Chez nous
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Thème
À Hénart, petite ville - fictive - du Nord, tout le monde connaît Pauline Duhez (Émilie Dequenne), une infirmière qui sillonne tous les jours les rues de la cité. Normal qu’à l’occasion des élections municipales, le docteur Berthier (André Dussollier), ancien député européen et notable bien connu, lui propose de venir sur la liste d’Agnès Dorgelle (Catherine Jacob), chef du Rassemblement National Populaire. Le plan de Berthier est le suivant : Pauline sera numéro deux derrière la blonde parisienne Dorgelle et elle fera le boulot pour celle qui doit privilégier son engagement national.
Au début, Pauline est sur un petit nuage, cela la change de son travail auprès des malades, même si elle l’aime bien. Mais très vite la machine se grippe quand elle apprend que Berthier masque un passé douteux d’activiste d’extrême-droite. Cette gêne est accentuée par le nouveau compagnon de Pauline, Stanko (Guillaume Gouix), un ami d’enfance, qui a fait partie autrefois des nervis au service de Berthier. Cela aussi, Pauline aurait préféré ne pas le savoir.
Donc, ce qui ne devait être qu’une formalité, une marche facile vers la victoire, s’annonce plus compliqué. Les cadavres sortent des placards et Agnès Dorgelle, qui veut faire oublier les déclarations tonitruantes de son père sur les juifs, les arabes et les « apatrides », a bien du mal à gommer le passé sulfureux de ses principaux collaborateurs. Mais elle y arrivera.
Points forts
La réussite de « Chez nous » tient à la ligne du réalisateur : il suggère sans démontrer, il tente d’expliquer mais jamais n’affirme de manière péremptoire. Il filme les coulisses dans cette fiction, il donne une sorte de profondeur de champ à un mouvement au fond assez opaque. S’il prend parti, c’est pour la transparence.
La présence d’Émilie Dequenne est déterminante. Le spectateur s’attache à cette héroïne naïve et généreuse et, à la fin, flouée. Découverte par les frères Dardenne pour « Rosetta », elle a fait depuis 1999, un parcours sans faute auprès de réalisateurs aussi talentueux que Claude Berri, Philippe Lioret, André Téchiné, Eric Rochant, Albert Dupontel… Au passage, on rappellera que des journalistes présents au Festival de Cannes où « Rosetta » avait obtenu la palme d’or et Émilie le prix d’interprétation féminine avaient regretté que les Dardenne choisissent des « amateurs » dans leurs films. La suite prouve qu’ils ont plutôt du nez, les frères, et pas ces critiques professionnels…
Lucas Belvaux aime le Nord. « Cette campagne est belle, dit-il, belle à l’aube, quand elle est bleue, à midi quand elle est verte, belle encore le soir quand les villes l’illuminent ». Il ajoute qu’elle est triste quand les hommes la couvrent de zones commerciales. Et tout cela est dans son film avec les aubes et les crépuscules magiques mais aussi les échangeurs d’autoroutes sans âme, les rangées de maisons proprettes où l’on se sent en sécurité, « chez nous », mais aussi les barres d’HLM ouvertes aux quatre vents, chez eux… Un beau pays meurtri et en colère.
Quelques réserves
Je n'en vois pas.
Encore un mot...
Le scénario de « Chez nous » est le fruit d’un duo : le cinéaste et l’écrivain Jérôme Leroy, auteur d’un roman intitulé « Le Bloc », qui raconte l’histoire de l’extrême droite depuis les années 1950. « J’avais besoin de quelqu’un qui connaisse très bien le sujet. Intimement presque » dit Belvaux qui fait allusion au passé droitier de l’écrivain qui, de plus, vit dans le Nord. Car rien n’est inventé dans ce film de fiction sinon les personnages, et encore… De plus les auteurs ont plongé dans internet pour documenter leur récit avec tout ce qui concerne l’extrême droite, ses composantes, la nébuleuse qu’on appelle « la fachosphère ».
Une phrase
- « Qu’est-ce que vous me faites dire ! ». André Dussollier à Lucas Belvaux.
- « “Chez nous” est un film engagé. Il n’est pas militant pour autant, il n’expose pas vraiment de thèse. J’ai essayé de décrire une situation ». Lucas Belvaux
- « Ce film s’adresse d’abord à ceux qui un jour, demain peut-être, seraient tentés de répondre au chant de ces sirènes. Je ne sais pas si c’est utile. Je suis sûr que ça vaut la peine d’essayer ». L. B.
L'auteur
Né à Namur en 1961, venu à Paris en 1979 pour être comédien, Lucas Belvaux a tourné dans une trentaine de films, d’Yves Boisset à Régis Wargnier, en passant par Olivier Assayas, Claude Chabrol, Joseph Losey, avant de prendre à son tour la caméra pour une poignée de films marquants. Citons « 38 témoins », sur l’histoire vraie d’un viol suivi d’un meurtre; « Rapt » inspiré de l’enlèvement du baron Empain; et surtout une extraordinaire trilogie, « Un couple épatant », « Cavale », « Après la vie », qui se déroule à Grenoble avec les mêmes personnages, prix Louis-Delluc en 2003. Récemment, il racontait, dans « Pas son genre », l’émouvant itinéraire d’une jeune coiffeuse d’Arras rencontrant un énarque parisien, choc des cultures, avec une Émilie Dequenne bouleversante. Ce qui nous conduit à « Chez nous », avec la même comédienne dans ce nouveau film tourné dans le Nord, région aimée du cinéaste, qui lui rappelle sa Belgique natale.
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