LA CONSPIRATION DU CAIRE
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Thème
Fils d’un modeste pêcheur mais brillant élève, Adam (Tawfeek Barhom) est admis à la prestigieuse université islamique Al-Azhar du Caire. Mais au moment où il intègre cet épicentre de l’Islam sunnite, son Grand Imam meurt soudainement, déclenchant une révolution de palais qui va voir s’affronter les élites religieuse et politique du pays. Pris au piège d’un chantage par Ibrahim, un redoutable colonel à la solde de l’Etat ( Fares Fares), Adam se retrouve malgré lui dans une position de taupe. Le film prend des allures de thriller politico-religieux… Plutôt que de continuer à risquer sa peau, Adam choisit de rentrer dans son village…
Points forts
- C’est en lisant Le Nom de la Rose, le thriller médiéval d’Umberto Eco, qu’est venue à Tarik Saleh l’idée d’une histoire semblable, mais dans un contexte musulman. Le cinéaste (suédois d’origine égyptienne) imagine alors les péripéties d’un jeune homme naïf qui intègre l’Université Al-Azhar au moment où, à la suite de la mort de son grand Imam, son remplaçant doit être désigné. Pas de chance pour l’impétrant : il se retrouve embringué dans une situation où il est mis en demeure de choisir entre les politiques et les religieux qui se livrent à une guerre implacable pour faire élire un candidat à leur solde.
- Pour raconter cette histoire machiavélique qui relève du thriller d’espionnage, Tarik Saleh a mis les petits plats dans les grands : son image est somptueuse, et son film immersif, qui nous plonge tour à tour dans l’atmosphère envoûtante et effervescente du Caire et celle, ordonnée, calme et silencieuse de la Mosquée.
- Sa distribution est à la hauteur de la magnificence de sa mise en scène. Le débutant Tawfeek Barhom est excellent dans le rôle de l’étudiant. Quant à Fares Fares, il campe avec son magnétisme et sa précision de jeu habituels, Ibrahim, le redoutable colonel des renseignements généraux égyptiens.
Quelques réserves
« Qui trop embrasse, mal étreint »… Une fois encore, le dicton français se justifie. A trop vouloir expliquer, le scénario perd, par moments, en clarté. Même si on retombe vite sur ses pieds, c’est assez déconcertant.
Encore un mot...
Tarik Saleh ne désarme pas. Après le Caire confidentiel, un élégant et saisissant polar qui dénonçait la corruption du pouvoir égyptien, il dévoile aujourd’hui les combats sans merci que se livrent, les élites religieuse et politique de son pays d’origine. Empruntant tour à tour au thriller et au film d’espionnage, visuellement magnifique, La Conspiration du Caire (qui concourut à Cannes sous son titre anglais Boy of Heaven) ne cache rien des méthodes des deux camps pour remporter ce conflit d’intérêts : crimes, trahisons, chantage, traquenards, coups tordus, tout y passe. Même si on s’y perd un peu, c’est un film passionnant, évidemment très provocateur et donc aussi très courageux. Si La Conspiration du Caire a été choisi par la Suède pour la représenter aux Oscars (Tarik Saleh a la nationalité suédoise !), en revanche, il est peu certain qu’il ait le droit d’être projeté sur les écrans égyptiens.
Une phrase
« Je m’intéresse au cinéma de genre. Le genre est une sorte de contrat passé entre le réalisateur et les spectateurs. Si j’annonce un thriller, les spectateurs auront certaines attentes. Mais j’aime mettre à mal ces attentes, détruire les clichés du genre par l’irruption de la réalité. Cela me fait perdre le contrôle de l’histoire et c’est une sensation que j’apprécie…Parfois cela m’effraie, mais pour être honnête, c’est la raison pour laquelle je fais du cinéma : pour que mes rêves deviennent réalité » ( Tarik Saleh, réalisateur).
L'auteur
Né le 28 janvier 1972 à Stockholm d’une mère suédoise et d’un père égyptien, Tarek Saleh s’est d’abord fait connaître comme graffeur dans la capitale suédoise. En 1995, il est nommé directeur artistique du magazine Alive in Cairo, puis devient éditeur de la revue underground suédoise Atlas.
C’est en 2001 qu’il se lance dans le cinéma. Il signe d’abord, en collaboration avec Erik Gandini, deux courts-métrages, Sacrificio : Who betrayed Che Guevara, puis en 2005, Gitmo : the new rules of war, puis tout seul, sa première fiction, Metropia un film d’animation auquel des pointures comme Stellan Skarsgãrd et Vincent Gallo prêtent leur voix et qui sera sélectionné dans 65 festivals. En 2014, c’est Tommy, un polar avec Ola Rapace, qui marque les débuts au cinéma de la chanteuse Lykke Li.
La consécration internationale lui est apportée en 2017 par Le Caire Confidentiel. Ce polar politique ample et brumeux où le cinéaste retrouve le pays de ses racines reçoit plusieurs récompenses prestigieuses dont le Grand Prix du Jury au Festival de Sundance et le Grand Prix du Festival du film policier de Beaune.
La Conspiration du Caire qui a dû être tourné à Istanbul, à cause du refus de l’Egypte de l’accueillir, a valu à son auteur de faire son entrée pour la première fois cette année dans la Compétition officielle cannoise. Une entrée remarquée puisqu’il y a raflé le Prix du scénario.
Et aussi
- BOWLING SATURNE de PATRICIA MAZUY- Avec ARIEH WORTHALTER, ACHILLE REGGIANI…
A la mort de son père, Guillaume, un policier ambitieux, hérite de son bowling. Comme il manque de temps pour s’en occuper, il en confie la gérance à son demi-frère Armand, qu’il fréquente peu. Un drôle de type, ce frangin là, un marginal qui gagne sa vie comme videur dans une boîte de nuit, mais dont on pressent que sa douceur affichée a quelque chose d’inquiétant. Après cette entrée en matière où on fait connaissance avec chacun des deux frères, tout va se déglinguer. Le cauchemar commence. La police découvre un, puis deux, puis trois cadavres de femmes sauvagement assassinées (on assiste au premier meurtre, c’est particulièrement éprouvant). Parallèlement, au bowling, rien ne va plus. La fratrie se rend compte qu’une bande de chasseurs violents et peu reluisants y font la pluie et le beau temps…
Pour son sixième long métrage, l’étonnante Patricia Mazuy (Saint-Cyr, Sport de filles, Paul Sanchez est revenu) plonge dans le thriller noir pour dénoncer l’arrogance et l’hégémonie des hommes dans une société patriarcale où les femmes, traitées comme des objets sexuels n’ont pas voie au chapitre. Sa démonstration est d’autant plus efficace qu’elle est servie par deux acteurs sensationnels, Arieh Worthalter (le flic) et Achille Reggiani (l’assassin).. Attention, ce film « coup de poing » et sans concession est interdit aux moins de 16 ans. Urbain, tragique et…violent.
Recommandation : 4 coeurs
- MON PAYS IMAGINAIRE de PATRICIO GUZMÁN- DOCUMENTAIRE CHILIEN
Un jour d’octobre 2019, le ticket de métro augmente de 30 pesos à Santiago du Chili. Infime à l’aune de la monnaie européenne, (30 pesos équivalent à 3 centimes d’euro), mais énorme en regard de celle de ce pays déjà si pauvre, cette augmentation provoque un soulèvement populaire, sans précédent depuis les troubles de 1973 (qui se soldèrent, rappelons-le par une répression sanglante et la prise du pouvoir par Pinochet). Une révolution se met en marche, qui fait descendre dans les rues de la capitale chilienne plus d’un million et demi de personnes. Pinochet est mort depuis 13 ans, la démocratie est réinstallée officiellement au Chili depuis 1990, mais les souvenirs restent tenaces. Et puis, les inégalités persistent, les droits des femmes restent bafoués, il n’y a pas de système de santé et la misère règne dans une grande partie de la population.
Quand ce nouveau soulèvement commence, le documentariste Patricio Guzmán ( La Cordillère des songes) est en exil à Paris. Il active ses réseaux, revient au pays et filme tout ce qu'il peut : le désespoir des femmes, la colère des étudiants, les appels de la foule à une société plus juste, les manifestants qui martèlent les murs à coups de cailloux pour manifester leur ras-le-bol, et aussi… la répression menée par une police agressive comme jamais, armée de canons à eau et de flash-balls qui feront des milliers de blessés et trente deux morts. Patricio Guzmán a 80 ans, mais son regard et son courage sont ceux d’un jeune homme. Ses images et ses interviews, qu’il mêle habilement à des archives de journaux télévisés, ont une grâce, une densité et un éclat fous et poignants. Son film est magnifique, généreux, à l’image de la population chilienne qui donna au monde, en ce mois d’octobre 2019, une grande leçon de courage, de ténacité et de solidarité. Splendide et passionnant.
Recommandation : 4 coeurs
- STRAIGHT UP de JAMES SWEENEY- Avec JAMES SWEENEY, KATIE FINDLAY, CAYLEB LONG…
Homo? Bi ? Hétéro ou asexuel ? Agé d’une vingtaine d’années, Tod, bourré de tocs, ne sait plus très bien où il en est sexuellement. Jusqu’à présent, il a été plutôt attiré par les garçons, tout en éprouvant une aversion pour les fluides corporels, ce qui n’arrange pas son cas. Sa seule certitude : il a peur de mourir seul. Quand il rencontre Rory, une actrice débutante aussi drôle qu’énergique, mais quand même aussi légèrement névrosée, il entame avec elle une relation forte et croit enfin son problème résolu. Sauf que malgré leurs efforts communs, leur amitié et leur entente intellectuelle, entre eux, sexuellement, il ne se passe rien. Tiens donc !…
Imaginé, écrit, réalisé et joué par James Sweeney qui joue le rôle de Tod , Straight up est une comédie romantique moderne, aiguisée et politiquement incorrecte sur les difficultés identitaires et l’étendue des définitions de l’amour qui depuis quelque temps font couler tellement d’encre. Tournée essentiellement en plans fixes, d’une symétrie très stylisée, elle est menée tambour battant, avec un humour fou, souvent sous-tendu par une émouvante désespérance.
Pop, drôle et…bavard.
Recommandation : 3 coeurs
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