. Des témoins gênants pour Rino qui décide de les éliminer. C’est alors qu’un duo de gendarmes débarque pour les arrêter. Les coups de feu éclatent…
Points forts
Jean-Patrick Manchette (décédé en 1995) était un écrivain classé d’extrême gauche qui usait du polar pour développer une vision sarcastique et sulfureuse de notre société. Ce rappel posé, qu’on apprécie ou pas son positionnement politique, cette adaptation de son premier roman, co-écrit avec Jean-Pierre Bastidi, co-scénariste entre autre de Nada, La guerre des polices et du très polémiqueDupont Lajoie, est réjouissante pour ce qu’elle rend de l’esprit des deux hommes et des années 70, tant sur le plan formel que narratif.
Mieux, en transformant l’ambiance policière en western à la Sergio Leone, dopé aux amphètes tout en en respectant les codes visuels (très gros plans) et sonores (musique prégnante), les deux réalisateurs lui donnent une référence absolument épatante qui fera madeleine de Proust chez les plus anciens, lesquels, du coup, pourront s’amuser à les repérer.
Alternant plans fixes, images polarisées, temps distendus ou carrément décalés, usant d’une bande son surpuissante, notamment lors des coups de feu, cet OVNI cinématographique éclate tous les systèmes de construction et de narration. Pourtant, on ne perd rien de la cohérence de l’histoire.
Parmi les acteurs, tous formidables et tous se prêtant avec un charisme réjouissant à ce big bang visuel et auditif, on retiendra Elina Löwensohn, fascinante Mme Luce.
Quelques réserves
D’abord hypnotisante, la mise en scène, post moderne, peut légitimement devenir lassante,agaçante voire détestable, d’autant qu’elle rétrocède au second plan l’aspect corrosif du récit et la profondeur romanesque des héros.
Encore un mot...
“Cattet & Forzani, passionnés du cinéma de genre transalpin, pouvaient trouver dans ce récit une source d’inspiration à la mesure de leur passion, de leurs références et de leur audace. S’il m’a tant fait plaisir de les voir s’attaquer à ce Manchette-Bastid, c’est aussi parce que les adaptations précédentes des romans de mon père ont été banalisées et traitées sur un mode conventionnel, comme le tout-venant des films policiers d’hier et d’aujourd’hui. (…) Enfin, mon père lui-même fut toujours un franc-tireur, une anomalie dans le paysage littéraire et cinématographique francophone.” Doug Headline (de son vrai nom Tristan-Jean Manchette, journaliste, réalisateur, scénariste et éditeur).
O tempora o mores !, chacun pourra rapprocher tout ce qui est écrit supra du fait de découvrir, lors du générique final, que Bnpparibas a contribué à produire ce film.
Une phrase
“Je ne pense pas que vous puissiez être intelligent puisque vous êtes un flic ”. Mme Luce au gendarme.
L'auteur
Couple vivant à Bruxelles, Hélène Cattet, née en 1976 à Paris, et Bruno Forzani, né la même année à Menton, se rencontrent à Bruxelles en 1997. Depuis, ils ont tourné plusieurs courts-métrages, pour la plupart auto-produits, et réalisé tous leurs films : Amer en 2009 et L’étrange couleur des larmes de ton corps en 2012, hommage au giallo (cinéma d’épouvante italien des années 70) sur un diptyque féminin/masculin. Cette même année, ils participent avec O is for orgasm au long métrage d’anthologie ABC’S of Death (2012) qui réunit 26 réalisateurs émergents de la scène fantastique internationale. C’est toujours accompagnés du même tandem de producteurs, à savoir Eve Commenge - François Cognard, qu’ils réalisent, donc, ce troisième long métrage : Laissez bronzer les cadavres.
Sachez encore que Bruno Forzani est, depuis 2004, programmateur et présentateur francophone des séances de cinéma bis au Musée du cinéma de Bruxelles.
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