Hors-Saison

Après une trilogie sur le monde du travail, Stéphane Brizé renoue avec le drame amoureux. Pour porter « Hors-Saison », il a fait appel à Guillaume Canet et Alba Rohrwacher, un couple de comédiens qui fonctionne merveilleusement
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Acteur de cinéma connu et célébré, Mathieu, la cinquantaine « égocentrée » à peine grisonnante (Guillaume Canet) traverse une  passe difficile. Alors qu’il avait annoncé ses débuts sur les planches à grands coups d’interviews dans les journaux, il a brusquement craqué et est parti se réfugier dans le centre de thalasso de Quiberon, sans même avertir son metteur en scène. Pour un type en pleine déprime, il a mal choisi son moment : c’est l’hiver, et, en cette « hors-saison », l’établissement est désert.

Le comédien ne peut même pas compter sur sa femme pour le remonter : présentatrice d’un journal télévisé de 20 heures, elle n’a aucun temps à lui consacrer (Marie Drucker, mais juste en voix of). Mais voilà que surgit une femme (Alba Rohrwacher), aussi touchante que réservée. Elle s’appelle Alice. Il l’avait quittée il y a quinze ans, elle est venue s’échouer là, au bord de cette mer si belle, mais si souvent houleuse, en compagnie d’un mari et d’une fille que ce dernier lui a faite. Entre Alice et Matthieu les souvenirs remontent : ceux de leurs instants de bonheur, mais aussi, pour elle, celui de sa déchirure (inguérissable) quand il  l’a quittée. Ils vont se revoir, se laisser de nouveau aller au vertige irrépressible d’une nouvelle liaison, tenue  secrète cette fois,  et puis, peut-être par lâcheté, ils vont se séparer de nouveau , cette fois, semble-t-il, définitivement…

Points forts

  • Le scénario, qui cerne, en quatre séquences aussi courtes que drôles, la personnalité de Mathieu, amène si joliment les retrouvailles entre lui et Alice, déroule si pudiquement leur regain de passion et explique, avec une sensibilité folle, leur nouvelle séparation.
  • Guillaume Canet et Alba Rohrwacher qui portent cette douloureuse histoire d’amour. Mélancolique et dépressif de nature, on a l’impression que Guillaume Canet attendait ce rôle de Mathieu, pour révéler l’acteur, immense, qu’il peut être. Avec une  économie de moyens aussi subtile qu’étonnante, il arrive à nous bouleverser et à nous faire rire aussi, quand son regard vire au narquois devant les inventions « indéchiffrables » , pour le commun des mortels, du monde moderne. Comme cette cafetière dont il ne parviendra pas à comprendre le mode d’emploi (Oui, il y a du Tati, par moments dans ce film pourtant si « Lelouchien »).  A la fois belle, sensuelle, réservée et douloureuse dans son personnage d’Alice  (Tiens, c’est le prénom de sa soeur réalisatrice !), Alba Rohrwacher sidère elle aussi. L’alchimie entre elle et son partenaire fonctionne particulièrement bien.
  • La mise en scène, qui impressionne par le culot de ses plans fixes et son épure.
  • La musique, qui, signée d’un Vincent Delerm particulièrement inspiré, accompagne le film à la perfection.

Quelques réserves

Aucune. On aime tout dans ce film, même la langueur de certaines de ses séquences et ses images clichés.

Encore un mot...

Parce que ses derniers films sur le monde du travail avaient frappé  fort les esprits, on avait presque oublié que Stéphane Brizé  avait su, à ses débuts, faire chavirer les cœurs avec des films d’amour déchirants, comme Je ne suis pas là pour être aimé ou Mademoiselle Chambon, qui lui avait d’ailleurs valu son seul César à ce jour. Avec son nouveau film,  il risque fort de déclencher une nouvelle fois des torrents de larmes chez les spectateurs les plus émotifs ou les plus romantiques. Tout en retenue et en intériorité, son  Hors-saison est un petit bijou de délicatesse et de nostalgie. Déchirant.

Une phrase

« J’envisage la fiction comme un documentaire sur les comédiens avec qui je travaille. Je ne peux faire et ne veux faire qu’avec  ce qu’ils sont. En même temps, il faut que je puisse me projeter dans chacun des personnages. Chaque acteur doit être alors comme une part de moi-même. Et ce qui résonne en moi chez Guillaume Canet, c’est son infinie mélancolie. Je l’ai toujours ressenti comme un homme profondément triste avec beaucoup de talent pour le dissimuler. Cela me touche énormément » (Stéphane Brizé, réalisateur).

L'auteur

Né le 18 octobre 1966 à Rennes dans un milieu modeste, Stéphane Brizé passe un DUT d’électronique avant de sorienter vers laudiovisuel. Il devient dabord technicien à la télévision, tout en suivant parallèlement des cours dart dramatique. Après avoir mis en scène plusieurs pièces de théâtre, il se tourne vers le cinéma.

En 1993, il réalise son premier court métrage, Bleu dommage, puis, en 1996 un moyen, L’œil qui traine. Cest en 1999 quil aborde le long avec Le Bleu des villes. Suit, en 2005, Je ne suis pas là pour être aimé avec Patrick Chesnais… Peu de temps après, le cinéaste fait une rencontre déterminante, celle du comédien Vincent Lindon. Les deux hommes font la paire. Le comédien tourne les trois films suivants du réalisateur : Mademoiselle Chambon en 2009, Quelques heures de printemps en 2012 et, en 2015, La Loi du marché, qui vaut à Vincent Lindon de remporter le Prix dInterprétation masculine au Festival de Cannes. Après la parenthèse dUne Vie, en 2016, adapté du roman de Maupassant et qui met en haut de son affiche Jean-Pierre Darroussin.

Stéphane Brizé retrouve Vincent Lindon en 2018 pour En guerre. Sélectionné pour la compétition du Festival de Cannes et  malgré un succès unanime auprès du public le soir de la projection, ce film n'apparaîtra pas au palmarès, ce qui ne lempêchera pas de faire un joli score au box-office. Son film suivant, Un autre monde,  sélectionné à Venise, connaitra la même trajectoire : aucune apparition au Palmarès du Festival, mais un beau score au box-office.

Il est difficile de prévoir si, après avoir été écarté à son tour du Palmarès de la dernière Mostra, malgré, encore une fois, un accueil chaleureux du public et de la critique, son dernier opus, Hors-Saison, qui sort aujourd’hui sur les écrans français, aura le même style de parcours que ses deux précédents films. On l’espère. C’est un très beau film.

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Vous pourriez aussi être intéressé