La Chimère
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Thème
Comme à son habitude c’est à une drôle d’histoire que nous convie la réalisatrice italo-allemande Alice Rohrwacher, une histoire ambitieuse qui, à travers les péripéties d’une bande de pilleurs de tombes étrusques - en tête de laquelle l’acteur anglais Josh O’Connor - va nous conduire aux confins du profane et du sacré, du visible et de l’invisible, du rêve et de la réalité.
Dans l’Italie des années 80. De retour dans sa petite ville du bord de la mer Tyrrhénienne où il vit dans une masure accrochée à flanc de colline, Arthur ( le britannique Josh O’Connor), un archéologue trentenaire capable de détecter des vestiges du temps passé enfouis dans le sol - par le seul fait du vide qu’il ressent lorsqu’il arrive au-dessus - retrouve sa bande de Tombaroli, des pilleurs de tombes étrusques qui revendent à des receleurs locaux les merveilles qu’ils ont déterrées. Obnubilé par le souvenir de son amour perdu, Beniamina, qu’il cherche désespérément, Arthur semble détaché du monde matériel : contrairement à ses acolytes, il ne recherche pas le profit, seulement la beauté. Au cours d’une visite dans la villa délabrée d’une délicieuse vieille dame qui vit dans le passé (Isabella Rossellini), il va rencontrer Italia, une jeune femme pleine de vie qui rêve de devenir cantatrice (Carol Duarte) …
Points forts
- Le sujet : celui de la contrebande archéologique en Italie. Apparue juste avant le début des années 80, cette pratique, qui exprime la perte de foi dans le sacré (étonnant dans un pays qui abrite la Papauté !) n’avait jamais été montrée dans les films italiens. Elle est assez extraordinaire à regarder.
- La multiplicité des tonalités du film, qui passe en un clin d'œil du drame à la drôlerie, de la tragédie à la cocasserie. Mais on se doit de préciser que c’est une constante dans le cinéma de la réalisatrice.
- Le mélange des textures et des formats du film, qui, selon les séquences, passe, du 35 mn au 16 mn en passant par le Super-16. Un exercice qui participe de la singularité visuelle de cette Chimère.
- Le casting, qui est international ( la romaine Isabella Rossellini; le britannique Josh O’Connor; la brésilienne Carol Duarte; le napolitain Vincenzo Nemolato…) et qui donne un caractère universel à ce film si italien.
Quelques réserves
- Explorant plusieurs fils, la narration du film est parfois assez confuse. Elle souffre aussi de quelques redondances.
Encore un mot...
Est-ce parce que son récit manque parfois de lisibilité ? Est-ce parce qu’on ne comprendra, ni où, ni comment, ni quand, a disparu Benjamina, l’amour perdu de son personnage central, l’énigmatique Arthur? Est-ce parce que tout d’un coup son scénario abandonne cette délicieuse et anachronique vieille dame (Isabella Rossellini) qui nous avait tant fascinés dans ses premières minutes? Quoiqu’il en soit, le quatrième film de la singulière et multi-récompensée Alice Rohrwacher est reparti bredouille de la compétition officielle du dernier Festival de Cannes. Dommage, car malgré ses défauts La Chimère fascine, et même envoûte, par sa thématique (les profanateurs de sépultures), jamais encore traitée dans un film d’auteur, par la multiplicité (sidérante) de ses partis pris formels et par les prestations, sensationnelles, de ses deux acteurs phare Josh O’Connor (l’interprète, entre autres, du jeune Charles III dans la série The Crown) et la parfaite et touchante Isabella Rossellini, qui (hélas) se fait désormais rare sur les écrans.
Une phrase
« Quand j’étais petite, j’entendais, dans les bars et ailleurs, les tombaroli (pilleurs de tombes) raconter avec emphase ce qu’ils avaient trouvé dans les tombes étrusques pendant la nuit. Ces hommes pouvaient interpréter le paysage d’une manière particulière : ils savaient localiser les tombes à un simple observation d’une herbe bien précise, lisaient le paysage comme personne d’autre. La Chimère donne ainsi à voir l’empreinte, non pas de ma vie, mais d’une culture » ( Alice Rohrwacher, réalisatrice)
L'auteur
Après des études de lettres à Turin et à Lisbonne, Alice Rohrwacher, née en 1980 à Fiesole en Italie d’une mère enseignante et d’un père violoniste, a commencé sa vie professionnelle en écrivant et en jouant de la musique, jusqu’à ce qu’elle bifurque vers le cinéma où elle débute en travaillant en tant que monteuse de documentaires.
En 2010, elle se tourne vers la fiction et réalise son premier long métrage, Corpo Celeste qui est projeté en 2011 au Festival de Cannes à la Quinzaine des réalisateurs et marque, d’emblée, le début de sa notoriété. Une belle façon d’entamer sa trentaine ! En 2014, son deuxième film Les Merveilles sélectionné de nouveau à Cannes cette fois-là en compétition officielle, y rafle le Grand Prix. Quatre ans plus tard, retenu une nouvelle fois pour cette même compétition, Heureux comme Lazzaro, son troisième long, y reçoit le Prix du Scénario. Sélectionné en 2023 dans ce même festival, La Chimère en est cette fois reparti sans figurer au palmarès.
Entre deux longs métrages, Alice Rohrwacher qui, en quatre films, est devenue la figure de proue du cinéma italien écrit, tourne et monte des courts métrages ( notamment, en 2022 pour Disney, Le Pupille), réalise des épisodes de séries télévisées ou des documentaires (entre autres, en 2021, Futura), et met en scène ou écrit pour le le théâtre ou l’opéra.
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