LA BONNE ÉPOUSE
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Thème
Au début de l’année 68, alors que les prémices d’une révolution sociale, féministe et estudiantine étaient perceptibles, en province, les écoles ménagères continuaient à prospérer. Inventées au XIX° siècle, comprenant des cours de maintien, de cuisine, d’hygiène, de ménage, de repassage, de raccommodage et de soumission à l’autorité
des maris, ces vénérables institutions étaient destinées à transformer les jeunes filles en épouses et mères de famille modèle. Celle dirigée par la pimpante Paulette Van der Beck (Juliette Binoche) où se situe l’action du film, est un modèle du genre, d’autant plus que Paulette applique à la lettre, dans son couple, tout ce qu’elle enseigne dans son établissement. Secondée par la soeur de son mari, une vieille fille fantasque amoureuse d’Adamo (Yolande Moreau) et une bonne soeur ultra rigide, championne du maniement de la cravache (Noémie Lvovsky), elle gère et enseigne, tandis que son mari (François Berléand), en dehors de faire les comptes, se la coule douce et joue les pachas. Seulement, voilà, un jour ce dernier meurt. Et soudain, tout est chamboulé. Paulette retrouve son amour de jeunesse, un irrésistible banquier (Edouard Baer), et ses pensionnaires commencent à se rebiffer. Un vent de liberté se met à souffler sur le vieil établissement… Paulette va abandonner ses jupes austères pour des pantalons sexy et « ses » filles vont s’enivrer de yéyé en reluquant les garçons… Tout finira, comme dans un film de Jacques Demi, gaiement, sous des couleurs éclatantes, en dansant et en chantant…
Points forts
– Le charme qui se dégage de ce film à la fois délibérément rétro, et résolument féministe. Avoir fait revivre ces écoles ménagères d’avant 68 pour évoquer l’émancipation féminine se révèle une idée délicieuse. L’imagerie véhiculée par ces institutions permet de montrer, avec gaieté et fantaisie, de quelle manière la France patriarcale maintenait les femmes sous une chape de plomb.
– Le casting est un régal. En épouse raide et coincée dans de stricts tailleurs rose bonbon, Juliette Binoche est tellement irrésistible de drôlerie et d’autodérision qu’on se demande pourquoi le cinéma ne fait pas appel à elle plus souvent pour des rôles comiques. Yolande Moreau joue avec la poésie qu’on lui connaît les vieilles filles lunaires et romantiques, et Noémie Lvovsky fait jubiler dans son rôle de bonne soeur masculine et sadique. Les comédiennes qui jouent les pensionnaires de l’institution sont toutes charmantes et singulières. Quant à François Berléand et Edouard Baer, leur amusement à jouer leur personnage, l’un égoïste et tyrannique, l’autre, amoureux et fleur bleue est contagieux.
– Du point de vue du style et de la lumière, l’oeil est comblé. Si le challenge visuel du film était de faire revivre cette France des années 60, à la fois vieillotte et coloré, alors il est gagné !
Quelques réserves
Même si elle est inattendue, tonique, divertissante et filmée avec beaucoup d’inventivité, la séquence de fin en forme de comédie musicale aurait peut-être mérité un petit coup de ciseau.
Encore un mot...
Grâce à cette Bonne Épouse, un vent de liberté souffle cette semaine sur le cinéma français. Et cela fait un bien fou, car s’il décape et décoiffe, ce vent ne cingle pas. Il est, jusqu’au bout léger comme une brise de printemps. A cause de son thème, en regardant cette Bonne Épouse, on songe à Potiche. Mais la comparaison s’arrête là. La comédie de Martin Provost n’a ni la cruauté ni l’ironie mordante de celle de François Ozon. Il est tendre, frais, acidulé , joyeusement subversif.
Une phrase
« Si mes films parlent de l’émancipation féminine, c’est sans doute parce que je me suis violemment opposé à mon père pour qui la domination masculine était légitime. C’est cette opposition qui m’a poussé à quitter ma famille très jeune et à faire les films que je fais. La Bonne Épouse est certainement le film qui me ressemble le plus. Il réunit tous les autres. C’est mon film le plus libre, mais aussi peut-être et contrairement aux apparences, le plus engagé» ( Martin Provost, réalisateur ).
L'auteur
Né à Brest le 13 mai 1957, Martin Provost développe, très jeune, l’idée de devenir cinéaste. Mais au vu de son niveau déplorable dans toutes les matières scientifiques, son père le décourage d’entrer à l’IDHEC. Il décide donc de devenir acteur. A 18 ans, il part à Paris, entre au Cours Simon et décroche très vite des rôles, au cinéma comme au théâtre.
En 1980, il écrit et monte sa première pièce au Studio d’Ivry, Le Voyage immobile.
Assez rapidement après, il entre comme pensionnaire à la Comédie Française où il restera un peu plus de cinq ans, avant de se décider à se consacrer exclusivement à l’écriture et au cinéma.
Depuis les années 90, il a écrit plusieurs romans dont, en 1992, Aime moi vite, signé de nombreuses pièces radiophoniques et réalisé plusieurs longs métrages dont, en 1997, Tortilla y cinéma ; en 2008, Séraphine, avec Yolande Moreau (qui lui vaudra sept Césars), en 2013, Violette, une biographie de Violette Leduc avec Emmanuelle Devos et en 2017, Sage femme, avec les deux grandes Catherine du cinéma français, Catherine Deneuve et Catherine Frot.
La Bonne Épouse est le septième long métrage de ce réalisateur qui n’a jamais cessé de mettre la femme au centre de son écriture.
Et aussi
- « UN FILS » DE MEHDI M. BARSAOUI- AVEC SAMI BOUAJILA, NAJLA BEN ABDALLAH…
Dans la Tunisie de 2011, celle du printemps arabe, Meriem et Fares ont tout pour être heureux. Ils sont riches, amoureux et parents comblés d’Aziz, un petit garçon de 10 ans. Leur vie va basculer quand ils se retrouvent accidentellement pris dans une embuscade terroriste. Une balle traverse le foie d’Aziz. Il lui faut une transplantation. Commence alors une course folle contre la montre dans un pays où le don d’organe n’est pas répandu. De multiples obstacles et coups de théâtre (dont le dévoilement d‘un secret de famille) vont freiner cette course et faire exploser le couple.
Suspense, drame, film à la fois politique et social… pour son premier film, Medhi M. Barsaoui n’a pas eu peur de mélanger, ni les genres ni les thèmes. Il aurait pu s’y perdre… Il livre un film impeccable, tendu, haletant, poignant et aussi d’une grande beauté formelle. Découvert à la section Orizzonti de la dernière Mostra de Venise, Un Fils a valu à Sami Bouajila de rafler le prix d’interprétation masculine. Depuis, partout où il est projeté, il conquiert le public.
Recommandation : excellent.
– « FEMMES D’ARGENTINE » DE JUAN SOLANAS – DOCUMENTAIRE
Aujourd’hui encore en Argentine, une femme meurt chaque semaine des suites d’un avortement illégal. Dans l’Amérique latine, où 300 millions de femmes vivent sans avoir le droit d’interrompre volontairement leur grossesse, c’est plus d’une par jour.
En 2018, à Buenos Aires, un collectif de femmes argentines d’une importance sans précédent a manifesté pendant huit semaines consécutives pour que soit adopté un projet de loi autorisant l’I.V.G. dans leur pays. En vain : passé in extremis à la Chambre des députés, ce texte sera finalement rejeté par le Sénat.
L’ampleur de la mobilisation féministe a convaincu Juan Solanas de la nécessité d’un documentaire. Pour le réaliser, le cinéaste a arpenté les cinq provinces de son pays à la recherche des militantes qui se battent pour faire bouger les mentalités et venir en aide aux victimes. On est bouleversé par leurs témoignages et aussi – et surtout – par ceux des femmes et des médecins qui racontent les conséquences des grossesses non désirées.
Parmi ces témoignages, celui de la mère d’une jeune femme enceinte de 15 jours, atteinte d’un cancer, à qui les médecins refusèrent l’avortement et qui mourut dans des souffrances atroces faute d’avoir pu bénéficier d’un traitement pour soigner sa maladie. Femmes d’Argentine: Implacable, édifiant, nécessaire.
Recommandation : excellent.
–« RADIOACTIVE » – DE MARJANE SATRAPI – AVEC ROSAMUND PIKE, SAM RILEY…
Dans le Paris scientifique et universitaire du XIX° siècle dominé par les hommes, la jeune Marie Sklodowska, une scientifique passionnée venue de Varsovie, cherche à faire entendre sa voix. Elle travaille sur la radioactivité. Sa rencontre avec le chercheur Pierre Curie (qui deviendra son époux) et l’alliance de leurs méthodes de travail vont conduire à la découverte du polonium et du radium. Quand, en 1903, cette découverte capitale leur vaut le prix Nobel de physique, lui seul sera invité à aller le chercher. La mort accidentelle de Pierre, en 1906, n’empêchera pas Marie de continuer ses recherches. Elle aimera un autre scientifique, Paul Langevin, un homme marié qui lui vaudra d’être qualifiée « d’étrangère qui vole l’époux d’une brave française ». Cette attaque personnelle ne l’ empêchera pas d’être couronnée d’un second Prix Nobel, cette fois de chimie.
Deux ans à peine après le précédent biopic signé Marie-Noëlle Sehr, c’est au tour de Marjane Satrapi de retracer la vie de la légendaire chercheuse. La cinéaste de Persepolis, admiratrice de la physicienne depuis son plus jeune âge, a choisi de le faire en s’inspirant du roman graphique de Lauren Redniss. L’intérêt majeur de son film tient en ce qu’il s’empare à la fois de l’oeuvre et de la vie privée de la scientifique, ce qui le rend à la fois intéressant et émouvant. Dans le rôle de Marie Curie, l’anglaise Rosamund Pike irradie. Elle est magnifique de détermination, d’intelligence, de sensualité.
Recommandation : bon
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