La Favorite
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Thème
A la Cour d'Angleterre, au début du XVIII° siècle. La Grande Bretagne est en guerre contre la France, mais dans son château, la reine Anne Stuart, d'un caractère ombrageux et instable (Olivia Colman) est surtout préoccupée par ses problèmes de goutte, qui la font souffrir atrocement. Fatiguée, et aussi brisée par dix-sept fausses couches, qu'elle symbolise par des lapins vivants, elle a confié les rênes de son pouvoir à Sarah Churchill, Duchesse de Marlborough ,une femme ambitieuse dont, en secret, elle a fait sa maitresse (Rachel Weisz).
Mais voici qu'arrive à la Cour une nouvelle servante, Abigail Hill (Emma Stone). Lady Sarah la prend sous son aile, pensant qu'elle fera une alliée de celle qui prétend être sa cousine. C'est sans connaître l'intrigante Abigaïl qui, voulant renouer avec ses racines aristocratiques, va réussir à prendre la place de sa protectrice dans le cœur et le... lit de la Reine. Pendant ce temps là, les courtisans vont continuer à s'arracher, eux aussi, les faveurs de la Reine. Tous les coups, même les plus cruels, seront permis... Dieu qu'elle est jolie la comédie humaine !
Points forts
-Quel scénario ! Si son auteur, le génial australien Tony Mc Namara, s'appuie sur une réalité historique (personnages, coutumes alors en usage à la Cour de Grande Bretagne...rien n'a été inventé), il la contourne, la distord et l'enrichit par d'audacieuses spéculations. Sous sa plume irrévérencieuse et corrosive, les trois protagonistes clefs de l'intrigue, la Reine et ses deux favorites, sont devenues des personnages de pure fiction. Il a donc pu leur prêter, sans aucune vergogne, les pires extravagances, les plus sournoises intentions et une désinvolture langagière plus que jubilatoire. « C'était une fantastique histoire de trahison avec une opportunité de faire apparaître des femmes brillantes se comportant mal » explique la productrice du film Ceci Dempsey.
- L'impertinence et la truculence de ce scénario ont visiblement inspiré Yorgos Lanthimos. Pas une seule de ses répliques qui n'ait été mise « en majesté » par le réalisateur grec. Le moindre mot ici, fait mouche et fait sens !
- Visuellement, cette Favorite est une splendeur. On songe, mais oui, au Kubrick de Barry Lyndon, mais en plus décalé, plus déjanté, plus radical. Les décors et les costumes sont aussi somptueux, la photo, aussi soignée, mais les cadrages sont plus audacieux, et le montage, plus vif. C'est sidérant.
-Devant la caméra, le trio féminin vedette rivalise de talent. En reine tyrannique et paumée, Olivia Colman est géniale .Elle vient d'ailleurs de rafler à Venise, le prix d'interprétation féminine, et à Hollywood, le Golden Globe de la meilleure actrice. Emma Stone joue formidablement les ingénues perverses. Quant à Rachel Weisz, à la fois venimeuse, intelligente et sensuelle, elle est souveraine dans son rôle de favorite prête à tout pour garder sa place.
Quelques réserves
Je n'en vois aucun, vraiment aucun.
Encore un mot...
Scénario, dialogues, jeu, décors, costumes, réalisation... Tout est cinq étoiles dans ce film historique sur les jeux et les intrigues de Cour. L'insolence, l'ironie et la cruauté distillées sous tant de faste, d'élégance et de rigueur protocolaire, quelle jubilation !
Le tapis rouge est déroulé pour les Oscars. La Favorite est nommé dans dix catégories. Ce serait bien le diable s'il en repartait bredouille.
L'auteur
Dramaturge et réalisateur grec, Yórgos Lánthimos, né à Athènes le 27 mai 1973, commence par étudier les fondamentaux de la réalisation à l'Ecole de cinéma de Stavrakos. Son diplôme en poche, il collabore avec une compagnie de danse grecque pour laquelle il réalise une série de vidéos, puis il se lance dans la réalisation de publicités, de courts métrages et de clips.
2005 est pour lui une année charnière : Il quitte le monde de la pub et entre dans celui du cinéma. Son premier long métrage, Kinetta reçoit un succès critique si encourageant qu' en 2009, il en entreprend un deuxième. C'est Canine, un huis clos sur une famille-société en Grèce qui remporte le prix Un Certain regard à Cannes. Suivront, en 2011, Alps, qui rafle le prix du meilleur film au Festival de Sydney ; en 2015, Le Lobster (son premier film tourné en langue anglaise), qui obtient le prix du Jury à Cannes ; puis en 2017, Mise à mort du Cerf Sacré, qui repart de Cannes encore avec, cette fois, le prix du meilleur scénario.
Désormais sollicité par les stars hollywoodiennes, le cinéaste grec vit à présent à Londres. Son cinquième long métrage arrive sur les écrans français auréolé de dix nominations aux Oscars. Il est recommandé « Art et Essai », mais il est estampillé tous publics.
Et aussi
« Une Intime conviction » d'Antoine Rimbault- Avec Marina Foïs, Olivier Gourmet...
Le 20 février 2000, Suzanne Viguier disparaît de son domicile. On soupçonne son mari, Jacques Viguier, professeur de Droit à Toulouse, de l'avoir tuée. En 2009, presque dix ans plus tard, un premier procès se solde par l'acquittement de l'Universitaire. Mais le parquet fait appel, et, l'année suivante, Viguier se retrouve de nouveau au ban des accusés. Son entourage décide alors de confier sa défense à l'un des plus grands ténors du barreau français, Eric Dupont Moretti. Il sera de nouveau acquitté, cette fois, définitivement.
Un homme jugé sans preuve, sur de simples soupçons...Fasciné par cette étrange et singulière affaire, qu'il suit alors, en direct, de bout en bout, Antoine Raimbault -qui avoue une obsession pour la question de la justice- décide de lui consacrer un film, en l'axant sur le deuxième procès de l'accusé, sa préparation et son déroulement. Il s'empare du dossier de l'instruction, étudie les 250 heures des écoutes téléphoniques, épluche tous les documents et articles concernant cette affaire, laisse décanter et écrit son scénario. Dans ce dernier, tout est véridique, sauf le personnage féminin (tenu par Marina Foïs) à qui le jeune cinéaste -c'est son premier long métrage- donne le rôle moteur. C'est elle qui va s'entêter à prouver que Viguier est innocent, c'est elle qui va aller chercher Dupont-Moretti, c'est elle qui va se proposer de seconder l'avocat. Au final, cela donne ce thriller judiciaire, aussi bien bâti qu'il est passionnant à suivre. C'est Olivier Gourmet qui incarne Dupond-Moretti. Le comédien trouve là un des plus beaux rôles de sa carrière. Sa plaidoirie est un morceau d'anthologie.
Recommandation : excellent
« My Beautiful Boy » de Felix Van Groeningen – Avec Steve Carell, Timothée Chalamet, Maura Tierney...
David Sheff entretient une relation fusionnelle avec son fils Nic qui, né de son premier mariage, est devenu un ado brillant promis à un bel avenir. Du moins ce père aimant le croit-il, jusqu'au jour où il découvre qu'en réalité, son fils adoré se drogue depuis l'âge de 12 ans, et que de consommateur occasionnel, il est devenu accro à la méthamphétamine. Réalisant alors que Nic lui a échappé, lui ment et a entamé une terrible descente aux enfers jalonnée de vols, de mensonges et d'overdoses, il va tout tenter pour l'en sortir.
Tiré de deux livres autobiographiques, l'un écrit par le journaliste David Sheff, l'autre par son fils Nicolas (le père et le fils ont gardé leur vrai nom), explorant le sujet de l'amour paternel -assez rarement exploité sur grand écran-, My Beautiful Boy est sans aucun doute l'un des films les plus forts de ce début d'année. Il s'agit d'un drame, mais ce qui frappe et séduit, est la manière dont le réalisateur, le belge Felix Van Groeningen, le raconte ici. Avec pudeur et élégance, dans une lumière dorée, sans aucun pathos, sans non plus « spectacularisation » outrancière. Les comédiens ne sont pas non plus pour rien dans la « puissance » du film, notamment Steve Carell, exceptionnel en père à la fois combattif et ravagé de douleur, et Timothée Chalamet, qui confère à son rôle de fils junkie une présence incroyable, faite de charme, de fragilité et de duplicité.
Recommandation : en priorité
« Un Coup de maitre » de Gastón Duprat- Avec Guillermo Francella , Luis Brandoni...
Propriétaire d'une grande galerie d'art à Buenos Aires, Arturo Silva cache sous ses dehors d'homme charmant un négociateur sans scrupule. Il représente Renzo Nervi, un peintre immense, mais loufoque et surtout passé de mode, ce qui l'a rendu atrabilaire et misanthrope. Un jour, Renzo est victime d'un accident de voiture, et devient amnésique. Arturo va en profiter pour élaborer un plan qui va les faire revenir, tous les deux, lui et Renzo, sur le devant de la scène artistique...
Deux ans après Citoyen d'honneur qui lui avait valu une trentaine de récompenses prestigieuses, dont le Goya du meilleur film américano-espagnol, l'un des plus brillants réalisateurs argentins revient sur les écrans avec une comédie dramatique en forme de thriller qui, cette fois, se déroule dans les milieux de l'art contemporain. Chic ! Il y fait preuve d'autant de drôlerie, d'inventivité, de causticité et d'intelligence ! Pas une seule séquence de son nouveau film sans qu'elle ne soit jubilatoire. Il faut dire aussi qu'en plus de ses qualités scénaristiques et formelles, ce Coup de maitre est porté par un duo d'acteurs éminemment talentueux, un duo star en son pays, l'Argentine. On y va ? Non, on y court !
Recommandation : excellent
« La dernière folie de Claire Darling » de Julie Bertucelli- Avec Catherine Deneuve, Chiara Mastroiani, Alice Taglioni, Laure Calamy...
Persuadée qu'elle va mourir le soir même, Claire Darling, une douce vieille dame un peu décalée (Catherine Deneuve, telle qu'en elle même, impériale), décide un matin de vider sa maison et d'en brader tous les objets. Avertie de sa dernière « folie », sa fille, qu'elle n'a pas vue depuis vingt ans, revient. L'occasion pour toutes les deux d'un tendre et nostalgique retour sur les années passées...
Un film signé d'une réalisatrice à qui l'on doit l'un des plus beaux documentaires de ces dernières années ( La Cour de Babel), porté par distribution féminine de rêve (Catherine Deneuve, Chiara Mastroianni, mais aussi Laure Calamy, et Alice Taglioni)...On espérait un passionnant moment de cinéma. On reste un peu sur sa faim, parce que, le scénario, pourtant empreint d'une touchante mélancolie et d'une jolie fantaisie, piétine. Dommage pour les comédiennes, toutes formidables, notamment Chiara Mastroianni qui émeut dans son rôle de fille prodigue rongée par le remord, et Alice Taglioni, qui joue avec grâce et retenue une Catherine Deneuve jeune.
Recommandation : Bon.
Commentaires
Aucun point faible , dites-vous ?
Le sujet, la reconstitution historique et l'interprétation ne manquent pas d'intérêt. Mais je considère ce film, par ailleurs, comme un vrai gâchis.
Photo désastreuse : couleurs délavées, contre-jours mal maîtrisés avec surexposition des visages et sous-exposition du reste de l'image, abus (prétentieux) de focale hyper-courte, donnant des cadrages de traviole, bande son tour à tour conventionnelle ou sottement décalée (cf. ces 10 minutes interminables et insupportables de bruit de forge tenant lieu de musique), le tout aggravé par une balance approximative ; et ce, en V.O., sans l'excuse du doublage.
Sans parler de la demi-heure de trop, s'agissant d'un schéma narratif somme toute limité et linéaire.
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