Anatomie d'une chute
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Thème
Un scénario vertigineux, une réalisation au scalpel, et une distribution éblouissante en tête de laquelle l’étonnante Sandra Hüller…
Sandra, écrivaine reconnue (Sandra Hüller), Samuel, son compagnon, professeur et aussi, espère-t-il, écrivain en devenir (Samuel Theis), et Daniel, leur fils de onze ans malvoyant (Milo Machado Graner) vivent depuis un an à la montagne, dans un chalet isolé , en compagnie de leur chien Snoop.
Un jour, Samuel est retrouvé mort au pied du chalet. Accident ? Suicide ? ou Meurtre ? Une enquête pour mort suspecte est ouverte, qui va bientôt conduire Sandra sur le banc des accusés, sans preuve formelle…
Un an plus tard, le jeune Daniel assiste au procès de sa mère, qui va mettre en lumière la faillite d’un couple, ici, déséquilibré par le déficit de réussite de l’un des conjoints.
Points forts
- Après Sibyl, dont elle dit qu’elle avait eu « le sentiment de l’avoir atrophié au montage », Justine Triet a eu envie (besoin ?) de parler du couple, et surtout de sa faillite, et d’inscrire son histoire dans un film de procès, un genre dont elle raffole. Mêler deux sujets ambitieux dans un même scénario ? La réalisatrice a demandé à son compagnon Arthur Harari ( Onoda, 10 000 nuits dans la jungle, 2021 ) de lui prêter main forte. Le résultat est un scénario qui embrasse les deux sujets dans un mouvement d’une belle fluidité et d’une tension grandissante.
- Sur le plan formel, le film est net, précis, chirurgical même, et pourtant, il est basé sur l’ambiguïté. Sandra est-elle ou non coupable ? Samuel était-il, ou non, un compagnon toxique ? Qu’a réellement vu et compris Daniel ? On ne le saura pas, ce qui coupe l’herbe sous le pied à tout commentaire et supposition superfétatoires.
- La distribution est cinq étoiles. Jouant dans un double registre d’émotion et de cérébralité, le jeune Milo Machado Graner est tout simplement sensationnel. Dans son personnage d’avocat général, à la fois terrifiant et misogyne, Antoine Reinartz fiche la chair de poule. Swann Arlaud est au contraire magnifique de douce sérénité dans son rôle d’avocat de la défense. Et puis, et puis, en tête de cette impeccable et étonnante distribution, il y a Sandra Hüller, ahurissante dans son rôle d’écrivaine suspectée d’assassinat. On a beau la scruter : malgré toutes les émotions qu’elle réussit à faire passer, on ne saura pas si elle est innocente ou coupable. Inspirer de la sympathie sous une apparente imperméabilité : du grand, grand art !
Quelques réserves
Aucune. Dans ce thriller judiciaire, tout s’emboîte admirablement, dans un beau crescendo de suspense. Ses deux heures trente nous tiennent en haleine, sans aucun temps mort.
Encore un mot...
N’y allons pas par quatre chemins : avec ce quatrième long métrage, Justine Triet signe son meilleur film. Du scénario - qui entremêle une réflexion sur le délitement du couple et une exploration du phénomène grandissant de la judiciarisation de l’intime -, à la réalisation - d’une fluidité, d’une ampleur et d’une richesse de plans impressionnantes pour un film de procès -, en passant par les dialogues, écrits comme au scalpel et une interprétation magistrale… aucun « poste » d’Anatomie d’une chute ne mérite de bémol. Radical, incontestable.
Une phrase
« Je souhaitais faire un film sur la défaite d’un couple. L’idée c’était de raconter la chute d’un corps, de façon technique, d’en faire la chute du couple, d’une histoire d’amour… Le film est peu à peu devenu comme un long interrogatoire : de la maison au tribunal, ce n’est qu’une succession de scènes où les personnages sont questionnés. » ( Justine Triet, réalisatrice ).
L'auteur
Née à Fécamp en 1978, Justine Triet voulut d’abord devenir artiste peintre. Mais après deux années d’études à l’Ecole des Beaux Arts de Paris (dont elle sortira diplômée), elle décide de se consacrer essentiellement à la vidéo et au montage. Très vite, la jeune artiste bifurque vers le cinéma. Elle réalise d’abord une série de documentaires : en 2007, Sur place, tourné à Paris pendant les manifestations étudiantes ; en 2008, Solférino, tourné pendant les présidentielles, et en 2010, Des ombres dans la maison, tourné dans un township de Saõ Paulo.
Son premier court métrage, Vilaine fille, mauvais garçon, reçoit le Prix du meilleur film européen de la Berlinale 2012, puis la même année le Grand Prix du Festival Premiers plans d’Angers.
L’année suivante, le premier long métrage de la cinéaste trentenaire, La Bataille de Solférino, se fait remarquer par la critique, mais pas par le public. Malgré sa nomination aux César 2014 dans la catégorie meilleur premier film, il n’atteint pas les 50.000 entrées.
C’est avec Victoria en 2016 que la jeune réalisatrice va connaître le succès. Après avoir fait l’ouverture de la Semaine de la Critique à Cannes, ce film, emmené par Virginie Efira, sera nommé cinq fois aux César, notamment dans les catégories Meilleur film et Meilleure actrice.
En 2019, Sibyl, que la réalisatrice a co-écrit avec son compagnon, l’acteur et réalisateur français Arthur Harari, est sélectionné pour la compétition officielle de Cannes. Il ne remporte pas de récompense, mais est salué par la presse comme étant l’une des « révélations » du Festival de Cannes. La consécration viendra en mai 2023 avec l’attribution de la Palme d’Or à Anatomie d’une chute, qu’elle avait également coécrit avec son compagnon. Une récompense prestigieuse, mais qui priva sans doute son héroïne Sandra Hüller du Prix d’Interprétation féminine, le règlement du Festival empêchant le Jury d’attribuer plus d’un prix à une même production. Elle est la troisième femme à recevoir la récompense suprême de cette manifestation depuis sa création.
( En salles depuis le 23 août)
Commentaires
Un des meilleurs des scénario jamais vu. Rien n’est laissé au hasard. Le Procureur nous sidère et nous effraie. À voir absolument.
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