La Fille Inconnue
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Thème
Un soir, après une journée de travail intense, au motif qu’on ne peut pas faire un bon diagnostic si on est trop fatigué, Jenny, un jeune médecin généraliste (Adèle Haenel) interdit à son stagiaire (Olivier Bonnaud) d’aller ouvrir la porte de son cabinet à quelqu’un qui y sonne, une heure après l’horaire, affiché, de sa fermeture. Le lendemain, on vient l’avertir qu’une femme inconnue a été retrouvée morte, non loin de là, probablement assassinée. A partir de cet instant, rongée par le remords, terrassée par les conséquences de sa décision d’avoir maintenu sa porte close, Jenny n’aura de cesse de découvrir l’identité de cette victime, pour qu’elle puisse avoir le droit d’être enterrée par les siens…
Le film va retracer son enquête.
Points forts
- Le sujet du film. Il ne faut pas s’y tromper, sous ses aspects de polar, « La Fille inconnue » est en fait un film qui « ausculte » la culpabilité : comment celle-ci s’installe, comment elle peut ronger, jusqu’à l’obsession, et, comment, aussi, on peut arriver à s’en débarrasser, en la supplantant par un autre sentiment, d’un ordre tout aussi intime, la rédemption.
Ce sujet, d’ordre psychanalytique, aurait pu donner lieu à un film « abstrait ». Les frères Dardenne parviennent à en donner une représentation concrète, grâce à l’histoire de cette jeune toubib, qu’on va voir accéder, physiquement, à une paix intérieure. A force d’un patient travail d’écoute et d’ouverture aux autres, elle va, petit à petit, se libérer du corset des certitudes qui la privaient de toute compassion.
- Les arrière-plans du film. Ce n’est pas pour rien qu’ici, l’héroïne est médecin généraliste dans un quartier défavorisé. En toile de fond, cela permet aux réalisateurs de montrer, évidemment pour la dénoncer, la réalité sociale de ces quartiers.
- L’esthétique de cette nouvelle fiction. S’ils n’ancrent jamais leurs histoires dans un chemin déjà visité, les réalisateurs restent, en revanche, d’une fidélité sans faille à leur style, très réaliste. C’est ce qui donne sa force et sa vérité à leur cinéma, ce qui en constitue la signature. On remarque que pour ce film, qui fait la part belle à l’écoute, la mise en scène est un peu plus assagie.
- L’interprétation d’Adèle Haenel. Qu’elle joue les dures, comme dans « Les Combattants », les amoureuses obstinées comme dans « Les Ogres », ou comme dans ce film, les femmes confrontées à la misère humaine, la comédienne subjugue. Son ton et son maintien sont justes, son jeu, d’une sobriété exemplaire, et son engagement, total.
Quelques réserves
- Le scénario. Pour parler de la culpabilité et de la rédemption, il y avait peut-être une autre idée à trouver que celle de cette enquête, un peu laborieuse, sur le meurtre d’une femme à laquelle, en outre, le spectateur ne pourra pas s’identifier, puisqu’il ne la verra pas.
- Cette péripétie, du jeune stagiaire présent dans le cabinet de Jenny le soir du meurtre, qui, sur un coup de tête mal expliqué, va claquer la porte de la médecine contre l’avis de son ancienne « patronne » qu’on va voir s’entêter à le convaincre de reprendre son métier. Ce « rajout » scénaristique n’apporte pas grand-chose au propos du film et, en plus, laisse de marbre.
Encore un mot...
Avec un sujet aussi ambitieux, (la reconquête, par la voie de l’humanisme, d’une paix intérieure), une toile de fond aussi riche (l’exercice de la médecine généraliste dans les milieux populaires), une interprète d’une telle qualité (l’une des meilleures de sa génération)… Les frères Dardenne avaient apparemment tous les atouts en mains pour réaliser un film qui ait la force de leurs précédentes fictions. Sans doute à cause d’un scénario qui semble sans cesse hésiter entre deux genres (film psychologique et polar), ce film donne l’impression de s’étioler.
On le recommande quand même, pour son thème, passionnant, son message, qui émeut, et pour Adèle Haenel, qui habite, avec une douceur jamais encore vue chez elle, ce personnage de médecin s’ouvrant, petit à petit, à la compassion.
Une phrase
« Nous voulions que Jenny soit une personne qui écoute les corps, les paroles des patients, et que grâce à cette écoute, elle devienne une accoucheuse de vérité » (Jean-Pierre Dardenne)
L'auteur
Même s’ils ne sont pas jumeaux ( Jean-Pierre est né le 21 avril 1951 à Engis en Belgique; son frère cadet, Luc, le 10 mars 1954 à Awirs, dans cette même Belgique), les frères Dardenne sont, en matière de cinéma, indissociables. Scénarios, réalisation, production, ils font tout en tandem, depuis l’année1975 où, pour financer des documentaires, ils fondent leur première maison de production, « Dérives ». En I994, ils en créent, parallèlement, une seconde, « Les Films du Fleuve », qui s’occupe désormais de leurs fictions. Des fictions qui, depuis « La Promesse » en 1996, ne cessent d’influencer le cinéma d’auteur du monde entier. C’est comme devenu un rite : à chaque fois que « les Frères », comme on les appelle en Belgique, sortent un film, ce dernier est sélectionné pour la Compétition officielle de Cannes et il s’y retrouve souvent primé. On citera, par exemple « Rosetta », qui, en 1999, réalisa un beau doublé, en raflant deux récompenses, la Palme d’or et le prix d’interprétation féminine, pour Emilie Dequenne. Ou encore, « l’Enfant », qui en 2005, obtint aussi une Palme d’or.
Retenu, cette année encore, pour cette même compétition, « La Fille inconnue » en est reparti bredouille, malgré l’interprétation exceptionnelle de son héroïne, Adèle Haenel.
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