CHRONIQUE D’UNE LIAISON PASSAGÈRE
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Thème
Charlotte, mère célibataire (Sandrine Kiberlain) et Simon, un homme marié (Vincent Macaigne) deviennent amants. Mise à part leur attirance physique, ils ne partagent à priori pas grand chose. Elle est volubile et décomplexée, lui plutôt taiseux et torturé. Ayant conscience que leur relation n’a aucun avenir, tous les deux s’engagent à ne se voir que pour leur liaison et à ne fonder aucun espoir amoureux. Au fil de leurs rencontres et de leurs conversations, ils vont pourtant être de plus en plus surpris par leur entente et le bien-être qu’ils éprouvent à être ensemble. Leur promesse réciproque semble donc se fragiliser, mais Louise (Georgia Scalliet) va entrer en jeu.
Points forts
- Une fois encore, pour son onzième long métrage, Emmanuel Mouret signe un film sur les mystères des élans du cœur et du corps. Et une fois encore, son film est exquis : délicatesse de son écriture, élégance de ses décors, transparence de sa lumière, marivaudage à la fois cruel et malicieux de ses personnages. On le dit et on le répète, mais tant pis : quand on voit un film d’Emmanuel Mouret, il est impossible de ne pas penser à Pierre Choderlos de Laclos et à ses Liaisons dangereuses.
- La singularité de ce nouveau film est que ses deux protagonistes occupent presque toujours ensemble l’écran. Comme ils parlent et se racontent beaucoup, avec énormément de liberté, cela nous laisse tout loisir pour visualiser le hors-champ de leur histoire personnelle et de leur quotidien. L’imagination du spectateur s’en trouve sollicitée. Un plaisir qu’on goûte de plus en plus rarement devant le grand écran où le réalisme spectaculaire prend une place grandissante.
- On le sait aussi depuis ses débuts : le réalisateur d’Un Baiser s’il vous plaît a le chic pour harmoniser ses distributions. Pour jouer les deux amants de sa nouvelle histoire, il a fait appel à Sandrine Kiberlain et à Vincent Macaigne. La première est parfaite dans le rôle de Charlotte. Grâce, légèreté, cocasserie, fantaisie, ironie aussi…, elle donne à voir et comprendre toutes les nuances de son personnage. Dans celui du pataud tourmenté Simon, Vincent Macaigne, est lui aussi exceptionnel. Les voir jouer ensemble avec une telle fluidité est un régal.
- Et puis enfin il y a les musiques qui accompagnent les atmosphères du film, entrent en résonance avec lui: Ravi Shankar, Gainsbourg (La Javanaise) et…le Divin Mozart.
Quelques réserves
Aucune. A condition qu’on accepte ce qui donne au film sa singularité : le bavardage incessant des deux personnages principaux.
Encore un mot...
Un homme marié et une mère célibataire qui deviennent amants en se promettant qu’ils ne tomberont jamais dans le sentiment amoureux…C’est un versant du couple encore inexploré par lui qu’ausculte Emmanuel Mouret dans son nouveau film. Et il le fait avec son élégance, son désenchantement, son ironie et sa tendresse habituels. Lors de sa présentation à Cannes, Chronique d’une liaison passagère avait été accueilli par une longue ovation. Ce qui peut laisser présager d’une belle carrière en salle pour cette comédie romantique raffinée et intense.
Une phrase
« Le mot « liaison » est un mot qui me plait beaucoup. Les Liaisons dangereuses ou Liaison secrète étant de si beaux titres, j’aimais l’idée d’y adjoindre la notion d’éphémère, quand bien même une liaison est passagère par définition, afin que le titre suggère d’emblée l’enjeu dramatique du film »( Emmanuel Mouret, réalisateur).
L'auteur
Depuis son premier long-métrage en 2000, Laissons Lucie faire, un divertissement romanesque aussi drôle que léger, le réalisateur Emmanuel Mouret — né le 30 juin 1970 à Marseille d’un père marchand d’art— ne cesse d’explorer les chemins du marivaudage. De Un baiser, s’il vous plaît ! (2007) à ce Chronique d’une liaison passagère qui sort mercredi sur les écrans, en passant par Un Baiser s’il vous plaît ( 2007), L’Art d’Aimer (2011), Mademoiselle de Joncquières (2018) et Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, dont la carrière avait été brisée en 2020 par la fermeture des salles de cinéma, tous ses films traitent des jeux de l’amour et du hasard, mettant en scène des chassés-croisés amoureux, parfois tendres, mais le plus souvent délicieusement cruels. S’il s’agissait aujourd’hui d’élire un roi de la comédie romantique, ce serait sans conteste Emmanuel Mouret, qui partage avec Woody Allen le plaisir de se réserver souvent un rôle à l’écran.
Et aussi
- CANAILLES de CHRISTOPHE OFFENSTEIN - Avec FRANÇOIS CLUZET, JOSÉ GARCIA, DORIA TILLIER…
En cette période de rentrée, vous cherchez un film plein de surprises et de « punchlines », un film gentiment immoral qui vous fasse rire délicieusement, en vous offrant, en prime ce cadeau de vous faire découvrir un nouveau tandem de cinéma, composé de deux de nos stars françaises préférées ? Alors ce Canailles, adapté d’un livre du romancier américain Ian Levison, est pour vous. Son pitch? Après un casse qui a mal tourné, Antoine, blessé à la jambe (François Cluzet) débarque chez Elias (José Garcia) et lui demande, presque sans sommations, de le planquer. Rien ne destine le braqueur, à la fois bobo et anarchiste, à croiser la route d’Elias, un prof d’Histoire intello et maniaque, plutôt pépère et sans histoires. On s’attend à ce que rien n’aille entre ces deux-là, mais contre toute attente, ils vont faire la paire. Jusqu’à ce que Lucie, une enquêtrice un peu spéciale (Doria Tillier) déboule en voulant mettre son nez dans leurs affaires…Même si on est d’humeur morose, il est difficile d’échapper au charme et à l’énergie de cette comédie signée Christophe Offenstein, un des meilleurs directeurs photo français, qui réalise de temps à autre, notamment, en 2013 En solitaire (avec, déjà, François Cluzet) et en 2015, Comment c’est loin, avec Orelsan. Roboratif et désopilant.
Recommandation : 4 coeurs
- CITOYEN D’HONNEUR de MOHAMED HAMIDI- Avec KAD MERAD, FATSAH BOUYAHMED, ZINEDINE SOUALEM…
Prix Nobel de littérature, le romancier Samir Amin, fatigué, dépressif et surtout, en panne d’inspiration (Kad Merad), refuse toutes les offres d’interview ou de signature, jusqu’au jour où il reçoit un mot de son village natal, Sidi Mimoun, qui se propose de le nommer citoyen d’honneur. N’étant pas retourné en Algérie depuis 40 ans, Samir accepte, autant par curiosité que pour retrouver ses camarades d’école. Accueilli là-bas comme un roi par la population, bichonné comme un prince par un fervent admirateur employé de mairie de profession (Fatsah Bouyahmed), non seulement l’écrivain va aller de surprises en surprises, mais il va renouer avec ses racines et retrouver l’énergie de reprendre sa vie en main…
Après l’irrésistible La Vache (2016), Mohamed Hamidi ressurgit là où ne l’attendait pas : dans le remake d’un film argentin, mais qu’il a transposé en Algérie. Le résultat est formidable qui donne un film oscillant entre burlesque, tendresse, nostalgie, émotion, poésie et violence, pas forcément rentrée. Dans le rôle de l’écrivain nobélisé, Kad Merad, comme d’habitude, sensationnel de générosité et de justesse. Dans celui de son guide, l’impayable Fatsah Bouyahmed. La confrontation entre ces deux acteurs, qui se régalent visiblement à dire des dialogues écrits aux petits points, est d’autant plus passionnante que Mohamed Hamidi en profite pour évoquer la situation actuelle dans les campagnes algériennes en arrière-fond de son histoire. Réjouissant et instructif.
Recommandation: 4 coeurs
- COUP DE THÉÂTRE de TOM GEORGE- Avec SAM ROCKWELL, SAOIRSE RONAN, ADRIAN BRODY…
Dans les années 50, Leo Kopernik, un réalisateur hollywoodien particulièrement antipathique et arrogant (Adrian Brody), est retrouvé mort, assassiné sur la scène d’un théâtre du West End londonien. Comme par hasard (?), l’odieux personnage préparait pour la scène new-yorkaise l’adaptation de La Souricière, l’une des plus célèbres pièces policières d’Agatha Christie ! Qui va profiter du crime de cet homme exécrable ? Deux policiers sont chargés de l’enquête : l’inspecteur Stoppard, blasé, alcoolique et dépressif (Sam Rockwell) et sa trop jeune et trop zélée recrue, fan de cinéma qui plus est, l’agent Stalker (Saoirse Ronan). Leurs investigations vont les mener dans les coulisses à la fois glamour et sordides du théâtre. Chausse-trappes, fausses pistes, gaffes monumentales…rien ne va être épargné à ce tandem si désassorti qu’il déclenche les rires .
Pour son nouveau film, le réalisateur Tom George s’empare du genre whodunit (le polar à la Agatha Christie où il faut trouver le meurtrier). Pour ne pas rater son coup, il a mis beaucoup d’atouts dans sa manche : un scénario béton bourré de rebondissements, des dialogues aux petits oignons, comme cousus sur ses personnages, une photo soignée, un rythme impeccable et un casting cinq étoiles (Ah ! Sam Rockwell en flic revenu de tout ! Oh ! Saoirse Ronan en stagiaire aussi appliquée que bornée !). Le résultat est là : Coup de théâtre est un polar dont l’inventivité, la rigueur et le suspense ne sont pas sans rappeler ceux du sublime Limier de Mankiewicz ou ceux du plus récent A Couteaux tirés. Malin, amusant et « so, so british » .
Recommandation : 4 coeurs
- A PROPOS DE JOAN de LAURENT LARIVIÈRE- Avec ISABELLE HUPPERT, LARS EIDINGER, SWANN ARLAUD…
C’est l’histoire d’une femme, Joan, qui va revisiter sa vie à l’occasion de ses retrouvailles avec son amour de jeunesse. Une femme qui aura d’abord été une jeune fille follement amoureuse et délinquante légère, puis une mère aimante mais distraite, puis une éditrice reconnue. Arrivée à l’âge des souvenirs, qui s’accompagne souvent de celui des regrets, elle va revivre, nous faire revivre, les moments émotionnellement importants de sa vie, mais pas de manière chronologique. Elle aura 20 ans, puis 60, puis 30, puis de nouveau 60. A cause de ces allers-et-retours temporels, la relation des souvenirs vrais, et ceux dont on finit par comprendre que la narratrice les a inventés, le film, pourtant singulier dans sa construction qui relève de celle de la mosaïque, va perdre de sa tension et finir par lasser. Au bout de ce « conte » bâti sur une vie, reste Isabelle Huppert, actrice une et multiple, intemporelle sous ses métamorphoses.
Dommage. On aurait attendu mieux, plus simple, plus rythmé et plus émouvant du cinéaste découvert en 2015 à Cannes avec Je suis un soldat, un film, fort celui-là.
Recommandation : 3 coeurs
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