BABYLON
Infos & réservation
Thème
Ça commence par une scène comme on en a rarement osé au cinéma. Celle d’une fête pharaonique, orgiaque et dantesque, offerte au tout Hollywood par un de ses magnats, dans le salon gigantesque de sa villa. Grâce à un long travelling d’une habileté diabolique, on y voit, pendant 20 minutes, des gens désinhibés qui boivent, copulent, dansent, sniffent, se dévêtissent, s’esclaffent, pleurent, s’engueulent ou s’écroulent, au rythme frénétique d’une géniale musique jazzy. Dehors, un jeune et séduisant factotum s’acharne à essayer de faire entrer dans cet indescriptible barnum un… éléphant, qui va bientôt déféquer sur les invités… Bienvenue dans la cité des Anges au temps des années 20, quand le cinéma était encore muet, que tous les excès étaient permis (sinon encouragés), et où les carrières se faisaient et se défaisaient en un rien de temps !
En un peu plus de 3 heures tragi-comiques d’une virtuosité folle, une dizaine d’années vont défiler, de la grandeur à la décadence du monde du 7ème art, articulées essentiellement autour de trois personnages, un acteur star bientôt déchu (Brad Pitt), une comédienne débutante prête à tout pour y arriver, et qui y arrivera (Margot Robbie) et un jeune immigré mexicain qui rêve de devenir producteur de films et qui y parviendra aussi (Diego Calva).
Points forts
- Babylon est un film qui dure peut-être plus de 3 heures, mais c’est un film qui a mis …quinze ans à se faire. C’est en 2008, après plusieurs lectures de Hollywood Babylone, un recueil d’histoires scandaleuses sur les coulisses du Hollywood des années 20 que Damien Chazelle a commencé à y penser, bien avant qu’il ne réalise Whiplash et La la Land. Pendant plusieurs années, il va donc emmagasiner des tonnes d’informations sur la transition du muet au parlant et comprendre que cette transition a causé des dégâts inimaginables, notamment humains. Au fil de sa documentation, il finit par réaliser que l’ Hollywood de ces années folles, loin d’être une industrie solide, n’était alors qu’une sorte de barnum aussi trivial que mirobolant, bâti sur des sables mouvants. Il décide de faire un film, qui sera le contre-pied ou l’envers d’un film qu’il adore Chantons sous la pluie.
- Pour écrire le scénario, le cinéaste américano-français épluche la biographie des célébrités de l’époque. Ses personnages seront tous inspirés de personnes ayant existé. L’actrice jouée dans le film par Margot Robbie sera un mélange de Clara Bow et de Joan Crawford; le jeune immigré mexicain interprété par Diego Calva, un mix de Dudley Murphy et Ramon Novarro. Quant à la star bientôt déchue endossée par Brad Pitt, elle sera inspirée de Clark Gable, John Gilbert, et de Douglas Fairbanks.
- Au début, aucun studio ne veut assumer la production de ce film dont Damien Chazelle sait d’ores et déjà qu’il sera long, épique et scandaleux. Paramount finira par le suivre. Sans conditions.
- Le budget se montera finalement à 80 millions de dollars. Brad Pitt et Margot Robbie donnent leur accord. Tobey Maguire et quelques autres interprètes fameux aussi.
- Le film peut se tourner. Il le sera, au millimètre près, mais dans une liberté d’expression absolue, aux rythmes dingues des musiques du génial Justin Hurwitz ( Golden Globe cette année de la meilleure musique).
Quelques réserves
Hyperbolique? Bordélique? Frénétique ? Hystérique ? Emphatique ? Anarchique ? Oui, Babylon est tout cela, et même plus. Alors, forcément, certains pourront en avoir le tournis ou même être « choqués ». Les autres (dont nous faisons partie) n’y verront qu’une des plus belles et des plus impressionnantes déclarations d’amour qu’on ait jamais rendues au Septième Art.
Encore un mot...
Sur la période de transition si agitée du cinéma muet au parlant, il y avait eu, en 1952, Chantons sous la pluie de Stanley Donen, une merveille de comédie musicale, filmée au cordeau avec une époustouflante élégance, aussi bien dans l’interprétation que dans la mise en scène. Et voilà que sur les écrans déboule une autre version de cette époque, pantagruélique, celle-là, trash, flamboyante, effrayante même, à l’image des ces années folles où rien, et surtout pas la morale, n’arrêtait personne. Son réalisateur, Damien Chazelle n’a eu la frousse de rien et surtout pas de montrer les outrances et des débordements d’une époque qui sut, en un rien de temps, bâtir le bonheur de certains et détruire celui d’autres. Démesuré, baroque, « too much », par moments vulgaire, ce Babylon? Sans doute. Mais c’est du cinéma. Du grand cinéma, avec des scènes d’une virtuosité époustouflante, des décors à tomber, des dialogues d’une efficacité redoutable et surtout des acteurs, de grands acteurs, au summum de leur art, sans doute portés par l’ambition d'une telle fresque. On en sort de la salle à la fois sonné et époustouflé.
Une phrase
« Mon film est une lettre d’amour au cinéma..J’ai toujours été fasciné par la façon dont le cinéma renaît constamment de ses cendres. Il y a là-dedans une vitalité incroyable et une force de création qui me font vibrer… mais il faut rester clairvoyant. Le cinéma a été et est une industrie qui détruit, qui avale et qui broie. C’est sans pitié…Je voulais explorer cette part brutale. Après le rêve, le cauchemar » ( le réalisateur Damien Chazelle à Paris-Match).
L'auteur
Né le 19 janvier 1985 à Providence (Rhode Island, Etats-Unis) d’un père et d’une mère franco-américains, Damien Chazelle est le nouvel enfant prodige du cinéma. A la fois réalisateur, scénariste et producteur, il a été en 2017, à trente-deux ans, le plus jeune lauréat de l’Oscar du meilleur réalisateur pour La la Land.
C’est à Harvard que ce « petit génie » a fait ses études de cinéma . Et c’est là qu’il a rencontré Justin Hurwitz, qui, depuis, a composé toutes les musiques de ses films, un fan, comme lui, du jazz et des comédies musicales, notamment des françaises comme Les Parapluies de Cherbourg. C’est d’ailleurs ensemble que les deux amis ont fait leurs débuts, en 2009, dans Guy and Madeline on a Park Bench, l’un aux manettes du scénario et de la réalisation, l’autre à la musique. Le film sortit dans un nombre limité de salles, mais il attira la curiosité du public et de la presse.
En 2014, le cinéaste décide de transformer un court-métrage qu’il a écrit et réalisé, en long. C’est Whiplash, qui récoltera plusieurs distinctions, notamment le Grand Prix du Jury et le Prix du Public au Festival du film américain de Deauville. Suivront, en 2018, le multi-récompensé La la Land avec Emma Stone et Ryan Gosling ( entre autres, six Oscars, dont celui de la meilleure musique pour Justin Hurwitz), et en 2018 First Man : le premier homme sur la lune, encore une fois avec Ryan Gosling qui fera l’ouverture de la Mostra de Venise.
Le Babylon de ce cinéaste, marié à la comédienne Olivia Hamilton depuis 2018, est le film le plus attendu de ce mois de janvier. A raison.
Commentaires
Pas d'accord du tout : un film tonitruant même réalise avec une habileté époustanflante dans ses mouvements de caméras
reste tonitruant, excessif dans sa longueur. Chazelle ne semble pas avoir le sens de l'ellipse : bref une demi-heure trop long.
L'ellipse fait appel à notre imaginaire et nous en suggère plus que ce flot d'images !
Ajouter un commentaire