ELVIS

Un biopic qui s’est longtemps fait attendre sur le grand écran. Grâce à l’Australien Baz Luhrmann, l’icône y débarque, enfin, avec pour le faire revivre, un presque inconnu, le comédien Austin Butler. Époustouflant !
De
BAZ LUHRMANN
Avec
AUSTIN BUTLER, TOM HANKS, OLIVIA DEJONGE…
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

  • Est-ce son enfance de petit garçon blanc né dans une ville du Mississippi (habitée  majoritairement par des noirs), une enfance bercée par les gospels de l’Eglise pentecôtiste que fréquentait sa mère ? En tous cas, à dix-neuf ans, Elvis Presley (Austin Butler) est déjà un phénomène vocal d’un calibre jamais entendu chez un chanteur blanc,  avec  pour l’accompagner, un déhanché et un sex-appeal hallucinants. Seul problème, la notoriété du jeune chanteur est encore restreinte. Tout change quand il rencontre un homme qui se fait appeler le Colonel Parker (Tom Hanks, méconnaissable), à la fois un génie du marketing (il va faire d’Elvis une star interplanétaire) et un sacré coco qui, pour payer ses dettes de jeu n’hésitera pas plus tard, à « vendre » son  « poulain » au plus offrant, quitte à le laisser se déglinguer.
  • La vie de la plus grande icône du rock’n’roll, ses hauts, ses bas, ses sorties de route, ses rebellions, ses amours et ses concerts mythiques retracés à travers le regard d’un homme au double visage de « père spirituel » et de  « prédateur » : voilà ce que retrace, sur trente ans, ce biopic flamboyant et énergique, le premier sur grand écran, depuis la mort du King survenue dans sa propriété de Graceland, à Memphis dans le Tennessee, le 16 août 1977, à l’âge de 42 ans.

Points forts

  • Fou de musique en général et d’Elvis Presley en particulier, le réalisateur australien  Baz  Luhrmann (Moulin Rouge, Gatsby le Magnifique) tournait depuis longtemps autour du King. Un biopic? Oui mais, comment ? Avec qui ? Et sous quel angle? Car il n’était pas question pour lui de se contenter d’une biographie racontée platement ! Après des années de cogitation, lui vint l’idée de revisiter la vie de l’enfant chéri de Memphis à travers le prisme du regard de son manager, l’étrange, mystérieux et indispensable Colonel Parker, celui qui construisit la « légende » du chanteur Elvis et qui, quelques années plus tard, fut en grande partie responsable de la « déchéance » de l’homme que ce même Elvis fut, derrière l’idole. Un seule personne  responsable de la courbe ascendante et descendante d’une carrière hors norme : Luhrmann avait son fil conducteur. Il commença d’écrire…
  • Autre quadrature du cercle à résoudre  pour lui : trouver l’interprète du rôle-titre !  Sur grand écran, personne n’avait osé s’y risquer. Le cinéaste australien commence les auditions. C’est un coup de fil de Denzel Washington ( qu’il ne connaît pas personnellement) qui le sauve. Le comédien lui parle d’un jeune gars avec qui il a joué au théâtre et qui lui parait fabuleux. Austin Butler qui n’a alors interprété que des petits rôles débarque. Il est natif de la Californie, mais tout y est, le look, le regard, la sensualité sauvage, le jeu de jambes et surtout la voix. Car Luhrmann  ne veut pas entendre parler de play-back. Devenir un Elvis parfait va prendre trois ans de travail acharné au jeune Austin. Il s’effondrera au lendemain du dernier jour de tournage, ce qui lui vaudra 8 jours d’hôpital. Mais le résultat est là, époustouflant.
  • Époustouflante aussi est la prestation de Tom Hanks qui a pris en charge le rôle du colonel Parker. Méconnaissable, l’acteur interprète  avec une subtilité rare  les différentes personnalités d’un homme dont on ne sait toujours pas aujourd’hui s’il fut, pour Elvis, un père ou un bourreau, un manager de génie ou un esclavagiste.

Quelques réserves

  • Les connaisseurs de Baz Luhrmann le savent : le cinéaste a tendance à trop « clipper » ses films. Il n’échappe pas ici à son péché mignon. Il faut patienter une bonne dizaine de minutes pour qu’après un départ en surmultipliée, Elvis trouve un rythme moins effréné, qui laisse savourer, et la finesse percutante des dialogues, et la magnificence du tournage, et aussi, les performances des deux stars du film, Austin Butler et Tom Hanks.
  • On peut regretter que le scénario n’accorde  pas une place plus importante à l’épouse du King, Priscilla Presley, interprétée par une Olivia Dejonge, par ailleurs, un peu trop « pâlotte ».

Encore un mot...

  • Huit ans. Il aura fallu huit ans au réalisateur Baz Luhrmann pour venir à bout de l’un des biopics les plus attendus de l’Histoire du cinéma parce que retraçant la carrière fulgurante et tragique  du chanteur le plus mythique de l’Histoire des Etats-Unis. Le résultat est à la hauteur de toutes les espérances, qui va à la fois réjouir les inconditionnels de cinéma d’effets spéciaux et d’images délirantes, combler les fans du King (leur idole est restituée là, intacte, dans sa folie, son génie, sa séduction, son extravagance, son magnétisme, son sens inouï du rythme, son déhanché, sa sensibilité et… sa dépendance au « Colonel Parker »), et qui va aussi, dans un même mouvement passionner les amoureux de l’Amérique des années 1950 à 1970, celles qui virent ce pays lutter contre le racisme et sortir de son conservatisme.
  • Un peu trop long, ce flamboyant  Elvis (2h39)? Un peu trop emphatique ? Peut-être. Mais comment chipoter devant un film qui offre un écrin aussi somptueux à la plus grande légende du rock, et qui permet à un jeune interprète de 31 ans, Austin Butler, d’accéder à un statut de star ? Au vu de sa réception par le public au dernier Festival de Cannes où il fut projeté hors compétition (douze minutes d’ovation), Elvis devrait cartonner au box-office. Bluffant et passionnant !     

Une phrase

Qui seront deux : 

  • « On ne pouvait trouver meilleure vie que celle d’Elvis comme  canevas pour explorer l’Amérique des  années 1950 à  1970, celle du racisme et des droits civiques » ( Baz Luhrmann, réalisateur).
  • « C’était tout un défi. Au départ, je me sentais comme un gamin qui enfile les vêtements de son père. Les manches sont trop longues, les souliers comme des bateaux. Je me disais que c’était impossible. Avec le temps, j’ai commencé à grandir en lui et à mieux ressentir son humanité » ( Austin Butler, comédien).

L'auteur

  • Né en septembre 1962 à Herons Creek en Australie de parents amateurs de théâtre et de cinéma, Baz Luhrmann pratique très jeune la danse de salon. Après le divorce de  ses parents, il part s’installer à Sydney pour y effectuer des études à l’Institut national d’art dramatique d’Australie. Durant ses études, il crée en 1984 avec d’autres étudiants Strictly Ballroom, sa première pièce de théâtre. Cette pièce, qui rencontre pendant plusieurs années un vif succès, lui vaut de pouvoir réaliser en 1992 son premier film, Ballroom dancing. Sa carrière de cinéaste est lancée. C’est en 1996 qu’il accède à la notoriété internationale avec son adaptation de Roméo + Juliette, avec Léonardo Di Caprio et Claire Danes. La consécration lui arrivera en 2001 avec Moulin Rouge. Pourtant assez critiqué par une grande partie de la presse pour son rythme effréné, cette superproduction  musicale menée par sa compatriote Nicole Kidman lui vaudra plusieurs nominations. En 2002, il délaissera le grand écran pour retourner à la mise en scène de théâtre. Son adaptation de l’opéra La Bohème raflera deux Tony Awards.
  • Après un petit détour par la pub ( en 2004, il travaille notamment pour Chanel), il s’attaque en 2008 à une fresque qui relate l’histoire de son pays (Australie), puis revient en 2013 à la fiction avec Gatsby le Magnifique, une adaptation du roman éponyme de F. Scott Fitzgerald avec, de nouveau Nicole Kidman, et qui, une fois encore, est un énorme succès international.
  • Après une incursion sur Netflix (il crée la série The Get Down en 2016), le cinéaste australien fait son retour,  sur les écrans français en ce début d’été 2022, au long-métrage avec le biopic Elvis, dont d’aucuns s’attendent à ce que l’interprète de son rôle-titre obtienne une nomination aux Oscars.

Et aussi

 

  • L’HOMME PARFAIT de XAVIER DURRINGER - Avec  DIDIER BOURDON, PIERRE-FRANÇOIS MARTIN-LAVAL, VALÉRIE KARSENTI…

Débordée par son travail et sa vie privée, Florence a acheté un robot domestique. D’apparence humaine, plutôt « beau gosse » et d’une éducation exquise, cet « androïde » dernier cri, que Florence a surnommé Bobby, accomplit désormais à sa place toutes les tâches ménagères de la maison, et même un peu plus, puisqu’il prend également en charge les devoirs et la surveillance des enfants et aussi l’entretien du jardin. Seul ombre au tableau : Franck, le mari de Florence, un vieil ado attardé aussi je-m’en-foutiste que rock’n’roll  ne va supporter ni la perfection de Bobby ni son équanimité. Entre Franck et Florence, ça va tanguer, puis se rétablir…

Décidément, Xavier Durringer est un créateur plein de surprises. A chaque film ou pièce (il est également dramaturge), ce grand curieux s’amuse (avec sérieux et maestria) à changer de sujet. Passionné par la robotique et ses effets possibles sur les êtres humains ( l’Homme bientôt dépassé, domestiqué par la machine?), il a imaginé une histoire qui pourrait se dérouler dans un avenir proche. Comme en plus d’écrire et d’imaginer, il aime aussi rire, il a écrit une sorte de « comédie-futuriste »,  à ce détail  près, qu’on est loin de la science-fiction : dans son film, c’est le robot qui est « l’invité » de l’homme, et pas l’inverse. Le résultat est que l’amour sourd à chaque scène, l’émotion et les sentiments aussi. Cette précision pour faire comprendre que la comédie de Xavier  Durringer, grave et burlesque en même temps, formidablement dialoguée et emmenée par une équipe d’acteurs visiblement heureux d’être là, est tous publics. Coup de chapeau particulier  à PEF (Pierre-François Martin-Laval) qui campe un Bobby à la fois délirant et « mécanique ». Du grand art.   

Recommandation: 4 coeurs

 

  • EL BUEN PATRÓN de FERNANDO LEÓN DE ARANOA - Avec JAVIER BARDEM, MANOLO SOLO, ALMUDENA AMOR…

A la veille de recevoir un prix censé honorer son entreprise, Juan Blanco, le patron apparemment bon enfant d’une usine de balances de précision s’inquiète. Plusieurs petits problèmes, qui peuvent lui coûter ce prix très convoité par d’autres entreprises, ont surgi dans la sienne. Un ex-employé viré récemment campe avec fracas devant son usine. Un de ses contremaitres  déboussolé parce que sa femme le trompe, met en danger sa production. Et une stagiaire récemment engagée fait tout pour qu’il succombe à ses charmes. Juan doit absolument redresser la barre. Il s’y attelle, avec une autorité jusque-là bien cachée sous ses dehors bon enfant de patron paternaliste…

Avec ce film qui tire le portrait d’un patron amoral qui dissimule son côté manipulateur sous de la bienveillance apparente, Fernando León de Aranoa (Un jour comme un autre, Escobar ) renoue  avec la chronique sociale. Remarquablement écrit, d’une belle sobriété de mise en scène, mettant en plein dans le mille en ce qui concerne la violence souvent souterraine du monde de l’entreprise, El buen patrón a raflé six Goyas et a représenté l’Espagne aux Oscars. Il faut dire que ce film est porté par un Javier Bardem au meilleur de son jeu, à la fois aiguisé et d’un parfait naturel. Passionnant, inquiétant et en même temps, tellement drôle.

Recommandation :  4 coeurs

 

  • I’M YOUR MAN  de MARIA SCHRADER- Avec MAREN EGGERT, DAN STEVENS, SANDRA HÜLLER…

Scientifique célibataire, Alma accepte de vivre trois semaines avec Tom, un androïde conçu pour répondre à tous ses besoins. Il ne s’agit que d’une expérience réalisée pour le compte d’un comité d’éthique. Alma la cartésienne va pourtant se prendre au jeu de cet essai de vie commune avec un robot à l’apparence humaine programmé  pour combler les femmes en recherche d’homme idéal.

 Fable d’anticipation contemporaine adaptée d’une nouvelle d’Emma Braslavsky, I’m your man explore la question du sentiment amoureux dans une société où la solitude s'accroît et où la robotique se substitue de plus en plus à l’Homme. Signé Maria Schrader (Stefan Zweig, adieu l’Europe), ce récit, transmis sous la forme d’un mélo romantique, est porté par deux acteurs formidables, le Britannique Dan Stevens ( Downton Abbey ) et l’allemande Maren Eggert, qui a reçu pour son rôle d’Alma, un Ours d’Argent mérité au dernier festival de Berlin. Emouvant et malin. 

Recommandation : 4 coeurs

 

  • LE DIVORCE DE  MES MARRANTS de ROMY TRAJMAN et ANAÏS  STRAUMANN- Avec ROMY TRAJMAN, PAUL TRAJMAN, GARY TRAJMAN…

Autrice-chanteuse-compositrice de 23 ans, Romy n’a plus revu son père, bipolaire, depuis le divorce de ses parents, il y a dix ans. Depuis, elle vit avec sa mère, dans une relation fusionnelle, et avec laquelle elle porte un projet de comédie musicale. Mais la séparation de ses parents la taraude. Elle décide de mener l’enquête pour en comprendre les raisons, quitte à faire exploser les non-dits familiaux. Une aventure libératrice qui va mêler secrets de famille, Shoah, désir de vie et …chansons pop.

 A la croisée des chemins du documentaire, du film musical et du journal intime, voilà sans doute le film le plus surprenant et le plus fantaisiste de la semaine, par moments le plus gai et à d’autres, le plus triste. Un film patchwork, conçu comme un carnet de bord où l’alacrité le dispute à la nostalgie, l’opiniâtreté, à la dérision, les couleurs, au noir du deuil et de l’incompréhension. La Romy qui mène l’enquête devant la caméra est la même que celle qui a eu l’idée du film et qui l’a construit comme un puzzle, avec l’aide d’une copine caméraman. C’est tour à tour acidulé, grave et léger. Pour résumer, c’est formidable.

Recommandation : 4 coeurs

 

  • LES GOÛTS ET LES COULEURS de MICHEL LECLERC- Avec REBECCA MARDER, FELIX MOATI, JUDITH CHEMLA… 

Marcia, jeune chanteuse passionnée ( Rebecca Marder, délicieuse, nuancée et si juste) est heureuse. Elle a obtenu de son idole, Daredjane, une icône rock des années seventies (Judith Chemla, sensationnelle comme d’hab) le droit de sortir un disque de ses reprises. Mais Darédjane, meurt. Marcia va donc devoir persuader Anthony, son unique ayant-droit, de sortir quand même l’album. Ce n’est pas gagné : Anthony (Felix Moati, d’une drôlerie irrésistible) est un gentil petit voyou qui vit d’expédients et se fiche de la musique comme d’une guigne. Mais, l’amour, l’amour toujours, ce truc incontrôlable qui, on le sait depuis la nuit des contes, peut réunir les contraires, va frapper à la porte de ces deux -là. Après quelques péripéties charmantes évidemment…

 Michel Leclerc, le réalisateur si inspiré et si engagé, entre autres, du documentaire Pingouin et Goéland, des fictions Le Nom des gens et de Télé Gaucho se lance dans la « romcom », comme on dit aujourd’hui - sans qu’on sache trop pourquoi - des comédies romantiques. Curieusement, et bien que la lutte des classes soit une fois encore au centre de son propos, le cinéaste y est moins à l’aise. Son film manque un peu de rythme, étire des scènes qui n’en valent pas trop la peine et a recourt à l’ellipse quand il faudrait du liant. On lui pardonne, parce qu’il a choisi des interprètes très très talentueux qu’on a un tel plaisir à les regarder jouer qu’on en oublie les défauts d’un scénario généreux mais inégal . On pense quand même  au film Le Goût des autres , ce qui n’est pas rien ! 

Recommandation : 3 coeurs

 

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