Borg/Mc Enroe
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Thème
5 juillet 1980. Sur le gazon de Wimbledon, les deux meilleurs joueurs de tennis du monde, le suédois Björn Borg (Sverrir Gudnason) et l’américain John McEnroe (Shia LeBeouf) s’apprêtent à s’affronter en finale. Les aficionados retiennent leur souffle. Qui, de ces deux là, va l’emporter? Le champion du monde de 24 ans, tenant du titre, connu pour son jeu métronomique et son sang-froid à toute épreuve? Ou son challenger de trois ans son cadet, réputé pour son aplomb, ses colères homériques et ses reprises à la volée? Retransmis par les télévisions du monde entier, le face à face entre les deux joueurs va durer quatre heures et cinq sets époustouflants, à couper la respiration et à user les nerfs, ceux des protagonistes et aussi ceux des spectateurs…
Spectaculaire, inoubliable, sans aucun équivalent dans le suspens qu’il provoqua, ce match là, près de quarante ans après son avènement, aurait suffi à justifier un film. Mais Janus Metz Pedersen le reconstitue pour aller plus loin : dévoiler le portrait psychologique de ses deux protagonistes.
Points forts
- Sur un événement dont on connaît pourtant l’issue, Janus Metz Pedersen parvient à faire un film haletant de bout en bout. Il faut dire que questions scénario, filmage et montage, ce jeune réalisateur venu du documentaire, n’a visiblement déjà plus de compte à rendre à personne. Son film dure à peine une heure cinquante, mais il donne au spectateur l’impression de ne pas perdre une miette des 240 minutes que dura ce match d’anthologie. Rien ne manque de ses grands moments. En plus, malgré la vitesse et l’intensité de leurs échanges, on parvient à voir ce qui différencie les deux joueurs (leur style de jeu et leurs réactions face aux points perdus ou gagnés) et ce qui les lie (leur détermination et leur souffrance intérieure).
- Le scénario est hors pair, qui par moments quitte le gazon du court, pour aller plonger, entre deux coups de raquettes, dans le passé des joueurs. Grâce à ces flash-backs, on découvre, par exemple, comment l’un, petit garçon super émotif, apprit à rester de marbre, même sous les mauvais coups du sort; et on comprend pourquoi l’autre, avec son tempérament de feu et son besoin viscéral de gagner, n’eut jamais besoin d’un entraineur. Ces retours sur des épisodes (vrais) de leur enfance et de leur adolescence permettent petit à petit de lever le mystère sur la personnalité des deux champions. Et ne serait-ce qu’à ce titre, ils sont passionnants.
- Evidemment ce Bjorg/McEnroe n’aurait jamais pu se monter sans des acteurs capables d’entrer dans la peau de ses deux protagonistes.
C’est le suédois Sverrir Gudnason qui interprète Borg, et l’acteur américain Shia LaBeouf qui est McEnroe. Pour être au plus près du style de leur champion respectif, non seulement les deux comédiens ont visionné leurs matches pendant des centaines d’heures, mais, discipline de fer, entraînement intensif, et régime spécial, ils ont vécu comme des sportifs de haut niveau pendant huit mois.
Après s’être préparés chacun séparément, ils se sont rejoints pour les répétitions. Un travail d’orfèvre, pour être, au moment du tournage, dans une forme olympique, prêts à rejouer les points, pile dans les bons endroits, dans le bon timing, et avec les gestes exacts du match original. Le résultat est bluffant.
- Janus Metz Pedersen n’a pas oublié non plus de nous faire pénétrer dans les coulisses de ce match auquel était venu assister la crème du tennis international, dont Vitas Gérulaitis et Jimmy Connors.
Quelques réserves
Un point faible ? Dans ce duel au sommet, je n'en ai pas vu. Ni dans sa réalisation, ni dans son interprétation. Peut-être, les fans de McEnroe pourront-ils reprocher à Janus Metz Pedersen d’avoir accordé un peu plus d’« avantages » à Borg en ce qui concerne les flash-backs?
Encore un mot...
1-Le premier, sur ce Borg/McEnroe:
Parce qu’il a, de bout en bout, l’intensité d’un thriller, que sa direction d’acteurs est superbe (Shia Labeouf, meilleur que jamais), qu’il ressuscite, avec brio et fidélité scrupuleuse, une des plus belles pages sportives de tous les temps, parce qu’aussi, sa réalisation est inventive, ce Borg/McEnroe mérite tous les éloges.
Qu’on soit fan de tennis ou qu’on s’en contrefiche, il sera difficile d’échapper à la fascination fiévreuse qu’il suscite. Raging Bull, Le Stratège, Eddie The Eagle, Invictus, et aujourd’hui, Borg/McEnroe… Décidément, le sport n’en finit pas d’inspirer un cinéma de haut niveau.
2-Le deuxième mot, sur Jalouse, le nouvel opus de David et Stéphane Foenkinos.
Six ans après La Délicatesse qui racontait une histoire d’amour inattendue entre une femme (Audrey Tautou) et un homme (François Damiens), les deux frères dressent ici le portrait d’une professeure de lettres, qui à l’aube de la cinquantaine, va, du jour au lendemain, passer du statut de mère attentionnée à celui de jalouse maladive, de tout et de tout le monde, et même de sa fille, dont le bonheur va la faire enrager.
Chic ! A la fois drôle, grinçante et mordante, cette comédie dramatique, dont les dialogues ont été écrits au cordeau, est formidablement bien portée par Karine Viard, une comédienne qu’on aime pour sa justesse, son humanité, sa féminité et son second degré.
RECOMMANDATION : EXCELLENT
3- Le troisième et dernier mot, sur Tout nous sépare de Thierry Klifa.
Pour son quatrième film, l’ancien journaliste de Studio Magazine nous fait la surprise de changer de genre. Il nous entraîne ici dans un thriller à cent à l’heure construit sur des oppositions : mère/fille ; riche/pauvre ; compassion/dureté ; vérité/mensonge ; courage/veulerie ; etc.. Bâti sur une fiction, mais ancré dans la réalité du monde des dealers, ce thriller a pour têtes d’affiche, la comédienne fétiche du réalisateur, Catherine Deneuve, la belle et troublante Diane Kruger et le rappeur Nekfeu, qui fait ici (très bien) ses premiers pas devant la caméra.
RECOMMANDATION : BON.
L'auteur
Jusqu’en 2010, sauf au Danemark où ses deux premiers longs métrages, Love on Delivery et Ticket to Paradise (sur les mariages arrangés entre Danois et jeunes femmes thaïlandaises) avaient fait sensation, le nom de Janus Metz Pedersen n’avait pas franchi les frontières du pays où il était né trente-quatre années plus tôt. C’est en effet cette année là, au festival de Cannes, que Janus Metz Pedersen acquiert sa notoriété internationale : son film Armadillo remporte à l’unanimité le Grand Prix de la Semaine de la Critique. Il faut dire que ce documentaire qui raconte le quotidien de jeunes soldats danois en Afghanistan et dénonce le cynisme des militaires de métier a laissé la Croisette en état de choc, et pour cause : c’est l’un des films de guerre les plus puissants qu’on ait jamais vus. Pendant les cinq années qui vont suivre l’obtention de sa récompense cannoise, le cinéaste va pourtant délaisser le long métrage, au profit de films publicitaires, de clips musicaux et de séries pour la télévision. En 2015, la réalisation de l’épisode 203 de la série HBO True Detective lui vaut d’être de nouveau acclamé par la critique et le public. Est-ce ce succès qui le ramène au film de cinéma ? En tous cas, à peine deux ans après, le réalisateur sort ce Borg/McEnroe.
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