Happy End
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Thème
Alors que sa mère est hospitalisée pour avoir avalé des antidépresseurs, Eve (10 ans), qui ne s’exprime qu’à travers son Smartphone, retrouve à Calais son père Thomas qui ne l’a plus revue depuis des années. Lui-même vit entre sa nouvelle femme Anaïs de qui il a eu Paul (1 an et demi), son père Georges, obnubilé par le suicide depuis la mort de son épouse, et sa sœur Anne qui dirige tout ce monde avec énergie. Pierre, le fils de celle-ci, doit reprendre l’entreprise familiale du bâtiment qu’en secret Anne veut développer en faisant entrer une banque comme actionnaire, via son amant anglais. Mais un éboulement sur un chantier vient disloquer le vernis de ce bel ensemble familial…
Points forts
Cette satire aussi délicieuse que féroce d’une famille bourgeoise (peu importe qu’elle soit ici du Nord de la France) ravira tous les amoureux de Claude Chabrol et de Luis Buñuel (tendance Le charme discret de la bourgeoisie). Sur un récit en apparence très simple et narquois, proche de ces deux réalisateurs, Michael Haneke reprend néanmoins ses grands thèmes autour du suicide, de la mort, du Mal, de la violence mais de façon plus ironique, distanciée. Et interroge une fois de plus le spectateur dans son rapport à l’image, questionnement dont on sait depuis Bennys vidéo(1992) combien il lui est cher.
Fidèle à lui-même, Hanecke orchestre sur la forme cette monstruosité ordinaire - et de tous les âges - en jouant sur la dilatation du temps, parfois étiré, parfois très elliptique, alternant l’allusif et l’explicite, sans jamais se montrer démonstratif, sentencieux ni moralisateur. Il laisse ainsi le spectateur libre d’interpréter et de se positionner.
Si tous les comédiens sont irréprochables, Jean-Louis Trintignant, dans son rôle de vieillard rogue et pervers, et Isabelle Huppert, cherchant à maîtriser des événements qui la dépassent sans cesse, sont jouissifs.
Ultime clin d’œil qu’on apprécie : l’intrusion de migrants venus d’Afrique apparaît comme un rappel roboratif face à ce que notre existence d’Européens a désormais de dérisoirement narcissique.
Bref, Happy End est une grande, malicieuse, tragique et belle leçon de sociologie devant laquelle on hésite entre rire et s’offusquer.
Quelques réserves
Qu’on suive ce film au premier degré ou qu’on s’efforce d’en creuser le sous texte :aucun point faible. Sauf à ne se satisfaire devant le grand écran que de pur divertissement, bien sûr.
Encore un mot...
Depuis Le 7ème continent, son premier film (1989), Haneke, cet Autrichien fils de pasteur, tourne autour de thèmes récurrents cités supra, qui le “turlupinent” (sic). Et comme il crédite d’intelligence son public, il creuse son sillon à base de métaphores (chercher l’idée sous le symbole), d’analogies (chercher les mots sous les idées) et d’ellipses parfois radicales. Cela lui a valu moult polémiques et de paraître obscur. Ainsi le prologue d’Amour (2012) quand le couple trouve la porte de son appartement fracturée, ce que d’aucun a pu trouver énigmatique, alors qu’il suffit (par exemple), pour que tout trouve sa cohérence, de rapprocher ce fait de la maladie d’Alzheimer arrivant par effraction chez l’héroïne afin de lui piller sa mémoire. Il en est pareil avec ce film. On lui a reproché de traiter avec superficialité la situation des migrants. Voici ce qu’interrogé par nos soins, l’auteur nous a répondu : C’est un grand malentendu (…). Et j’étais furieux. (…) Je n’ai jamais voulu faire un film sur eux. Je ne les connais pas. Je n’ai pas vécu avec eux. (…) Les migrants ne sont pas là. Ils sont là, mais à l’arrière. (…) Parce qu’on veut aussi ignorer pourquoi ils sont là : à cause d’un passé qui est aussi un peu notre faute. Le film parle de cette indifférence de nous mais pas que vis-à-vis des immigrants ! Aussi dans notre famille, envers nos proches.
Une phrase
- “Je sais que tu n’aimes personne, ce n’est pas plus grave que ça ”. Anne à Thomas.
- “Je n’ai plus l’habitude d’avoir une fille”. Thomas à Eve.
L'auteur
Né en Autriche le 23 mars 1942, fils de l'acteur protestant Fritz Haneke et de l'actrice catholique Beatrix von Degenschild, marié deux fois, Michael Haneke envisage, adolescent, de devenir pasteur avant de travailler pour le théâtre puis la télévision et de se faire connaître au cinéma dans les années 1990.
Adulé autant que controversé, son cinéma explore le mal ordinaire, que ce soit par la télé (Benny’s Vidéo), le racisme et l'histoire refoulée (Caché), l'incommunicabilité, la pression socio-familiale et la névrose sexuelle (La pianiste, avec Isabelle Huppert), la société de consommation, les dogmes religieux (Le ruban blanc) ou encore la vieillesse et la dégradation psychologique et physique (Amour).
À Cannes, Haneke gagne le Grand Prix, le prix de la mise en scène et, par deux fois, la Palme d’Or (Le ruban blanc et Amour), rejoignant ainsi : Coppola, Imamura, Kusturica, Bille August, les frères Dardenne et Ken Loach. En 2012 et 2013, Amourlui vaut ce qu'aucun autre cinéaste n'a obtenu pour un même film : la palme cannoise, le Golden Globe, le BAFTA, l’oscar du meilleur film étranger, l’European Awards et le César du meilleur film !
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