Anna
Il a du panache, Luc Besson, à continuer à ne faire que ce qu'il aime, même dans une passe difficile. Résultat: ce n'est pas son meilleur film, mais il est quand même prenant et distrayant.
Infos & réservation
Thème
Combien de femmes peuvent-elles se cacher à l'intérieur d'une seule et même personne? C'est en pensant aux Matriochka, ces poupées russes qui s'emboîtent les unes dans les autres, que Luc Besson a écrit son scénario...
Dans les années 80 à Moscou, Anna, une jeune russe de 24 ans, vend des poupées sur un marché. Mais ça ne va pas durer. Par les hasards d'un scénario à rebondissements, on va la retrouver top model défilant à Paris, agent russe, tueuse sanglante, flic corrompu, espionne à la C.I.A., etc.... Dans chacun de ces rôles, d'ailleurs pas si différents, l'énigmatique Anna, fera tourner la tête de tous ceux (hommes et femmes), qu'elle croisera... Qui est vraiment Anna ? Va-t-elle se laisser « cerner » ?
Points forts
- Chic ! Avec Anna, Luc Besson renoue avec un style qui a fait son succès : une histoire à suspense échafaudée autour d'une actrice à la beauté et au charisme irréfutables.
- Futé, il a planté son scénario dans les années 80 : ces années, qui étaient encore celles de la guerre froide entre le bloc de l'ouest et le bloc de l'est, lui ont laissé tout loisir pour inventer les pires coups fourrés entre les deux « ennemis ». Autre avantage : ces années furent les dernières où, malgré la sortie de gadgets futuristes, la seule façon de résoudre les problèmes était encore « humaine ». A l'époque, pour assassiner son ennemi, on n'envoyait pas de drone, on y allait soi même, en prenant tous les risques. Pour faire monter l'adrénaline des spectateurs, quoi de mieux, qu'une belle vraie bagarre à coups de poings, de pieds, de couteaux ou de pistolets équipés de « silencieux » ?
- Pour qu'Anna rivalise avec les blockbusters américains, son réalisateur n'a lésiné sur rien, ni sur les décors et les costumes (somptueux), ni sur le nombre de plans. Résultat : visuellement, son film est beau, luxueux, irréprochable.
- La distribution, aussi, est impeccable. Elle hisse au sommet un ravissant mannequin russe, Sasha Luss, qui pour son premier « premier rôle » fait preuve d'une belle présence. Elle nous fait la surprise d'une Helen Mirren, comme d'habitude parfaite dans un rôle secondaire, mais clé, de patronne du Renseignement soviétique. Elle nous régale de la présence de deux des acteurs les plus sexy du moment, le gallois Luke Evans et l'irlandais Cillian Murphy.
Quelques réserves
- La forme « puzzle » du film peut énerver, ses anachronismes, déconcerter, son manque de profondeur, irriter, son côté « binaire », agacer.
Encore un mot...
Incorrigible Besson ! La critique a beau étriller son style (images chocs, action à tout va, scénars bâtis autour d'héroïnes à tomber, etc....), il n'en change pas et continue imperturbablement à faire le cinéma qu'il aime et qui l'amuse. Il a soixante ans, mais quand il est aux manettes d'un film, il semble n'en avoir encore que quinze, tant on sent qu'il s'amuse à concocter et à mettre en images (très bien) des histoires un peu manichéennes, avec des bons qui s'opposent à des méchants, en mélangeant parfois les deux pour qu'on s'y perde un peu. Dans Anna, les américains et les soviétiques seraient un peu comme des cowboys et des indiens qui se disputeraient la même femme, laquelle, ensorcelante diablesse, jouerait sur tous les tableaux, en évitant les balles d'un côté, et les flèches de l'autre, avec une maestria assez époustouflante.
Le scénario comporte trop de flashbacks ? Evoque-t-il (un peu trop) Nikita ? Oui, et alors ? Faut-il pour autant bouder son plaisir ? Avec ce thriller spectaculaire et rythmé, le créateur de Lucy fait ce qu'il sait faire de mieux, ce pourquoi le public l'a d'ailleurs longtemps porté aux nues : un cinéma d'action et de divertissement , avec beaux mecs et filles girondes.
Evidemment si on aime les films intellos, psychologiques ou bourrés de références et d'arrières plans, mieux vaut passer son chemin. Mais si on est amateur de cinéma pour rire et se distraire, alors, un stop à cet Anna s'impose. D'autant que sa photo est belle, son histoire, haletante, et sa distribution, épatante.
Une phrase
« Je ne voulais pas faire un film avec une chronologie normale. Je l'avais déjà fait avec Nikita et Léon, il y a trente ans. Ce qui m'intéressait, c'était de tenter autre chose. En tant que spectateur, je suis lassé de voir des films standardisés dont je devine la fin au bout de 5 minutes. En tant que réalisateur, je voulais prendre le contrepied, bousculer, montrer des choses nouvelles, déranger le spectateur, l'empêcher d'aller aux toilettes avant la fin du film.» (Luc Besson, réalisateur).
L'auteur
Les vocations naissent parfois à la suite d'accidents de vie. C'est le cas de Luc Besson. Né le 18 mars à Paris de parents instructeurs de plongée sous-marine, le jeune Luc passe son enfance au club Med entre la Grèce et la Yougoslavie. Sa voie paraît tracée, mais une blessure l'empêche de poursuivre la plongée à haut niveau. Il a dix-sept ans et se tourne vers le cinéma. En 1983, après avoir enchainé plusieurs films comme machiniste, puis comme assistant, il se lance dans sa première réalisation, avec Le Dernier combat, un film de science-fiction coécrit avec Pierre Jolivet. Distingué par le Festival d'Avoriaz, ce film lui vaut de signer un contrat avec la Gaumont. En 1985, il sort Subway avec Isabelle Adjani et Christophe Lambert, qui sera couronné par trois Césars.
Il enchainera avec Le Grand Bleu (1988), Nikita (1990) et Léon (1994).
Sa célébrité devient internationale. Il part s'installer à Los Angeles pour tourner le Cinquième élément, avec lequel il obtiendra en 1998 le César du meilleur réalisateur. En 1999, sa Jeanne d'Arc rassemblera 3 millions de spectateurs.
Depuis, il partage son temps entre ses activités de producteur (Les Films du Dauphin, Europacorp) et de réalisateur (Angel-A, Arthur et les Minimoys, Adèle Blanc-Sec, etc..).
Hyper actif, il créera aussi une maison d'édition, La Cité du cinéma (neuf plateaux de tournage) et L'Ecole de la Cité (formation en deux ans aux métiers de réalisateur et/ou de scénariste).
Avec Anna, le cinéaste poursuit un cycle, entamé en 2014 avec Lucy, sur les héroïnes d'action.
Et aussi
- « Vita & Virginia » de Chanya Button - Avec Gemma Aterton, Elisabeth Debicki, Isabella Rossellini...
Dans l'Angleterre plutôt puritaine de 1922, Vita Sackeville-West, romancière mondaine et bisexuelle assumée, rencontre la timide, fragile mais brillante écrivaine, Virginia Woolf. Faisant fi des conventions sociales, et bien que mariées l'une et l'autre, les deux jeunes femmes, vont entretenir une relation passionnelle. La fascination que Virginia va ressentir pour Vita, l'abîme entre sa vie si chaotique d'artiste et le faste de son excentrique amante, donneront naissance à Orlando, une de ses œuvres phare, sur l'art et le genre.
Une histoire d'amour sulfureuse entre femmes, dans une époque plombée par les diktats moraux imposés par une Cour d'Angleterre très rigoriste... Avant d'être un film, Vita & Virginia avait été une pièce à succès. Cela explique peut-être que Chanya Button, qui fut metteur en scène de théâtre avant de devenir réalisatrice, ait eu envie de l'adapter pour l'écran. Pour que son film ne s'englue pas dans une trop stricte reconstitution historique, la cinéaste a opté pour un ton assez osé, voire un peu punk, cela, en respectant toutefois au mieux la personnalité stylistique de chacune des deux amantes. Ce parti pris donne à son film, formellement très léché, un côté très littéraire qui ravira les admirateurs des deux femmes de lettres. Ajouter que l'interprétation de Gemma Aterton (qui joue Vita) et celle d'Elisabeth Debicki (qui est Virginia) sont parfaites d'audace et de retenue mêlées.
Recommandation : bon
- « l'Ospite » de Duccio Chiarini - Avec Daniele Parisi, Silvia D'Amico, Anna Bellato...
A Rome, Guido, au tournant de la quarantaine, voit sa vie chamboulée quand sa petite amie Chiara vient brutalement lui annoncer qu'elle met un break, sinon une fin, à leur relation. Prof désargenté, il va se retrouver contraint de squatter ses parents et ses amis. D'un canapé à l'autre, il va prendre conscience que la vie amoureuse n'est pas un long fleuve tranquille et qu'on ne guérit pas si facilement d'une séparation...
Quand un film commence par une scène d'une drôlerie inénarrable (celle d'un homme explorant l'entre-jambe de sa compagne pour y rechercher un préservatif disparu), on croit qu'on va assister à une comédie à l'italienne. Et on aura tout faux. l'Ospite va très vite bifurquer dans la « comédie sociale » pour explorer avec justesse et mélancolie drôlatique les relations hommes-femmes d'aujourd'hui. Deuxième long métrage du jeune Duccio Chiarini, l'Ospite est le film le plus attendrissant de la semaine. Dommage qu'il manque un peu d'aspérité.
Recommandation : bon
- « Yuli » de Icíar Bollaín - Avec Carlos Acosta, Keyvin Martinez, Edilson Manuel Olbera Núñez...
C'est une histoire à faire battre les cœurs. Une histoire vraie, celle d'un gamin des rues de la Havane qui ne rêvait que de foot mais que son père, visionnaire et autoritaire, obligera à suivre des cours de danse, en dépit des quolibets de ses copains qui le traitaient de « pédé ». Petit garçon devenant grand, Yuli – c'est le surnom que lui a donné son père – quitte son pays et l'Ecole nationale de Danse de Cuba (dont il est le meilleur élément) pour entamer une carrière au Royal Ballet de Londres, qui l'a réclamé. Il sera le premier métis à accéder au titre de danseur étoile dans une Compagnie européenne. Mais aucun honneur ne lui fera jamais oublier ni sa famille, ni son pays, ni sa condition d'arrière petit-fils d'esclave noir...
Le héros de cette histoire en forme de conte de fée s'appelle Carlos Accosta.
Jouant son propre rôle au présent (un enfant et un adolescent l'incarnant aux périodes du passé), il nous fait revivre son parcours dans un ballet inspiré de sa vie et aussi grâce à des flashbacks. Au diable les quelques maladresses scénaristiques qui jalonnent ce bio pic ! On est emporté, époustouflé et ému, parfois jusqu'aux larmes. Un artiste est là, qui s'exprime, et souffre, et travaille, et nait, et rêve, et s'épanouit sous nos yeux. En arrière-plan, se dessine aussi l'histoire, si dramatique de Cuba. Lumineux, et passionnant.
Recommandation : excellent (attention : sortie le 17 juillet).
- « Face à la nuit » de Wi-Ding Ho - Avec Jack Kao, Lee Hong-Chi, Louise Grinberg...
En 2049, dans un Taipei futuriste, un homme se jette par la fenêtre, mettant ainsi un point final à son destin tragique. C'est le parcours de cet homme ordinaire, que le cinéaste Wi-Ding Ho va nous relater. Il choisit de le faire en trois nuits, racontées à rebours, celles qui traumatisèrent et détruisirent ce flic plein d'innocence qui, une nuit d'été de 2016, après avoir surpris son épouse en train de faire l'amour avec son supérieur, s'abandonna par désespoir dans les bras d'une femme qu'il avait jadis arrêtée...
Décidément, en ce moment, en matière de ciné, les pépites nous viennent d'Asie. Après Parasite (Palme d'Or à Cannes cette année) qui vient de dépasser le million d'entrées, voici Face à la nuit un autre petit bijou filmique. Découpé en trois « actes » très différents, se déroulant sur près de cinquante ans, il nous propose le portrait d'un citoyen ordinaire que des accidents de vie vont déliter jusqu'à en faire une boule de haine, incapable pourtant de se venger de la société autrement qu'en se donnant la mort. C'est à la fois sombre, poétique, romantique, crépusculaire et tendu. C'est aussi impeccablement mis en scène. Le festival du film policier de Beaune ne s'y est pas trompé, qui lui a décerné son Grand Prix. Attention : comme ce thriller remonte le temps, il est déconseillé aux accros de la chronologie.
Recommandation : excellent
Ajouter un commentaire