Eva ne dort pas
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Thème
Via les regards de trois représentants parmi ses ennemis : un embaumeur, deux convoyeurs militaires et un amiral, coup de projecteur sur les 25 ans séparant la mort d’Eva Peron, en 1952, à l’âge de 33 ans, de son inhumation, en 1977, sous 6 mètres de béton, sur ordre du dictateur Videla qui espérait qu’ainsi on l’oublierait.
Points forts
Un film magnifiquement crépusculaire sur la forme,époustouflant visuellement et lumineux quant aux réflexions qu’il propose, entremêlant politique, philosophie et spiritualité avec une pureté de mise-en-scène rappelant le meilleur des films de Dreyer et Bresson
Les éclairages tranchés en noir et blanc faisant écho à celui des images d’archives (excepté le moment d’onirisme dans une forêt d’un vert luminescent), les décors sépulcraux à la Bilal (funérarium, camion avec le cercueil; et la cellule du Général Aramburu) ainsi que la musique de Valentin Portron contribuent, par leur harmonie, à la qualité picturale de l’ensemble.
Le parti pris de choisir trois représentants de la dictature (l’Embaumeur, les transporteurs et l’Amiral, figure emblématique de l’époque Videla), était aussi osé au départ qu’il s’avère payant à l’arrivée : le charme sombre de Gaël Garcia Berna et la force animale de Denis Lavant… donnent en effet une ambiance qui finit, au fil des déambulations du corps embaumé profané, rapté et restitué, par illuminer la Beauté endormie (Eva Peron).
Un film dépassant par son traitement le personnage réel d’Eva Peron pour le transformer en figure mythique, à l’instar du Viva Zapata ! d’Elia Kazan (1952)
Quelques réserves
Ce film s’adresse aux amoureux du cinéma. Il déconcertera (au mieux) les amateurs de pur divertissement. Ceci n'étant pas nécessairement un point faible à mes yeux...
Encore un mot...
Fruit de 5 ans de recherches, y compris dans les archives de la CIA, Eva ne dort pas évoque un fait historique aussi insolite qu’authentique : la manière dont le corps d'Eva Peron, qui fut la femme la plus haïe et aimée d’Argentine durant les années 40 et 50, décédée d’un cancer foudroyant à 33 ans (âge du Christ), fut au cœur d'enjeux politiques majeurs, bien après sa mort en 1952. Sa dépouille est embaumée en 1953, la laissant comme endormie. Après le renversement de son mari en 1955, le président Juan Peron, les militaires n'osèrent pas l'enterrer, de peur que sa tombe ne provoquât une insurrection. Ne pouvant pas non plus détruire le corps, en tant que catholiques, ils choisirent de le confier en secret au Vatican. Il disparut des années durant avant d'être rapatrié en Argentine après le retour à la démocratie en 1973. Après un nouveau coup d'état en 1976, l'armée enterra Evita sous 6 mètres de béton. Dans les années 80, les différentes juntes militaires au pouvoir firent disparaître la dépouille de celle qui apporta le droit de vote aux femmes en 1947.
Une phrase
“Personne auparavant n’avait abordé la véritable histoire de son corps disparu. Et c’est l’une des histoires les plus incroyables et cinématographiques qui soit… (…) … J’ai donc décidé de prendre des libertés artistiques nécessaires et de construire ma propre version de l’histoire", Pablo Aguero.
L'auteur
Né en Argentine en 1977, Pablo Agüero réalise à 15 ans son premier film en VHS : Mas alla de las puertas, d’entrée lauréat de la Biennale Patagonique d’Art. Grâce à ce prix, il entame des études de cinéma. En 2005 il sort son 1er court-métrage répertorié : Lejos del sol (2005), prix du meilleur CM au Festival International de Buenos Aires. En 2006, il remporte le prix du jury à Cannes avec Primera Nieve. Il passe alors au long avec Salamandra (2008), Prix du meilleur premier film. Enchaînent le long-métrage 77 Doronship (2009), le documentaire Madres de los dioses (2015) et ce 3ème long-métrage Eva ne dort pas (2015). Outre d’avoir été primées, toutes ses réalisations ont été projetées dans le monde entier.
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