Fritz Bauer, un héros allemand

Un opportun devoir de mémoire
De
Lars Kraume
Avec
Burghart Klaussner, Ronald Zehrfeld, Lilith Stangenberg
Notre recommandation
4/5

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Thème

On se souvient peut-être de ce fameux film allemand, « Le labyrinthe du silence », sorti il y a deux ans, qui racontait comment un jeune procureur de Francfort avait, au début des années 1950, recherché, poursuivi et mis en jugement les membres nazis de la direction du camp d’Auschwitz qui avaient tranquillement repris leur profession d’avant guerre, enseignants, avocats, commerçants… Le supérieur hiérarchique du jeune procureur s’appelait Fritz Bauer. Nous le retrouvons dans le rôle titre. « Fritz Bauer, un héros allemand » raconte comment, en 1957, le procureur général de Francfort, Bauer, apprend qu’Adolf Eichmann se cache à Buenos Aires et décide de l’extrader en Allemagne. Mais les magistrats, encouragés par le chancelier Konrad Adenauer qui prône la réconciliation sur fond d’oubli, veulent tourner la page. Bauer alerte les services secrets israéliens au risque de passer pour un traÏtre dans son pays. Et voilà comment le responsable de la solution finale fut exfiltré, jugé, condamné et exécuté en Israël.

Points forts

- Né à Stuttgart en 1903, de parents juifs, Fritz Bauer devint juge assistant dans sa ville natale en 1928. Titulaire deux ans plus tard, il fut alors le plus jeune juge d’Allemagne. Après avoir organisé une grève générale pour protester contre la prise du pouvoir par les nazis, il fut arrêté par la Gestapo en 1933. Il réussit à fuir vers le Danemark après quelques mois en camp de concentration. Il rentra en Allemagne en 1949 et participa à la refondation du système judiciaire de la République Fédérale Allemande. Il fut nommé procureur général à la cour de Francfort en 1956 où il occupa cette fonction jusqu’à sa mort en 1968.
 
- C’est l’acteur Burghart Klaussner qui joue le rôle de Brauer en soulignant les qualités profondément humanistes du procureur. Klaussner a fait une grande carrière dans le théâtre allemand et s’est fait connaître du grand public dans « Good bye Lenin ! ». Il était le pasteur rigoriste du « Rubanc Blanc » de Haneke, palme d’or cannoise en 2009, et il a travaillé pour Spielberg dans son « Pont des espions ». Il a « le même âge que Bauer, dit le cinéaste Lars Kraume, le même physique, l’esprit vif, la maturité émotionnelle, la rage innée – et aussi l’humour ».
 
- C’est en lisant le livre du journaliste français Olivier Guez, « L’impossible retour – Une histoire des juifs en Allemagne depuis 1945 », aux éditions Flammarion, que Lars Kraume a eu l’idée de faire un film sur Bauer, un chapitre entier du livre lui étant consacré. La mise en scène et la décoration rigoureuses permettent au spectateur de plonger dans ce monde disparu d’après-guerre avec ses décors rétros et démodés.

Quelques réserves

Difficile d’en trouver à moins qu’une rigidité toute allemande dans la mise en images puisse être considérée comme un point faible.

Encore un mot...

Contrairement à la France, assez frileuse dans l’évocation de la Collaboration au cinéma, la jeune génération des cinéastes allemands n’hésite pas à retourner vers le passé avec obstination dans une sorte d’auto-flagellation vertigineuse qui n’est pas toujours goûtée par leurs compatriotes. « Fritz Bauer, un héros allemand » fait partie de ces œuvres qui font honneur à un pays qui n’en finit pas de purger son passé dans un devoir de mémoire bien compris.

Une phrase

- « Aucune autorité allemande ne souhaitait collaborer avec Bauer ; ils ont dressé des obstacles les uns après les autres devant lui. “Quand je sors de mon bureau, j’entre en territoire ennemi”, disait-il ». Lars Kraume.
 
- « Se confronter à notre passé signifie nous juger nous-mêmes, juger les aspects dangereux de notre société et enfin, juger tout ce qui a été inhumain ». Fritz Bauer, conférence du 9 juillet 1962.

L'auteur

Avec sa gueule de jeune premier, Lars Kraume ne pouvait que se trouver un jour devant ou derrière une caméra. Né en 1973 près de Turin, il a grandi dans la région de Hesse, non loin de Francfort. S’il fait du cinéma – il a réalisé une douzaine de films et téléfilms – c’est grâce à son cinéphile de père qui l’a traîné dans les salles depuis son plus jeune âge. A 15 ans, il empruntait la caméra de son père et à 19 ans il réalisait son première court-métrage. « Fritz Bauer, un héros allemand » est son cinquième long métrage.

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