EN MÊME TEMPS

Un maire de droite et un confrère écolo se retrouvent collés l’un à l’autre… Du Kervern/Delépine à son meilleur, désopilant, grinçant..
De
BENOÎT DELÉPINE, GUSTAVE KERVERN
Avec
VINCENT MACAIGNE, JONATHAN COHEN, INDIA HAIR…
Notre recommandation
4/5

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Thème

A la veille d’un vote, pour entériner la construction d’un parc de loisirs à la place d’une forêt primaire, un maire de la droite décomplexée (Jonathan Cohen) essaye de corrompre un de ses confrères écolos (Vincent Macaigne). Malgré leurs convictions diamétralement opposées, ils partent ensemble en virée et échouent dans un bar à hôtesses, intitulé le « FMI ». Pour leur malheur. Car ils vont s’y faire piéger par une féministe adhérente au mouvement Colle Girls. A la suite d’une belle entourloupe, cette dernière (India Haïr) va réussir à  les coller l’un à l’autre avec de la glue, au niveau de ce que vous pouvez deviner. Une folle nuit commence pour les deux frères ennemis, unis contre leur gré, dans une posture assez… gênante. Evidemment, elle  ne va pas être triste…

Points forts

  • Cela fait 20 ans que le duo  Kervern/Delépine s’amuse à épingler les travers et ridicules de notre société. Leurs films aussi désopilants que provocateurs font, à chaque fois, souffler un air frais bienfaisant sur les grands écrans hexagonaux. Pour leur dernier opus, ils ont eu l’idée de coller, l’un à l’autre, au sens littéral du verbe, deux politiciens aux antipodes l’un de l’autre : un écolo pointilleux qui a peur de son ombre et un politicard de la droite populiste qui a acquis sa notoriété en caressant ses électeurs dans le sens du poil. Et puis, dans cette position « cul et chemise » aussi inconfortable que ridicule, ils leur ont fait vivre des situations toutes plus « abracadabrantesques » et hilarantes les unes que les autres. Avec, en arrière-plan, l’idée de montrer qu’en politique, tous les courants se valent et que les convictions ne tiennent souvent qu’à un fil. 
  • Une fois encore, même si on devine de quel côté penchent le cœur et la conviction des deux réalisateurs, pas question pour eux de jouer les donneurs de leçons. Malgré leurs gros défauts, les deux élus politiques de leur En même temps sont, chacun dans leur genre, sympathiques. Ils ont des failles, des émotions, une certaine forme de pudeur et finalement, malgré leurs convictions affichées, peu de certitudes. Bref, ils nous ressemblent et ça fait du bien, d’autant plus que l’odyssée de ces deux-là, qui n’étaient pas faits pour s’entendre, finira bien.
  • Une fois encore aussi leur casting est impeccable. Jonathan Cohen excelle en élu hâbleur, homophobe et raciste. En bobo écolo, Vincent Macaigne est pour sa part, irrésistible de naïveté bécasse. Et quand l’un et l’autre jouent « collés-serrés », ils forment un couple désopilant, à la Laurel et Hardy. Dans son rôle de militante féministe acharnée, India Haïr est comme d’habitude, délicieuse, sensationnelle de naturel et de drôlerie.

Quelques réserves

Vous aviez aimé I feel good et Effacer l’Historique, les deux précédents films du duo Kervern/Delépine ? Alors précipitez-vous à leur dernier-né, qu’ils ont intitulé, avec le sens de la dérision qui les caractérise, En même temps. Sous son aspect potache, il est encore plus truculent que les deux précités, encore plus inventif et encore plus généreux. Ce qui n’est pas peu dire. Et puis il est servi par un tandem que l’envie nous prend de les voir encore réunis un jour prochain sur le grand écran. Grandiose et jubilatoire.

Encore un mot...

Qui seront deux…

- « On est partis sur une idée de série. Qu’on a abandonnée. On est partis sur une idée de polar à base de go-fast. Qu’on a abandonnée aussi. Puis sur une idée de film à Paris, une histoire d’amour sur fond d’écologie, qu’on a abandonnée encore, tout en se disant que… C’est alors que nous étions résolus à ne rien faire du tout, qu’une nouvelle idée est venue… qui, d’emblée, nous a excités tout de suite. C’est quand l’envie nous démange qu’on se dit qu’on peut enclencher la machine »( Gustave Kervern, réalisateur).

- « Dans un grand éclat de rire salvateur est venue cette image incongrue de deux hommes politiques collés l’un à l’autre contre leur gré… C’était parti! » (Benoît Delépine, réalisateur).

Une phrase

Ils ont quatre ans d’écart, mais cela fait environ dix ans qu’ils s’entendent comme larrons en foire pour dynamiter le cinéma français Avec des films tous en dehors des sentiers battus.

Quand Gustave Kervern (né le 27 août 1962 à l’Île Maurice) et Benoît Delépine (né le 30 août 1958 à Saint-Quentin) font connaissance dans les années 90, ils ont déjà des galons. Le premier est le chroniqueur reconnu de plusieurs émissions de télévision dont Le Plein de Super  ; le second écrit des sketches pour les Guignols de l’Info. C’est dans une émission parodique de Canal, le fantasque pays de Groland, que leur rencontre a lieu. Leur entente est immédiate. Ils se mettent à tester de nouvelles techniques de récit. Encouragés par Maurice Pialat, ils décident de se frotter au cinéma.

En 2004, ils réalisent Aaltra. Devant son succès critique, ils décident de continuer. En 2006, ce sera Avida ; en 2008, Louise Michel ; en 2010, Mammuth avec Gérard Depardieu, en 2012, Le Grand Soir, avec Benoît Poelvoorde ; en 2014, Near Death Experience; en 2019, Saint-Amour, avec un duo d’acteurs choc, Gérard Depardieu et Benoît Poelvoorde, et en guest-star, Vincent Lacoste, un jeune qui, à l’époque, montait, montait ; en 2018, I feel good et en 2020, Effacer l’historique avec notamment Blanche Gardin.

En même temps, qui sort sur les écrans français ce 6 avril est le dixième film de ce tandem impayable.

Et aussi


 

- EMPLOYÉ/PATRON de MANUEL NIETO ZAS —  Avec NAHUEL PEREZ BISCAYART, CRISTIAN BORGES, JUSTINA BUSTOS…

Préoccupé par la santé de son bébé, Rodrigo, le modeste patron d’une ferme agricole (Nahuel Pérez Biscayart, formidable) tente de conjuguer sa vie personnelle à son travail qui lui prend presque tout son temps. Pour l’aider dans son exploitation de soja, il recrute Carlos, un jeune employé de dix-huit ans (Cristian Borges, acteur non professionnel, très bien aussi) qui est dans l’urgence de gagner sa vie pour subvenir aux besoins de sa famille. L’entente entre les deux hommes est cordiale, jusqu’au jour où se produit un terrible accident. Leurs liens vont se distendre, jusqu’à mettre en danger le sort de leurs familles..

Pour son troisième long métrage, le jeune uruguayen Manuel Nieto Zas (La Meute, El lugar del hijo), propose un drame aux allures de western, qui dépeint très bien la vie difficile des ouvriers agricoles de son pays et les différences « irrattrapables » entre les classes sociales. Comme il est solidement charpenté, qu’il vire au thriller, qu’il est magnifiquement joué et que sa photo est splendide, ce drame vaut vraiment le déplacement. Au dernier festival de Cannes, La Quinzaine des Réalisateurs l’avait d’ailleurs inclus dans sa sélection. C’est tout dire. Puissant et juste.

Recommandation : 4 coeurs

 

- INEXORABLE de FABRICE DU WELZ — Avec BENOÎT POELVOORDE, MÉLANIE DOUTEY, ALBA GAÏA BELLUGI…

Après le boom retentissant de son premier roman Inexorable, Marcel Bellmer (Benoît Poelvoorde) n’a plus jamais réussi à renouer avec le succès. Des années plus tard, au sortir d’une grave dépression, il emménage avec son éditrice de femme (Mélanie Doutey) et leur fille dans la sublime propriété de son beau-père récemment décédé. Alors que son inspiration ne revient toujours pas, une jeune femme prénommée Gloria (Alba Gaïa Bellugi) vient s’immiscer dans sa vie de famille.  Elle va y flanquer la pagaille et bouleverser l’ordre des choses.

Pour son huitième film, Fabrice du Welz (Calvaire, Colt, Alleluia, Adoration…) s’essaie à un nouveau genre, le thriller érotique. Bingo ! Même si son scénario est classique dans sa forme et qu’on devine assez vite que son histoire ne peut que dégénérer, Inexorable dégage un charme fou et inquiétant, mi Chabrolien, mi Hitchcockien. Sans aucun doute séduits par la solidité de son suspense et l’univers dans lequel il se déroule (un chic bourgeois bourré de faux-semblants), les comédiens, en tête desquels Mélanie Doutey et Benoît Poelvoorde, donnent le meilleur d’eux-mêmes dans leurs personnages qui finissent par dévoiler ce qu’ils ne paraissaient pas être. Visuellement Inexorable est dans la droite ligne des « gialli », ces polars horrifiques italiens qui connurent leur âge d’or entre les années 60 et 80. Grisant.

Recommandation : 3 coeurs

 

- LIBERTAD de CLARA ROQUET - Avec MARIA MORERA, NICOLLE GARCIA, CAROL HURTADO…

Un bord de mer l’été en Espagne. Dans la magnifique villa familiale où elle passe ses vacances,  Nora, quinze ans, voit débarquer Libertad, une jeune colombienne de son âge (qui donne son titre au film). Caractère, éducation, milieu social (la mère de Libertad a été engagée pour veiller sur la grand-mère de Nora, atteinte d’Alzheimer), tout oppose les jeunes filles et pourtant elles vont nouer une amitié profonde qui va les faire basculer dans le monde des adultes. Ce qui n’ira pas sans casse, ni  sans découvertes….

Pour son premier film, la réalisatrice espagnole Clara Roquet (déjà, à 34 ans, scénariste renommée dans son pays) propose un récit initiatique sur deux jeunes filles qui vont, ensemble, s’émanciper vers l’âge adulte, mais chacune à leur manière et dans une optique différente. L’une, Nora, la jeune bourgeoise, va se battre contre un monde en perdition, et l’autre, Libertad, d’un milieu social plus modeste, va se révolter contre une société de classe dont elle se sent exclue.

Habilement construit, remarquablement interprété dans la chaleur des étés de la Costa Brava, Libertad avait décroché son entrée à la dernière Semaine de la Critique à Cannes. En Espagne, il a décroché cette année deux Goya, celui du meilleur premier film pour sa réalisatrice, celui de la meilleure actrice dans un second rôle pour Nora Navas, quatorze ans. Émouvant et sensible.

Recommandation : 3 coeurs

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