Blanche comme neige
Fantaisie, sensualité, humour noir, Anne Fontaine a réussi son adaptation de "Blanche Neige" pour adultes. Mais il y a surtout Lou de Laâge...
Infos & réservation
Thème
Jeune femme d’une grande beauté, Claire (Lou De Laâge) suscite la jalousie de sa richissime belle mère, Maud (Isabelle Huppert), qui va aller jusqu’à préméditer son meurtre.
Un jour, Claire s’enfuit à travers bois et champs. Elle tombe sur un homme énigmatique qui la recueille dans sa maison. L’atmosphère est un peu mystérieuse, mais Claire décide d’y rester. Petit à petit, la jeune fille, qui paraît « blanche comme neige », va faire tomber sous son charme un, puis deux, puis trois, jusqu’sept hommes du village avoisinant. C’est le début de son émancipation charnelle et sentimentale.
Une jeune femme enjouée, entourée de sept personnages masculins, cela vous rappelle quelque chose ? Blanche-Neige ? Forcément, ce film en est une version pour adultes !
Points forts
-Transposer un conte pour enfants en une histoire pour grandes personnes… L’idée était audacieuse ! Ils s’y sont mis à deux pour la réaliser, Anne Fontaine et Pascal Bonitzer. Sous leur imagination et leurs plumes malicieuses, la Blanche-neige de Grimm s’est muée en une jeune femme délicieusement sexy et sensuelle, et les 7 nains, en des hommes dotés d’envies de séduction et de désirs.
-Transformer n’a pas été trahir. La Claire du film a gardé de Blanche-neige la pureté, l’innocence et la bienveillance. Les sept hommes, eux, ont conservé certaines caractéristiques des sept nains du conte. En libraire exalté et savant, Benoit Poelwoorde fait penser à Prof; en violoncelliste hypocondriaque , Vincent Macaigne évoque Grincheux; en tombeur invétéré, Jonathan Cohen a tout de Joyeux etc…
-On s’amuse beaucoup dans ce film. Sans jamais quitter vraiment l’univers du conte, il flirte avec la comédie sociale et s’aventure aussi (pas mal) du côté de chez Hitchcock. Ces embardées en font une œuvre pleine de fantaisie et de légèreté, teintée par moments d’humour noir. On est bien loin de l’univers asexué et candide de la version d’animation Walt Disney (1937).
-Visuellement, c’est très réussi. Les cadres sont parfaits, les pommes sont rouges vif, la forêt vert profond…. Le chef opérateur Yves Angelo a une fois de plus fait des merveilles.
-La distribution est épatante. Lou de Laâge rayonne dans le rôle de Claire, Isabelle Huppert envoûte dans son rôle de méchante belle-mère. Quant aux sept acteurs des sept nains, ils sont tous réjouissants.
Quelques réserves
-On regrette que ce film ait un peu de mal à démarrer.
-On regrette aussi le trop grand nombre de tentatives de meurtre de Maud vis à vis de sa belle-fille, qui semble n’avoir d’autre justification que celle de « gonfler » le rôle d’Isabelle Huppert, excellente au demeurant.
Encore un mot...
Décidément, une fois encore, on retrouve Anne Fontaine là où on ne l’attendait pas. Après nous avoir emmenés, avec Les Innocentes, dans l’enfer vécu par des religieuses polonaises violées pendant la Seconde guerre mondiale, puis, avec Marvin ou la belle éducation, entrainés dans l’enfance si difficile de l’écrivain Edouard Louis en adaptant son livre autobiographique Pour en finir avec Eddy Bellegueule, la cinéaste nous propose aujourd’hui une relecture voluptueuse et fantasque de Blanche-Neige, le conte des Frères Grimm.
On regarde son film avec gourmandise, car il est aussi fruité qu’érotique et sensuel. Il est aussi, formellement, très beau, et joliment « ensoleillé » par la jeune Lou de Laâge, belle et pure comme l’eau vive.
Un regret toutefois: sa trop grande sagesse. Anne Fontaine aurait pu pousser un plus loin le curseur en ce qui concerne l’érotisme.
Une phrase
«En écrivant ce personnage de Claire, j’ai beaucoup pensé à une femme que j’ai connue, une pianiste de haut niveau, qui a perdu quelqu’un lors d’un accident et a dû renoncer à sa carrière. Je l’ai vue se propulser dans une nouvelle vie, renaitre, recommencer. Pour Claire, c’est la même chose : c’est comme un re-début de vie, un nouvel acte de naissance avec une liberté inédite. Elle a devant elle une page blanche à écrire » ( Anne Fontaine réalisatrice-scénariste).
L'auteur
Née à Luxembourg en 1959, Anne Fontaine est l’une des réalisatrices françaises les plus inclassables, qui aime surgir là où on ne l’attend pas. Dès ses débuts dans la vie professionnelle, la cinéaste qu’elle est devenue a aimé surprendre (se surprendre ? ).Toujours est-il qu’après avoir suivi une formation de danseuse, elle a débuté sa vie professionnelle comme actrice, notamment dans des comédies dont P.R.OF.S, dans le rôle de la compagne de Patrick Bruel.
L’année suivante, elle plaque le grand écran, et se lance dans la mise en scène de théâtre. C’est Voyage au bout de la nuit d’après le roman de Céline qu’elle a adapté avec Fabrice Lucchini.
En 1991, elle revient au ciné, mais cette fois-ci en tant que réalisatrice. Son premier long métrage s’intitule Les Histoires d’amour finissent mal…en général. Son second film sera un moyen métrage intitulé Augustin. Elle y met en scène son frère cadet Jean-Chrétien Sibertin-Blanc , qu’elle retrouvera, en 1999, pour Augustin, roi du kung–fu, après avoir tourné en 1997 Nettoyage à sec avec Miou-Miou et Charles Berling et qui l’impose comme une réalisatrice à suivre.
Délaissant sa carrière d’actrice, elle n’arrêtera plus de tourner. En 2001, elle sort Comment j’ai tué mon père, avec Michel Bouquet et Natacha Régnier ; en 2003, Nathalie, un drame avec Fanny Ardant et Emmanuelle Béart ; en 2006, Entre ses mains, un thriller romantique avec Isabelle Carré et Benoit Poelwoorde, en contre-emploi dans un rôle dramatique. Suivront, Nouvelle Chance, La Fille de Monaco, Coco avant Chanel, Mon pire cauchemar, Perfect Mothers, Gemma Bovary, les Innocentes, puis en 2017, Marvin ou la Belle Education.
En ce printemps 2019, avec Blanche comme neige, qu’elle a co-écrit avec Pascal Bonitzer, la cinéaste choisit de détourner un conte. Dans sa distribution, Lou de Laâge, Isabelle Huppert, Benoit Poelwoorde, Charles Berling… des comédiens qu’elle a choisis parmi ses familiers.
Et aussi
-« Alex, le destin d’un roi »- de Joe Cornish- Avec Louis Ashbourne Serkis, Tom Taylor, Rebecca Ferguson…
Ecolier londonien de douze ans, Alex trouve par hasard une mystérieuse épée dans les ruines d’un immeuble désaffecté. Le jeune garçon ne sait pas que cette épée n’est autre que la légendaire Excalibur qui a appartenu au Roi Arthur de Bretagne. Cette découverte va changer sa vie et faire de lui un héros : malgré lui et bien qu’il ne paraisse pas physiquement taillé pour ça, il va devoir arrêter la diabolique Morgane venue du Moyen Âge pour détruire le monde. Pour l’aider dans sa mission, Alex va être aidé par Merlin l’Enchanteur et aussi une équipe de chevaliers composée parmi les plus vaillants de ses camarades de classe…
Inspirée de l’un des mythes les plus célèbres de tous les temps, voici une ode au courage et à la beauté de l’innocence qui s’adresse aux enfants et adolescents. Mêlant avec un brio spectaculaire monde moderne et magie ancestrale, elle est due à un cinéaste qui ne se moque pas de son public et qui a réalisé ce film avec autant de sérieux que d’intelligence et de savoir faire. Ce cinéaste n’est pas n’importe qui, puisqu’il s’agit de Joe Cornish, le co-scénariste du Tintin de Spielberg et le réalisateur de la comédie de science-fiction, Attack the Block. Alex, le destin d’un Roi, ce sont des rires, des frissons, du suspense, de l’action, des émotions, et du dépaysement garantis.
Recommandation : bon
-« Ray&Liz » de Richard Billingham- Avec Ella Smith, Justin Salinger, Joshua Millard-Llyod…
Dans les années 90, le photographe britannique Richard Billingham s’était rendu célèbre en exposant une série de photos représentant son père, alcoolique, et sa mère, tatouée, colossale, indifférente, et, avant tout, amatrice acharnée de puzzle. Peu flatteurs pour eux, ces clichés exhalaient leur misère, financière, sociale et affective…
Vingt-deux ans plus tard, Richard Billingham a troqué son appareil photo pour une caméra, mais, pour raconter ce que fut son enfance, entre ces deux géniteurs là. Autant dire que son film, qui relèverait du documentaire s’il n’était interprété par des acteurs ( tous formidables dans le plomb de leurs sentiments et la glue de leur quotidien), n’est évidemment pas une comédie. Ce n’est pas non plus une satire, c’est juste une chronique sociale qui dit le glauque - même pas le désespoir- qui peut s’installer dans des familles en déshérence. Dans sa laideur, ce long métrage est magnifique, car Richard Billingham est un grand photographe qui a le sens du cadre et de la lumière. Vue sous son regard, l’Angleterre de Madame Thatcher ne fut pas jolie jolie. Poignant, et édifiant.
Recommandation : excellent (dans son genre)
-« Le Vent de la liberté »- de Michael Bully Herbig- Avec Friedrich Mücke, Karoline Schuch, Alicia von Rittberg…
Il s’agit d’une histoire vraie. A la fin des années 70, deux familles d’Allemagne de l’Est qui rêvent de passer à l’Ouest, décident de construire une montgolfière qui leur ferait franchir le rideau de fer. Après avoir construit cette dernière dans le plus grand secret, et avoir étudié les vents, ces deux familles de deux enfants chacune mettent leur projet à exécution. Le 16 septembre 1979, elles décollent en pleine nuit d’une clairière dans le Sud de la R.D.A. Vingt-huit minutes plus tard et dix-huit kilomètres plus loin, elles atterrissent en R.F.A., près de la ville bavaroise de Naila… Dès le lendemain, les médias allemands relatent « l’évasion la plus spectaculaire de l’Allemagne de l’Est ».
En 1982, Disney réalisa de cet exploit sans précédent une adaptation cinématographique qui s’intitulera « La Nuit de l’Evasion ».
Trente cinq ans après, le cinéaste allemand Michael Bully Herbig ( Qui peut sauver le Far West ?, 12 millions d’entrées) en offre un remake. Mais il en élargit le propos en proposant un portrait de l’Allemagne de l’Est dans ces années où la Stasi tenait le pays sous sa poigne de fer. Cela donne à son film des allures de thriller historique et le propulse en tête des meilleurs films de ce printemps.
Recommandation : excellent
Ajouter un commentaire