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Thème
A 20 ans, Hélène alias Babouillec, autiste, n’a jamais parlé ni écrit. Sa mère Véronique découvre qu’elle peut exprimer ses pensées en alignant des lettres écrites sur de petits carrés façon Scrabble. C’est le miracle. Dix ans plus tard, Hélène est l’auteure de plusieurs livres de poésie et d’aphorismes si originaux que le réalisateur, metteur en scène et comédien Pierre Meunier en tire un spectacle qu’il crée à Avignon. Ce documentaire sidérant (au sens propre) est le fruit de deux années passées à suivre Hélène, sa mère et Pierre Meunier avec en fil rouge la création d’un de ces spectacles : “Algorithme Eponyme”.
Points forts
- On savait Julie Bertucelli capable d’émouvoir et de surprendre à partir des sujets les moins attendus, glanés au sein même de notre société. Ici, grâce à une juste distance entre l’intime et l’impudeur, Julie Bertucelli a su entrer dans l’intimité d’Hélène sans aucun voyeurisme ni rien éluder de son handicap, notamment de ses attitudes physiques. Forte de la confiance acquise, la réalisatrice nous plonge, jusqu’au vertige, au cœur de la mécanique de la communication, interrogeant le lien entre le mot et l’image.
Plus fascinant ! Plus Hélène évolue, enfermée dans son corps, visage bougeant brusquement ou immobile tel celui du Sphynx, regard oscillant entre absence et indicible profondeur… plus elle livre ses émotions brutes obligeant sa mère Véronique et Pierre Meunier à lui accorder bienveillance et fermeté… plus la puissance de sa pensée nous époustoufle.
- Autre aspect admirable de ce documentaire, le patient travail de Véronique, mère d’une enfant “qui n’existait pas” et dont elle a, peu à peu, trouvé la clé d’accès aux mots de l’écrit. Elle tente maintenant de forcer la serrure menant à la parole. C’est sublime de beauté humaine, de persévérance et d’amour réciproque entre elles.
- On ressort de cette exploration fort de mille questions sans réponse, moins mus par la compassion que par l’admiration, bref un peu plus sain d’esprit et autrement plus humain. Au point de nous demander qui est le plus enfermé, de ce “lot mal calibré, ne rentrant nulle part” (comme Hélène s’auto-qualifie) ou de nos esprits fabriqués pour penser selon des normes.
Quelques réserves
Sur le sujet et sa réalisation, absolument aucun. A moins d’être réfractaire au genre documentaire ou incapable de surmonter la vision d’une autiste.
Encore un mot...
Sa Cour de Babel faisait exploser les murs de la classe qu’elle avait filmée durant un an. Dans ce documentaire qui va, pareillement, bien au-delà de l’autisme, Julie Bertucelli nous rappelle combien la poiesis est un double phénomène de destruction et de reconstruction à portée subversive, bien éloignée de l’alignement laborieux de rimes convenues. Et par là-même pourquoi elle a été si combattue y compris par Platon qui redoutait les espaces de liberté auxquels elle donnait accès.
Comprendre l’Autre et découvrir dans le même temps la puissance créatrice de tout être humain, que peut-on attendre de plus beau, de plus fondateur, de plus libérateur ?
Autant de raisons de courir voir ce documentaire et d’en remercier Julie Bertucelli, réalisatrice profondément intègre, humaine et attachante.
Une phrase
Qui seront quatre, d''Hélène Nicola alias Babouillec:
- “Nous survivons par l’instinct de survie. Seul l’acte d’aimer nous sépare du vide.”
- “Etre ou ne pas être, là est la question. Dire merde à ceux qui croient savoir, là est la réponse”.
- “Partir de rien pour se trouver”.
- “En libre raconteuse d’histoires le cosmos nourrit mes voyages”.
L'auteur
Née en 1968, Julie Bertuccelli suit des études de philosophie puis travaille, pendant une dizaine d’années, comme assistante à la réalisation sur de nombreux longs métrages, téléfilms et courts métrages, auprès d’Otar
Iosseliani, Rithy Panh, Krysztof Kieslowski, Emmanuel Finkiel, Bertrand Tavernier, Jean-Louis Bertuccelli (son père), Christian de Chalonge, René Féret, Pierre Etaix…
Après avoir étudié la réalisation documentaire en 1993 aux Ateliers Varan, elle en réalise une dizaine pour Arte, France 3 et France 5 dont : Un métier comme un autre (sur les fossoyeurs de Pantin), Une liberté ! (sur le dernier jour de prison d’un détenu), La Fabrique des juges (sur l’Ecole de la Magistrature de Bordeaux), Bienvenue au grand magasin (autour de trois jeunes vendeuses à l’essai de s Galeries Lafayette), Otar Iosseliani le merle siffleur… Ce dernier lui souffle l’histoire de son premier long-métrage de fiction à partir d’un fait réel : le très beau et très émouvant Depuis qu’Otar est parti (2002)…, couronné par une vingtaine de prix en France et à l’étranger dont le Grand Prix de la Semaine de la Critique au Festival de Cannes 2003, le César de la meilleure première œuvre 2004, le Prix Marguerite Duras 2003 et le Prix Michel d’Ornano 2003 à Deauville.
Son deuxième long-métrage de fiction, L’arbre, tourné en Australie, fait sensation lors de sa sélection officielle au festival de Cannes en 2010. En 2014, sort La cour de Babel, un documentaire bouleversant d’humanité sur 24 collégiens âgés de 11 à 15 ans et d’origine différente, apprenant le français dans la même classe d’accueil du Collège La Grange-aux-Belles (Paris 10), nommé aux César et sacré Meilleur documentaire des Trophées francophones du cinéma.
Julie Bertucelli a, en outre, été la première femme à devenir présidente de la SCAM, Société civile des auteurs multimédia, entre juin 2013 et juin 2015.
Depuis juin 2016, elle est co-présidente de l’ARP, Société civile des Auteurs‑R.alisateurs- Producteurs.
Julie Bertuccelli est actuellement en préparation de son troisième long-métrage de fiction, Le dernier vide‑grenier de Claire Darling, l’histoire d’une vieille dame amenée à vendre les objets qui ont accompagné sa vie…
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