Joker
Né le 20 décembre 1970 à Brooklyn, licencié de cinéma à l’Université de New York, Todd Phillips commence sa carrière par la réalisation de deux documentaires, dont l’un est récompensé du Grand Prix du Jury de sa catégorie au Festival de Sundance. En 2000, le jeune cinéaste se tourne vers la fiction et réalise Road Trip, une comédie potache dont il co-signe aussi le scénario.
En 2003, toujours dans la même veine, il écrit, produit et réalise Retour à la fac. En 2OO4, centré cette fois ci sur un tandem comique, il sort Starsky et Hutch, puis en 2006, L’Ecole des dragueurs.
Après des incursions dans des séries télévisées, il revient au cinéma en 2009, avec Very Bad Trip. Il ne l’a pas écrit, mais ce sera le plus gros succès commercial de sa carrière. Il co-écrira et réalisera les deux opus suivants, Very Bad Trip 2 et Very Bad Trip 3, qui sortent en 2011 et 2013.
En 2016, il change de registre et passe au drame avec War dogs. Avec Joker, ce cinéaste éclectique, fou de poker à ses heures, ne quitte pas ce genre.
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Thème
Dans les années 80, à Gotham city– ville aussi crade que violente – Arthur Fleck, humoriste raté (Joaquin Phoenix), rêve de succès et de stand up. Pour survivre, il se loue, ici et là, comme clown publicitaire. Mais cela ne marche pas non plus. Fils unique d’une mère célibataire dérangée, pour ne pas dire folle, cet homme fragile est lui même la proie de troubles comportementaux, qui se traduisent, entre autres, par des poussées de violence et d’incontrôlables fous-rire nerveux. Risée de tous, incompris, il souffre à la fois des humiliations que son état inspire chez ceux qui se sentent forts, et aussi de la solitude dans laquelle sa maladie l’a enfermé. Un jour, passant de l’apathie rêveuse à la révolte après avoir perdu son boulot et essuyé d’autres marques de mépris, ce paria pète les plombs : sa folie prend le dessus et le pousse au meurtre… Il devient ainsi le Joker, ce méchant maléfique qui est l’ennemi juré de Batman, aussi bien dans les bandes dessinées où naquit ce dernier dans les années 40 que dans les films où il fut ensuite incarné.
Points forts
- Parce que l’interprète du rôle titre, l’acteur Joaquin Phoenix va s’appuyer dessus pour livrer la performance la plus éblouissante de sa carrière, le premier point fort de ce Joker est son scénario. Le film dure deux heures, mais en trois minutes, il annonce la couleur. Après une séquence où un homme famélique, un peu halluciné, se maquille en clown, une autre montre ce même homme désormais grimé, se faire agresser dans la rue et rouer de coups par une bande de voyous à cause de son apparence bizarre et de la pancarte publicitaire qu’il trimballe: on comprend que Joker va porter sur l’humiliation et la déchéance d’un homme. Un homme pas tout à fait dans la norme puisqu’il sort d’un hôpital psychiatrique et est affublé d’un handicap terrible : il rit convulsivement dans ses périodes de grande émotion. On ne dévoilera pas la suite, qui, alternant scènes poignantes et dramatiques, ira crescendo jusqu’au carnage final et à l’enfermement du meurtrier. Joker est à la fois un drame, un thriller, et un pamphlet politique impitoyable contre les puissants de ce monde qui se plaisent à écraser les pauvres et rabaisser les faibles.
- Amaigri de 23 kilos, Joaquin Phoenix, dans le rôle de Joker comme on l’a dit plus haut, livre une performance hallucinante, passant en un centième de seconde, de la douceur la plus désarmante à la violence la plus meurtrière. Tour à tour désarmant et rageur, parano et démoniaque, attendrissant et révulsant, flottant pourtant dans son costume, le comédien habite son rôle de fou avec une intensité et une inventivité rarement égalées. On aurait pu croire ce rôle de Joker usé par les interprétations antérieures de César Romero (le créateur), Jack Nicholson et surtout Heath Ledger, mais Joaquin Phoenix le réinvente, à chaque seconde du film. Il est prodigieux.
- En animateur d’une émission de variétés à la télévision, tout en retenue et en sobriété, l’immense Robert de Niro livre, lui aussi, une prestation éblouissante. Un regard, une intonation, un léger hochement de tête, il dit tout du cynisme et de la fatuité de son personnage. C’est, là aussi, du grand art.
- Evidemment, la mise en scène, ample, nerveuse, précise participe à la réussite du film, comme les lumières, qui sont splendides et la musique qui reste longtemps en mémoire.
Quelques réserves
Aucun.
Encore un mot...
C’était l’un des films les plus attendus de l’année 2019… c’est un électrochoc ! Scénario haletant, mise en scène virtuose, interprétation majuscule… Joker entre dans la catégorie des chefs d’œuvre. Il s’inspire d’un personnage de comics, mais c’est le portrait d’un homme blessé et dérangé qu’il dresse là, en parfaite empathie avec lui, le rejeté, malgré ses errements meurtriers. Et la morale dans tout ça ? Devant une œuvre aussi forte et aussi pénétrante, il est permis, pour une fois de l’oublier. Joker est reparti de Venise avec le Lion d’Or. Il pourrait bien valoir à Joaquin Phoenix l’Oscar de l’interprétation. Ce serait même justice.
Une phrase
« Tous les personnages joués par Joaquin sont marquants, mais ce qui me plait chez lui, c’est son style et son côté imprévisible qui colle parfaitement au personnage. Quand d’autres ont besoin de tout calculer, Joaquin, lui, improvise et semble jouer du jazz. Il fait partie des plus grands. Il n’a peur de rien. Son travail illustre son courage et sa vulnérabilité, et je me suis dit que, s’il nous donnait son accord, on pourrait faire de ce film, une œuvre à part » (Todd Phillips, réalisateur).
Et aussi
« La fameuse invasion des ours en Sicile » de Lorenzo Mattoti - dessin animé, avec les voix de Jean-Claude Carrière, Leïla Bekhti, Pascal Demolon…
Dans les montagnes enneigées de Sicile, l’ourson Tonio est enlevé par des sbires du tyran humain qui règne sur les plaines. Léonce, son père, le roi des ours, décide d’aller faire la guerre à ceux qui l’ont kidnappé. Descendu de ses montagnes avec ses soldats, le roi réussit à prendre la place de son homologue humain. Mais très vite, il va se rendre compte qu’il n’est pas fait pour vivre dans les plaines avec des êtres belliqueux…
Pour son premier long métrage, celui qu’on a surnommé le « maître de la couleur », le dessinateur Lorenzo Mattoti a choisi d’adapter le seul récit pour la jeunesse qu’ait jamais écrit Dino Buzzati. Le résultat est ce film d’animation, d’une rare somptuosité. Son graphisme est splendide, à la fois naïf et féérique, réaliste et géométrique. Ses couleurs éclatent, et son scénario, co-écrit par Thomas Bidegain, relève de la fable métaphysique sur la transmission, la filiation, le droit à la différence et le bien-vivre ensemble.
Voilà qui redonne ses lettres de noblesse au film d’animation. La Fameuse invasion des ours en Sicile enchantera et éblouira les petits (à partir de 8 ans) comme les grands.
Recommandation : en priorité.
- « Papicha » de Mounia Meddour- Avec Lyna Khoudri, Nadia Kaci,Yasin Houicha…
Alger, 1990. Alors que les islamistes font régner la terreur dans la ville, un groupe d’étudiantes s’échappe chaque nuit de sa cité universitaire pour aller s’amuser dans les boîtes de nuit et y vendre les vêtements de la plus créative d’entre elles, Nedjima. Les barbus veulent voiler les femmes, Nedjima, elle, veut les rendre sexy. Mais la jeune styliste va bientôt être confrontée à la violence fondamentaliste…
Fille du cinéaste Azzedine Meddour qui s’enfuit de son pays au moment de la guerre civile, Mounia Meddour sait visiblement de quoi elle parle. Hommage à ses compatriotes qui luttèrent avec un courage fou contre les intégristes, son film a une énergie et une sensualité saisissantes. Porté par l’un des nouveaux talents du cinéma français, Lyna Khoudri, Papicha a obtenu trois prix au Festival D’Angoulême et celui du meilleur film arabe au festival El Gouna en Egypte. Mais en Algérie, où il devait sortir le 22 septembre, il a été interdit. Ce qui va sans doute l’empêcher de représenter ce pays aux Oscars. Est-ce parce qu’il constitue un vibrant plaidoyer pour la liberté des femmes ?
Recommandation : excellent.
-« Chambre 212 » de Christophe Honoré - Avec Chiara Mastroianni, Benjamain Biolay, Vincent Lacoste…
Après vingt ans de mariage, Maria (Chiara Mastroianni) se dispute avec son mari (Benjamin Biolay). Le ton monte. Elle finit par avouer ses multiples infidélités et, ainsi soulagée, claque la porte du domicile conjugal, pour aller s’installer dans une chambre d’hôtel dont la fenêtre donne… sur celles de son ancien appartement. L’occasion pour la volage de revivre son passé. Un de ses anciens amants (Vincent Lacoste) et aussi une de ses anciennes rivales (dont Camille Cottin) vont venir l’asticoter et l’abreuver de conseils sur la conduite de sa vie…
Situations cocasses et audacieuses, dialogues percutants, écriture ciselée…
Cette fantaisie sentimentale et romanesque est délicieuse ! On la doit à Christophe Honoré, l’un des cinéastes et scénaristes français les plus doués de sa génération. Cet artiste aux multicartes ( il est aussi romancier, dramaturge et metteur en scène de théâtre) offre ici à Chiara Mastroianni le rôle qui a valu à la comédienne le Prix d’Interprétation féminine de la section Un Certain Regard au dernier festival de Cannes .
Recommandation : excellent.
- « Pour Sama » de Waad al Kateab & Edward Watts - Documentaire
Quand, en 2011, la guerre civile éclate dans son pays, la Syrie, Waad al-Kateab, 20 ans, est étudiante en marketing à l’Université d’Alep. Contre l’avis de ses parents, elle décide de devenir journaliste. En 2016, au péril de sa vie, elle commence à filmer, d’abord avec son téléphone. Ses images alimentent une télé britannique. Devenue l’épouse d’un médecin, chef d’un hôpital, et aussi maman d’une petite fille qu’elle prénomme Sama, elle continue d’emmagasiner des images, pour que plus tard, sa fille se souvienne et comprenne, sa vie de journaliste, de mère, de femme amoureuse et de résistante.
Réfugiée à Londres avec son mari et ses deux filles (une autre enfant est née), Waad a décidé de faire un documentaire de ses milliers d’heures de rushes. Pour Sama, qu’elle a monté avec son confrère britannique Edward Watts, elle a reçu à Cannes l’Oeil d’Or, qui célèbre le meilleur docu de la sélection. Ce prix est plus que mérité. Pour Sama est un témoignage d’une force exceptionnelle, à la fois intime, social et politique. Il ne verse jamais, ni dans le larmoiement, ni dans le militantisme. Il est une formidable leçon d’humanité et de courage.
Recommandation : excellent.
« Donne moi des ailes » de Nicolas Vanier - Avec Jean-Paul Rouve, Mélanie Doutey, Louis Vasquez…
A la fois excentrique, secret, naïf et hors du temps, Christian (Jean-Paul Rouve) est un ornithologue qui pourrait descendre du professeur Tournesol. Son dada ? Etudier les oies sauvages. Son projet ? Aider ces palmipèdes à changer leur route de migration, devenue trop dangereuse. Pour cela, il habitue ces animaux à la présence humaine et, parallèlement, il construit secrètement un ULM, la machine la plus adaptée selon lui pour amener ses protégées à le suivre dans un nouvel itinéraire, de la Norvège à la Camargue. Dans cette aventure sans précédent, il va entraîner son fils Thomas, 14 ans, qui, pourtant fondu de jeux vidéo, va finir par prendre les commandes des opérations…
C’est une histoire vraie qui a inspiré à Nicolas Vanier son nouveau film, celle d’un météorologue breton, Christian Moullec, qui vola dans un ULM fabriqué de ses mains, en compagnie de ces oies en voie de disparition afin de les sauver. Grand spécialiste des films animaliers, Vanier en a tiré un film d’aventures passionnant, visuellement magnifique, très émouvant aussi, puisqu’on y voit un père transmettre sa passion à son fils. On plane, on rit, on s’extasie. On est ému aussi par un Jean-Paul Rouve, plus touchant et plus drôle à chaque film. Intelligent et édifiant, Donne moi des ailes est un divertissement à voir en famille. A Angoulême, où il avait été présenté en avant-première, il avait mis le public debout.
Recommandation : excellent.
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