Festival de Cannes: Wonderstruck
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Thème
Quelque part loin de New York, en 1977, Ben, un garçon de 12 ans pleure la mort accidentelle de sa mère bibliothécaire (Michelle Williams) et part à la recherche de son père qu’il ne connaît pas mais dont il vient d’apprendre qu’il tient une librairie à New York. Au même endroit et dans la même maison, mais en 1927, Rose, une fillette de 12 ans, sourde, fuit un père trop sévère pour aller retrouver sa mère, comédienne à New York.
Les deux fugues, à cinquante ans de distance, sont menées en parallèle, l’une en noir et blanc pour le New York des années 20, l’autre en couleurs criardes pour celui des années 70. Vont-elles se faire écho ? On se doute bien que le réalisateur n’a pas fait tout ce travail de construction avec des décors minutieux pour chaque époque sans que cela reste sans suite. On n’en dira pas plus avant que ce film projeté en avant-première mondiale au Festival de Cannes, ne sorte sur les écrans français le 15 novembre.
Les festivaliers attendaient avec curiosité ce nouveau film de Todd Haynes, heureux réalisateur de « Loin du paradis » et de « Carol ». Au vu des applaudissements fervents, il semble qu’ils n’ont pas été déçus. Il y a de la magie dans cette histoire.
Points forts
Tom Haynes sait magnifier les décors. La première partie de son film coïncide avec la fin du cinéma muet qui fascine tant la petite Rose. On la voit dans un cinéma de New York avec un organiste qui souligne les passages dramatiques. Les grandes orgues à trois claviers dans une salle de cinéma, quelle époque ! Mais le parlant arrive : progrès ambigu pour la petite sourde.
La seconde partie, celle des années 70, nous conduit au Museum d’histoire naturelle de New York que le cinéaste filme comme un bijou géant. Un indice à souligner : Rose est venue dans ce musée au cours de sa fugue. Cinquante ans après, le petit Ben découvre un fantastique cabinet des curiosités (wonderstruck) dont le décor plonge dans son histoire familiale. Mais laquelle ?
Il rencontre alors une dame d’un certain âge, interprétée par Julianne Moore, qui vient souvent dans ce vaste musée. Elle est conservatrice du Queens Museum et elle l’emmène dans son royaume. Il y découvre la plus grande maquette du monde, le plan relief de New York, œuvre de toute une vie, celle de cette mystérieuse dame qui l’a conçue pour l’exposition universelle de 1964.
C’est pendant cette visite que se produit, autre moment magique, mais il y en a tant dans ce film, la grande panne d’électricité qui paralysa New York le 14 juillet 1977. Naturellement, le cinéaste ne rate pas la mise en scène grandiose de la mégapole plongée dans le noir avec pour seul éclairage le ruban des voitures.
Curieusement, alors que ces deux enfants viennent pour la première fois à New York, qu’ils sont sourds (Ben n’entend plus après un coup de foudre qui se produit au début du film), à aucun moment ils ne sont pris de panique, comme si leur surdité les protégeait, magnifique retournement. A aucun moment, le spectateur ne craint pour eux, l’enjeu étant dans leur recherche qui prend parfois des allures de thriller. Quelle énigme !
Quelques réserves
Il faut accepter d’être perdu dans l’intrigue lors des trois premiers quarts d’heure (c’est long) d’un film qui dure pratiquement deux heures. Si l’on veut tenter de comprendre qui est qui, qui fait quoi et pourquoi, c’est la migraine garantie, avant que tout se mette en place tranquillement comme dans la construction d’un puzzle géant. Il faut le mériter, ce film !
Encore un mot...
C’est le deuxième roman adapté au cinéma de Brian Selznick, écrivain américain dont l’univers littéraire plonge ses racines dans le monde de l’enfance. Le premier, « L’invention de Hugo Cabret », avait fait l’objet d’une somptueuse réalisation de Martin Scorsese sous le titre « Hugo Cabret ». Les grands livres produisent les grands films quand les cinéastes sont grands.
L'auteur
À 56 ans, le cinéaste américain Todd Haynes a déjà fait quelques visites fructueuses – pour les spectateurs - au Festival de Cannes. En 1998, « Velvet Goldmine » lui avait valu le prix de la meilleure contribution artistique et en 2015, si le très beau « Carol » avait laissé de marbre le jury cannois, les Grammy Awards (Césars américains) avaient accordé au cinéaste le titre de meilleur réalisateur.
Son nouveau film, en sélection officielle, sera, n’en doutons pas, au palmarès du festival 2017.
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