La forme de l’eau
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Thème
En 1962, en pleine guerre froide, des scientifiques américains déposent en grand secret dans un laboratoire gouvernemental, une étrange et inquiétante créature aquatique (Doug Jones). Pour mieux l’étudier, ils la rivent, au moyen de courtes chaînes, dans une étroite piscine et chargent un geôlier sadique (Michaël Shannon) de la surveiller.
Cette créature en apparence aussi monstrueuse qu’agressive et qui ne peut s’exprimer que par grognements, va pourtant émouvoir quelqu’un, en l’occurrence, quelqu’une, Elisa, une jeune femme de ménage (Sally Hawkins). Devenue muette à la suite d’un accident, très seule, cette employée va reconnaître en ce monstre amphibie une sorte de double d’elle-même. Elle et lui sont prisonniers de leur infirmité, tous les deux vivent confinés, elle, dans un appartement étriqué, lui dans un bassin d’eau qui ne lui permet aucun mouvement.
Une histoire d’amour fantastique va se nouer entre ces deux « êtres » là…
Elisa, la belle, va tenter de délivrer « sa » bête, de la rendre à la mer, dont elle vient sûrement. L’opération ne sera pas simple. Ses « patrons » américains vont partir à ses trousses; des espions soviétiques, infiltrés dans le laboratoire, aussi… Cette romance si particulière entre deux êtres liés par leur « différence » va alors prendre les allures d’un thriller…
Points forts
Dans ce conte si singulier, si beau, si imaginatif, il est difficile d'énumérer les points forts, tant ils sont nombreux et s’enchevêtrent. On va donc commencer… par le début, par dire que dès ses premières images, ce film vous happe, tant, il est, visuellement, bluffant. Il s’ouvre par un long travelling d’une fluidité incroyable où l’on va découvrir les principaux personnages de cette histoire, comme s’ils avaient été tournés dans un aquarium géant.
Comme entrée en matière d’un scénario bâti sur une histoire d’amour fantastique, on ne pouvait trouver plus beau, plus intrigant.
Jusqu’à son dernier plan, le film ne se déparera jamais de cette beauté visuelle, éblouissante, même dans ses scènes les plus « réalistes ».
Guillermo del Toro avoue qu’il lui a fallu trois ans pour mettre au point son scénario avec sa complice en écriture, Vanessa Taylor. Mais, quelle réussite ! Car ce conte, tout fantastique et onirique qu’il soit, parvient à rester ancré dans la réalité, celle de l’Amérique des années 60. On y voit défiler une foultitude de gens très différents, des sans-grades privés de parole à des scientifiques arrogants, en passant par des espions sans pitié, des militaires ivres de leur pouvoir et des artistes engloutis sous la déferlante du modernisme et du libéralisme.
Malgré le foisonnement de ses personnages, ses intrigues qui s’entrecroisent et la dynamisent, l’histoire reste d’une stupéfiante limpidité.
Autre atout majeur du film, sa « créature ». Elle a demandé neuf mois de travail à des artistes spécialisés. Mais le résulat est prodigieux. Elle est à la fois inquiétante et aquatique, et en même temps, elle est séduisante et terriblement humaine. C’est Doug Jones qui l’anime. Il est sensationnel. Il faut un talent fou pour parvenir à faire passer, sous le costume d’un « monstre », des émotions comme la peur, l’agressivité, la douceur, l’amour et la masculinité.
Face à Doug Jones dissimulé sous son étrange carapace, les comédiens de chair et d’os tiennent le choc. Haut la main. A commencer par Sally Hawkins, qui bouleverse et emporte dans son rôle d’amoureuse privée de parole (mais pas d’érotisme !).
Ajouter que cette Forme de l’eau a inspiré à Alexandre Desplats une musique ondoyante et cristalline, qui a déjà valu au compositeur français un Golden Globe, et un Bafta.
Quelques réserves
Aucun, vraiment aucun.
Encore un mot...
Une fable drôle, poétique, magnifique, sur la différence et la tolérance, portée par un casting d’exception… La Forme de l’eau arrive sur les écrans français auréolé du Lion d’Or à Venise et du Golden Globe et du Bafta du meilleur réalisateur. Il est nommé treize fois pour les Oscars à venir… Oui, on ose le dire, c’est un chef d’œuvre.
Une phrase
« L’eau prend la forme de son contenant, mais malgré son apparente inertie, il s’agit de la force la plus puissante, la plus malléable de l’univers. N’est-ce pas également le cas de l’amour ? Car quelle que soit la forme que prend l’objet de notre flamme – homme, femme ou créature-, l’amour s’y adapte »
(Guillermo del Toro, réalisateur).
Une video
L'auteur
Né le 9 octobre 1964 à Guadalajara, au Mexique, dans une famille catholique pratiquante, Guillermo del Toro passe une enfance solitaire où pour tenter d’échapper aux rigueurs de son éducation religieuse très stricte, il se réfugie dans les livres et les films. Très précoce, il découvre la production à l’âge de huit ans. Le démon du cinéma ne le lâchera plus. Après avoir travaillé comme maquilleur pendant quelques années, il produit son premier film en 1985 et co-fonde le Festival international du film de Guadalajara dont la première édition a lieu en 1986.
C’est en 1993 qu’il se lance dans la réalisation, avec Cronos, un film d’horreur qui remporte de nombreux prix, notamment au Festival de Cannes.
Il est lancé et n’arrêtera plus de tourner, alternant les grosses productions hollywoodiennes, comme Blade 2 et des œuvres plus personnelles, dont Le Labyrinthe de Pan, un conte fantastique qui lui vaut, en 2006, à Cannes, une ovation de 22 minutes.
Aujourd’hui, sans compter ses séries télé, sa filmographie compte une dizaine de longs métrages pour le cinéma, dont, en 2013, Pacific Rim et, en 2015, Crimson Peak. En tant que producteur, il est également à l’initiative de nombreux films, dont certains d’animation, notamment Kung Fu Panda 2.
Car cet artiste hors norme, qui est aussi romancier à ses heures et avoue une fascination sans borne pour les insectes et pour les monstres, s’aventure sans faillir dans toutes les formes et styles de la création, écrite, visuelle, télévisuelle et cinématographique.
Divorcé, père de deux filles, ce grand admirateur des romans de Lovecraft et Borges, mais aussi de Hugo et de Proust, vit désormais en Californie. Francophile, il vient à Paris dès qu’il le peut. Il possède un studio à Saint-Germain des Prés.
Et aussi
Corps étranger, de Raja Amari.
Parce qu’elle a dénoncé son frère islamiste, Samia (Sara Hanachi) s’est vue contrainte de quitter son pays, la Tunisie. Ayant échoué à Lyon, elle va y rencontrer une riche veuve ( Hiam Abbass) et aussi un garçon dont la beauté sombre et brutale va la troubler énormément ( Salim Kechiouche)… Pour Samia, l’immigrée, va venir, doucement, le temps de l’intégration, mais aussi celui de la découverte de la sensualité et des pulsions sexuelles.
Pour son deuxième long métrage Raja Amari témoigne d’une grande ambition. Non seulement elle mélange à la fois l’universel (la condition des immigrés) et l’intime ( la naissance du désir chez les êtres humains), mais elle aborde aussi, en arrière plan, les problèmes du rejet, de la trahison et de la radicalisation. C’est osé, courageux. En plus, on aime, sa façon, sensuelle, de filmer les corps des trois principaux protagonistes de son film, interprétés tous les trois par des comédiens impeccables de justesse et d’engagement.
RECOMMANDATION: BON
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