LA REVANCHE DES CREVETTES PAILLETÉES
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Thème
Après avoir tenu des propos homophobes, Matthias Le Goff, vice-champion du monde de natation (Nicolas Gob) est condamné à entraîner Les Crevettes pailletées, une équipe de water-polo gay, davantage motivée par la fête que par la compétition. Cet attelage explosif doit se rendre au Japon pour participer aux Gay Games, le plus grand rassemblement sportif homosexuel du monde. Mais pour avoir raté leur correspondance, tous ses membres se retrouvent coincés dans le fin fond de la Russie, l’un des pays les plus homophobes du monde. C’est le début d’une aventure aussi périlleuse que rocambolesque.
Points forts
- Trois ans après son succès en salles (600 000 spectateurs français et une vente dans une trentaine de pays), les Crevettes pailletées, l’équipe de water-polo la plus gay et la plus déjantée de France revient sur les écrans. Pas question pourtant pour ses créateurs, de reprendre la même formule, même en la tordant un peu. S’il se veut fidèle à l’ADN du premier volet, ce numéro deux est beaucoup plus politique. Il dénonce, sans gant, l’homophobie qui règne encore dans de nombreux pays, dont, en l’occurrence la Russie où l’action est d’ailleurs censée se passer. (En réalité, comme dans le pays de Poutine une loi datant de 2013 défend de faire la « promotion de l’homosexualité sous peine d’aller en prison, le film s’est tourné en Ukraine).
- En raison des thèmes qu’il aborde (non seulement la répression de l’homosexualité, mais l’horreur des thérapies de conversion), on aurait pu penser que ce volet soit moins rigolo que le précédent. Erreur ! Ses dialogues sont aussi percutants et les situations, aussi comiques.
- Les acteurs de l’équipe, de Nicolas Gob à Romain Brau en passant par Alban Lenoir et Romain Lancry s’en donnent à cœur joie dans le délire et la « rigolade ». Et pourtant le tournage ne fut pas toujours une partie de plaisir. A plusieurs reprises, il aura par exemple contraint les comédiens à se retrouver dehors à quatre heures du matin en jeans et baskets par… -22°C.
Quelques réserves
Par-ci, par-là, de minuscules baisses de régime, mais rien qui entame vraiment le comique du film.
Encore un mot...
Le phénomène Crevettes pailletées va-t-il s’amplifier avec cette suite ? Ce serait justice tant ce numéro deux est encore plus « croustillant » que le numéro un (ce qui est rare ). S’il est aussi loufoque, il est plus touchant et plus politisé, ce qui lui confère une certaine gravité sans toutefois lui enlever une once de drôlerie. Il faut attribuer cela aux comédiens, tous d’une irrésistible justesse, aux dialogues, percutants, et à l’intrigue, qui relève de celle d’un film à suspense. Décapant et… nécessaire.
L'auteur
Né le 29 septembre 1980 à Paris, Maxime Govare est un réalisateur-scénariste qui aime les exercices de duo. C’est avec Noémie Saglio qu’il se lance, en 2015, dans le long métrage. C’est Toute première fois, une comédie dramatique portée par Pio Marmaï. Racontant l’histoire d’un jeune gay qui tombe amoureux d’une femme, elle remporte le Grand Prix du Festival de l’Alpe d’Huez. En 2016, le jeune cinéaste s’émancipe et tourne en solo Daddy Cool avec Laurence Arné et Vincent Elbaz. En 2019, il reprend le travail en tandem, mais cette fois avec Cédric Le Gallo. Il cosigne avec lui Les Crevettes pailletées.
La rencontre entre Maxime l’hétéro et Cédric l’homo remontait à 2015. Ancien journaliste télé, Cédric Le Gallo rêvait de porter à l’écran l’histoire des Shiny Shrimps, une équipe de water polo gay dont il était membre depuis quelques années. Ni une ni deux, les deux nouveaux amis s’étaient attelés à la même machine à écrire, puis s’étaient partagés la réalisation du film. Leur duo avait fonctionné au-delà de leurs espérances : Leur Crevettes pailletées était reparti du Festival de l’Alpe d’Huez avec le Prix spécial du Jury, acheté par une vingtaine de pays.
Le tandem poursuit sa collaboration avec cette suite, dont on s’attend à ce qu’elle fasse un exploit au box office.
Et aussi
- VORTEX de GASPAR NOÉ - Avec FRANÇOISE LEBRUN, DARIO ARGENTO, ALEX LUTZ…
Un couple âgé vit dans un appartement parisien surchargé de livres et de souvenirs. Malgré l’amour qu’ils se portent l’un à l’autre, ils ne partagent plus vraiment leur quotidien. Lui est un historien et un théoricien du cinéma qui tente de finir un ouvrage sur les liens entre le 7ème art et les rêves. Elle, psychanalyste à la retraite, est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Tous les deux vivent leur dernier bout de chemin, sombrant chaque jour un peu plus dans l’absence et la sénilité, à peine réconfortés par les visites de leur fils, un quadra, au bord du précipice lui aussi, totalement désemparé par leur déchéance…
Est-ce parce qu’il approche de la soixantaine ou qu’il est un miraculé d’une gravissime hémorragie cérébrale ? En tous cas, on est loin ici du Gaspar Noé provocateur comme, entre autres, dans Irréversible et Love. Le cinéaste, inconditionnel de l’inoubliable Amour de l’allemand Michael Haneke, revient sur le grand écran avec un film qui scrute, sans concession et avec un réalisme cru, l’agonie physique et mentale d’un couple au bout de son chemin. Pour donner à ressentir visuellement l’isolement et la détresse dans lesquelles s’enfoncent ces deux vieux mariés, le cinéaste a utilisé d’un bout à l’autre la technique du partage d’écran. Cela donne à son film une incroyable puissance émotionnelle. Une puissance encore démultipliée par la prestation exceptionnelle de vérité des trois acteurs principaux de son drame : Françoise Lebrun (l’actrice légendaire de La Maman et la putain), Dario Argento (le réalisateur iconique de Suspiria, d’Inferno, du Sang des Innocents,…) et Alex Lutz, dont la présence s’affirme de film en film. Hypnotique, poignant, magnifique.
Recommandation : 5 coeurs
- À L’OMBRE DES FILLES d’ETIENNE COMAR - Avec ALEX LUTZ, AGNES JAOUI, HAFSIA HERZI, VEERLE BAETENS…
En pleine crise personnelle, Luc, un chanteur lyrique renommé (Alex Lutz, encore) accepte d’animer un atelier de chant dans un centre de rétention pour femmes. Il ne se doute pas qu’il va se trouver confronté aux tempéraments difficiles des détenues, toutes des longues peines. Malgré les difficultés, il va tenter d’offrir à ces prisonnières un semblant de liberté, en libérant leur voix…
Pour son deuxième film en tant que réalisateur, cinq ans après son somptueux Django, Etienne Comar quitte le genre « biopic », mais pas la musique. Après le jazz, il célèbre ici le classique et le baroque, mais cette fois par l’intermédiaire de la voix. Grand admirateur des timbres de contre-ténor, le cinéaste a eu envie de montrer, à travers un récit, combien le chant peut être une libération. Et quoi de mieux qu’une prison pour exprimer la métaphore de cette libération. Forcément, devant A l’Ombre des filles, on ne peut pas s’empêcher d’évoquer le récent Un Triomphe d’Emmanuel Courcol où Kad Mérad interprétait un acteur sans rôle qui allait donner des cours de théâtre en prison. Mais le film d’Etienne Comar n’est pas une pâle copie de son prédécesseur. Il a une vraie personnalité et une vraie singularité. Ses portraits de femmes que l’enfermement a, dans leur grande majorité, rendues douloureusement agressives et rebelles, touchent. Présent deux fois cette semaine sur les écrans dans deux films aux antipodes l’un de l’autre (voir Vortex ci-dessus), Alex Lutz est le professeur. Toujours aussi juste et surprenant, ce comédien caméléon prouve une fois encore qu’il est un acteur hors norme. Original et émouvant.
Recommandation : 4 coeurs
- LE DERNIER PIANO de JIMMY KEYROUZ - Avec TAREK YAACOUB, ROLA BAKSMATI, MOUNIR MAASRI…
Pianiste syrien de talent, Karim a l’opportunité unique de passer une audition à Vienne. Mais la guerre civile syrienne dont l’Etat islamique est partie prenante bouleverse ses projets. Pour lui, comme pour ses compatriotes, survivre devient un enjeu quotidien. Un jour son piano, qui constitue sa seule chance de pouvoir s’échapper de cet enfer, est en partie détruit par un tir. Karim ne va plus avoir qu’une obsession : trouver des pièces pour réparer son instrument. Un périlleux voyage commence à travers un pays pris en otage par des combattants qui brûlent les livres pour effacer son histoire et punissent de mort les homosexuels en les jetant des toits.
Pour son premier long métrage, le réalisateur libanais Jimmy Keyrouz a choisi de parler de la terreur qu’ont fait régner les combattants de l’Etat islamique dans le pays dirigé aujourd’hui par Bachar el-Assad. Et il le fait à travers plusieurs histoires vraies dont celle d’un pianiste qui, en jouant de son instrument malgré les interdictions et le risque encouru, avait pour ambition de redonner de l’espoir à ses voisins. Vous avez dit mélo ? Si Jimmy Keyrouz le frôle à plusieurs reprises, il n’y tombe jamais. Son film est un petit miracle d’équilibre. Grâce un récit qui certes bouleverse, mais qui est très maîtrisé, grâce aux interprètes qui jouent avec une dignité exemplaire; grâce aussi à sa musique, composée par Gabriel Yared, qui s’envole et s’écoute, comme un message d’espoir. Édifiant et captivant.
Recommandation : 4 coeurs
- ET IL Y EUT UN MATIN de ERAN KOLIRIN - Avec ALEX BAKRI, JUNA SULEIMAN, SALIM DAW…
C’est l’histoire de Sami, un arabe israélien installé avec sa famille à Jérusalem, qui retourne un jour pour marier son frère dans le village arabe où il a grandi et qui s’y réveille le lendemain matin pour constater qu’il a été encerclé par l’armée israélienne. Coupé du monde, englué dans une situation absurde, Sami va voir tous ses repères vaciller…
Après deux années de silence, et quinze après son merveilleux premier long-métrage, La Visite de la fanfare (une fable humaniste sur une possible coexistence pacifique entre juifs et arabes, qui remporta une cinquantaine de prix), le cinéaste israélien Eran Kolirin revient sur les grands écrans avec cette tragi comédie adaptée du roman éponyme de Sayed Kashua sur le désenchantement d’une population qui ne croit plus arriver un jour à vivre en paix. Un roman qu’avec un grand sens de l’ironie, son auteur, pourtant palestinien, avait écrit en hébreu. C’est à partir de cette version qu’Eran Korilin a travaillé, en accentuant encore son ironie, avec ce sens de l’absurde qui est sa marque de fabrique. Poétique, pince-sans rire et divertissant, oui, divertissant malgré son désenchantement. On pense au réalisateur Elia Suleiman.
Recommandation : 4 coeurs
- FACE À LA MER de ELY DAGHER - Avec MANAL ISSA, ROGER AZAR, YARA ABOU HAÏDAR…
Deux ans après avoir quitté parents et amis pour aller étudier à Paris, Jalna (Manal Issa) revient à Beyrouth, sans avoir envie de raconter les raisons de son retour subit. Fatigués, indulgents aussi, ses parents ne lui demandent d’ailleurs pas d’explications. Mais un jour Jalna retrouve Adam, son ancien petit ami, l’occasion pour elle (et pour nous) de découvrir ce qu’est devenue la capitale libanaise aujourd’hui, en pleine déréliction, dans un pays ravagé par une grave crise économique et financière…
Six ans après sa Palme d’or du premier court métrage obtenue avec Waves’98, le jeune réalisateur libanais Ely Dagher s’est lancé dans le long, avec ce portrait d’une ville ravagée par les guerres successives et les mauvaises gestions. Une ville atone, presque fantomatique, vue à travers le regard d’une jeune femme mélancolique et dépressive. En regardant ce beau film si nostalgique, impossible de ne pas penser à Antonioni. La référence parle d’elle-même. Cet envoûtant Face à la mer mérite absolument d’être vu.
Recommandation : 4 coeurs
- A CHIARA de JONAS CARPIGNANO — Avec SWAMY ROTOLO, CLAUDIO ROTOLO, CARMELA FUMO…
Chiara,16 ans, vit dans une petite ville de Calabre entre sa mère, ses deux sœurs et son père adoré… Mais au lendemain d’une fête donnée pour les 18 ans de sa sœur, son père disparaît, sans laisser de trace. Elle décide de mener une enquête pour le retrouver et elle finit par découvrir qu’en réalité son père, si aimant et si attentionné, est membre d’un cartel mafieux de drogue. Pour la jeune adolescente, qui était la seule de son entourage à ne pas connaître cette vérité, une page va se tourner…
Après les migrants africains dans Mediterranea (2015) et les « roms » dans A Ciambra (2017), Jonas Carpignano clôt son triptyque sur la petite ville calabraise de Gioia Taura par une évocation de la Mafia à structure patriarcale qui gangrène la ville. La singularité de son film est de ne rien dévoiler de ce que cette mafia, la plus dangereuse de la région, génère de violences et de crimes. Juste se contente-t-il de faire ressentir la force du rejet et du dégoût que cette organisation peut susciter chez une jeune fille élevée en dehors de ses combines, crimes et exactions. Dans A Chiara, la réalité côtoie sans cesse la fiction, ce qui lui donne à la fois de la fluidité et une solide impression de vécu. Passionnant et émouvant.
Recommandation: 4 coeurs
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