LA DARONNE

Une Interprète à la brigade des Stups, qui va tomber dans le trafic de drogue… Lunettes noires de luxe et hijab « chicissime », Isabelle Huppert se glisse avec délice et malice dans le rôle de celle que les policiers vont surnommer la Daronne…
De
JEAN-PAUL SALOMÉ
Avec
ISABELLE HUPPERT, HIPPOLYTE GIRARDOT, FARIDA OUCHANI
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Interprète judiciaire  français arabe  spécialisée dans les écoutes téléphoniques pour la Brigade des Stups, Patience Portefeux ( Isabelle Huppert ) a tout de l’employée modèle : compétence, disponibilité, serviabilité, amabilité. Mais voilà qu’un jour, lors d’une enquête, cette traductrice en apparence si convenable découvre que l’un des dealers qu’elle espionne n’est autre que le fils de l’infirmière dévouée qui s’occupe de sa mère. Ni une, ni deux : comme personne autour d’elle ne comprend l’arabe, elle va s’arranger pour truquer les traductions et doubler les trafiquants.

De ventes en reventes, planquée sous ses hijabs de luxe et ses lunettes siglées, Patience la futée, Patience l’intéressée, Patience l’intrépide va devenir la Daronne du quartier.

Points forts

– C’est une idée formidable qu’a eue le réalisateur Jean-Paul Salomé d’écrire pour Isabelle Huppert l’adaptation de La Daronne, le livre éponyme que Hannelore Cayre publia en 2009. On voit rarement une actrice incarner aussi parfaitement son personnage. Car souvent, même taillés sur mesure, les rôles laissent voir les coutures de leur ajustement sur le corps des acteurs. Ici, la Daronne est comme une seconde peau pour la « génialissime » Huppert. On la regarde, et on ne se demande même pas quelle autre comédienne aurait pu interpréter cette bourgeoise pincée qui se métamorphose, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, en baronne de la drogue « argotisant » à tout va, dans des tenues au delà du mauvais goût tapageur. La Daronne, c’est elle, Isabelle. Et, oui, ça ne pouvait être personne d’autre qu’elle, cette actrice intrépide qui ne rate jamais une occasion de nous bluffer par son étourdissant savoir-faire.

– Il y a donc elle, Isabelle Huppert, qui monopolise presque tout le plaisir qu’on a à regarder ce film, mais, il serait injuste de minimiser celui qu’offre le scénario, qui balance avec un bel équilibre entre comédie et polar, et puis aussi celui que donne Hippolyte Girardot, plus que parfait dans son rôle d’amoureux empressé de l’héroïne.

Quelques réserves

 –Quelques ahurissants tours de passe-passe dans le scénario décrédibilisent un peu l’histoire.

– Des scènes où la grande Isabelle force un peu  le trait, au détriment de l’émotion qu’elle pourrait susciter, notamment lorsqu’elle va voir sa mère mourante (Liliane Rovère, bouleversante).

Encore un mot...

Une Isabelle Huppert  au sommet de son art, qui deale, dit des gros mots et mate un chien renifleur de haschish dans un thriller déjanté où, malgré tout, en contrepoint, on aborde de vrais problèmes sociaux, comme ceux du racisme ou des difficultés des femmes seules… Comment ne pas recommander cette Daronne ? Et tant pis si par moments le scénario dérape et devient improbable. Le joyeux culot du film finit par l’emporter.

Une phrase

« La Daronne est un sujet qui aurait plu à Claude Chabrol : il y a tous les ingrédients d’une satire, mais… on ne perd jamais une forme d’humanisme. J’aime le besoin du personnage principal de se plonger dans une aventure qui la fait devenir complice et adversaire. Complice parce que tout commence par cette amitié avec l’infirmière qui veille sur sa mère. Adversaire parce qu’elle va soutirer un maximum d’argent à ceux qu’elle dupe. Il y a une amoralité et  un côté anar qui me plaisent » ( Isabelle Huppert, comédienne ).

L'auteur

Après avoir étudié le cinéma à la Sorbonne Censier, Jean-Paul Salomé (né en 1960 ) a commencé sa carrière au début des années 80 comme assistant, secondant notamment Claude Lelouch en 1981 sur le tournage du film Les uns et les autres. En 1983, à 23 ans, il se lance dans la réalisation avec un court-métrage documentaire qu’il intitule L’Heure d’aimer. L’année suivante, même format, même genre, il sort La petite Commission. En 1991, il réserve son premier long métrage à la télévision. C’est Crimes et jardins, pour lequel il a écrit aussi le scénario.

En 1994, il sort, pour le grand écran cette fois, Les Braqueuses, une comédie sur quatre femmes qui, pour sortir de leur galère, décident de devenir braqueuses. Entre 1998 et 2013, suivront six autres longs métrages, dont, en 2001 Belphégor, le fantôme du Louvre, et en 2008, Les femmes de l’ombre. Nommé Directeur d’Unifrance en 2013, le cinéaste abandonne la réalisation le temps de son mandat. Libéré de ses fonctions, il retrouve les plateaux de cinéma pour La Daronne qui est son huitième film, le premier avec Isabelle Huppert en tête d’affiche.

Et aussi

 

– « ADOLESCENTES » DE SÉBASTIEN LIFSCHITZ – DOCUMENTAIRE

Anaïs et Emma sont des ados de treize ans qui habitent toutes les deux à Brive-la Gaillarde. La première, ronde et plutôt extravertie vient d’une famille populaire, la seconde Emma, plus « cash » mais aussi plus introvertie, est issue d’un milieu intello bourgeois.Tout devrait les opposer et pourtant, elles sont inséparables… C’est sans doute à la fois pour leurs différences et leur complémentarité que Sébastien Lifschitz a choisi ces deux copines pour être les héroïnes de son documentaire sur l’adolescence, cette période de la vie où l’on a en « partage » la recherche de sa personnalité. Encore un film sur l’adolescence ? Oui, mais celui-ci se distingue parce que le cinéaste, qui fut celui des Invisibles a choisi de « suivre » ses deux héroïnes pendant 5 ans, jusqu’à l’âge de leur majorité. Le résultat est formidable. Grâce à ce voyage au long cours, on a le temps de voir comment, brutalement ou subrepticement, dans le dédale des chagrins, des doutes, des échecs, des affrontements, ou encore, de l’assurance que donnent éclats de rire et premières amours, les caractères s’affirment. On est d’autant plus subjugué que la caméra du réalisateur a su se faire oublier et est parvenue à saisir des moments d’une grande intimité avec un étonnant naturel. De temps à autre, des faits d’actualité, comme les attentats de Charlie Hebdo et la tuerie du Bataclan qui  viennent « dater » cette « chronique » et la réancrer dans le réel, sont évoquées comme pour nous dire qu’à travers le portrait d’Emma et d’Anaïs, c’est aussi celui de la France de ces années-là qu’a voulu dresser Sébastien Lifschitz. Ce portrait est composite. Il est à la fois ténébreux et ensoleillé, tragique et insouciant, désespéré et optimiste. Magistral !

Recommandation : En priorité

 

« ROCKS » DE SARAH GAVRON – AVEC BUKKY BAKRAY, KOSAR ALI…

Avec, comme seule explication, un mot de sa mère, malade psychiatrique et chômeuse, et pour tout pécule, une petite somme d’argent laissée par cette déserteuse, une adolescente noire de 15 ans, surnommée Rocks en raison de son caractère volcanique et tranchant, se retrouve du jour au lendemain livrée à elle-même dans le petit appartement londonien où elle vit avec son petit frère. Pour échapper aux services sociaux qui la séparerait de lui, elle va tenter de s’organiser avec l’aide de ses copines…

Après les Suffragettes (2015), la réalisatrice britannique Sarah Gavron, révélée en 2008 grâce à Brick Lane se plonge une nouvelle fois dans le cinéma sociétal,  en mettant en avant des personnages féminins. Mais cette fois-ci, c’est l’adolescence qui en est vedette, à travers le portrait d’un groupe d’élèves de 4° et 3°d’une école du centre de Londres. Un groupe multiculturel qui, outre un goût prononcé pour les farces et les mises en boîte, a mis l’amitié et la solidarité au cœur de ses préoccupations. Un groupe dont Rocks, fille énergique et solaire malgré ses problèmes familiaux, est un peu le leader, ce qui, étant donné sa situation, tombe évidemment à pic pour se faire seconder.

S’il fallait trouver un cousinage à ce Rocks ce serait vers Ken Loach et Céline Sciamma qu’il faudrait se tourner. Pour l’humanisme militant du premier et le féminisme de la seconde. Ceci dit, Sarah Gavron signe pourtant une œuvre très personnelle, qui dresse, sans aucun pathos ni aucun manichéisme, le portrait d’une jeunesse d’aujourd’hui, multiculturelle, énergique et combattive, généreuse et débrouillarde. Son casting est épatant (toutes les interprètes, pourtant comédiennes amateurs, sont formidables, Bukky Bakray en tête dans le rôle titre), et son « filmage », vif et simple, est toujours à hauteur de ses héroïnes. Rocks est une des plus réjouissantes sorties de la semaine.

Recommandation : excellent

 

«CYRIL CONTRE GOLIATH » DE THOMAS BORNOT – DOCUMENTAIRE

Au début des années 2000, Pierre Cardin s’éprend de Lacoste, un ravissant petit village médiéval de 400 habitants, situé dans le Luberon, à 2h30 en TGV de Paris. Il achète d’abord son château, qui fut celui du marquis de Sade, pour le rénover et y créer un festival d’ art lyrique, puis il acquiert une quarantaine de maisons et une dizaine de boutiques, et il annonce, à grands coups de trompettes médiatiques, qu’il va les réaménager pour faire revivre le lieu, en faire le « Saint-Tropez de la culture ». Las !.. Pour s’éviter des tracas de gestion, le nouveau seigneur du village va laisser ces habitations sans locataire. Vidé de ses habitants, de ses cafés et de ses commerçants, Lacoste sombre peu à peu dans une mortifère torpeur…

A la fois ulcéré et attristé par cette situation, un enfant de ce village monté à Paris, l’écrivain Cyril Montana décide de tenter de faire bouger les choses. Il contacte le réalisateur Thomas Bornot. L’homme des mots et celui des images vont, ensemble, réaliser un documentaire… Le voici sur les écrans. S’il n’est pas tout à fait exempt de défauts (il noie par moments le spectateur dans des longueurs et des considérations inutiles), Cyril contre Goliath n’en est pas moins réjouissant et plus qu’intéressant. Car l’histoire qu’il raconte, parfois avec humour, tout le temps avec beaucoup d’engagement, est aussi haletante qu’insensée. Tous les défenseurs du patrimoine, Stéphane Bern en tête, devraient être très intéressés ! 

Recommandation : excellent

 

« UN SOUPÇON D’AMOUR » DE PAUL VECCHIALI – AVEC MARIANNE BASLER, FABIENNE BABE, JEAN-PHILIPPE PUYMARTIN…

Geneviève Darland, une célèbre comédienne, répète Andromaque de Racine avec pour partenaire, André, son mari. Devant le malaise qu’elle ressent à interpréter ce personnage tout entier inscrit dans la tragédie, elle cède son rôle à son amie Isabelle, qui est aussi la maîtresse de son époux, et part se réfugier avec son fils, malade, dans son village natal… On se croirait  dans un vaudeville plein de fantaisie… Mais un drame est là, en embuscade…

Incroyable Paul Vecchiali ! A 90 ans sonnés, ce cinéaste, qui n’a cessé de conjuguer l’amour sous toutes ses formes et dans tous ses états, s’amuse, ou en tous cas, s’emploie à changer de registre au cours d’un même film. Mais à sa manière, qui est loin du naturalisme. Témoins de son amour immodéré de la langue française, ses dialogues sont-ils trop littéraires ? Le jeu de ses acteurs, trop théâtral ? Sa façon de filmer, trop posée ? Ce marginal du 7° art assume. Car c'est justement ce qui fait sa « patte », ce pour quoi certains l’encensent, et même, le vénèrent, et ce pourquoi, aussi, d’autres le rejettent.

Pour Soupçon d’amour, qui, dans le décor toujours recommencé de sa maison du Var, parle d’amour bien sûr, mais aussi de résilience, cet ardent défenseur de la Nouvelle Vague française retrouve l’une de ses comédiennes fétiches, la très grande Marianne Basler. Face à elle, il met deux autres magnifiques interprètes, trop absents eux aussi du grand écran, Fabienne Babe et Jean-Philippe Puymartin. Soupçon d’amour, que son auteur dédie à Douglas Sirk, distille un vrai charme, subtil, profond, que d’aucuns pourront peut-être trouver suranné.

Recommandation : excellent

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Vous pourriez aussi être intéressé