American Honey
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Thème
Alors qu’elle effectue des courses dans un supermarché, Star tombe sur un groupe de jeunes gens visiblement libres et excentriques, tel de lointains descendants des hippies. A bord d’un minibus, ils parcourent le Midwest afin de vendre des abonnements de magazines sous la férule de leur jolie mais impitoyable boss : Crystal.
Attirée par Jake qui la drague ouvertement, et affublée d’une famille dysfonctionnelle, Star se joint à eux sans prévenir les siens. Commence pour elle un long “road trip” où tous les coups et discours sont permis pour appâter le chaland, où l’argent, la drogue, la musique et la drague semblent être les composants de leur liberté. Mais Star découvre aussi l’envers du décor…
Points forts
Il ne faut surtout pas s’affoler devant la longueur de ce film à la limite du documentaire. Outre qu’il passe à une vitesse aussi folle que l’énergie déployée par ses jeunes acteurs, ce temps est la contrepartie nécessaire pour rendre crédible le mûrissement de Star et la sensation de (fausse) monotonie de leur quotidien.
On en ressort ahuri, instruit, incrédule : telle est donc cette “chère Amérique”, Celle des oubliés, riches et pauvres confondus, qui a voté en 2016 ! Un pays sans utopie, aux rapports réduits à l’utilitaire, à la réalisation immédiate des envies et tendue par le seul appât du gain dans un rapport au travail proche de celui de la prostitution. On est loin du pays innovant des années 60 et rebelle des années 70 luttant pour les droits civiques.
Au lieu de quoi, on redécouvre sa schizophrénie, vantant d’un côté la responsabilité de l’individu pour aussitôt l’uniformiser dans le groupe. Le pire est atteint avec une petite fille socialement proche de la misère, fière de chanter un tube intitulé “I kill children” (Je tue les enfants).
Aussi important, le bestiaire (chiens, loups et tortue) est signifiant quant aux situations et caractères des personnages et la bande musicale de tout premier plan.
Si tous les comédiens, essentiellement non-professionnels, sont époustouflants de naturel, on retiendra bien sûr Sasha Lane (Star) dont c’est le premier rôle. Une future star (au sens propre cette fois) à suivre de près. Et pour les cinéphiles, on retrouve avec émotion Arielle Holmes, dont la vie de SDF est au cœur du long-métrage Mad Love in New York (2014), dont elle était aussi l’interprète principale, et qui poursuit, ici, sa renaissance grâce au cinéma.
Enfin, et ce n’est pas son moindre mérite, Andrea Arnold ne tombe jamais dans la facilité : ni viol, même quand la situation est limite, ni méchants de complaisance. La vraie violence est sociale, ancrée dans le rigorisme d’un certain protestantisme et dans la concurrence à tout crin.
Contrepoint salutaire, la fin – que nous ne dévoilerons pas – est aussi joliment allégorique que presque optimiste.
Tourné quasi exclusivement en lumière naturelle, American Honey mérite amplement son Prix du Jury au 69ème Festival de Cannes.
Quelques réserves
D’inévitables redites dues à la réalité du propos : un enchaînement de villes, de rencontres, de musique… Mais aux USA, la route n’est jamais ennuyeuse !
Encore un mot...
“Andrea Arnold a puisé son inspiration dans sa propre expérience mais aussi dans un article du New York Times de 2007 : « Le porte-à-porte : de longues journées, de maigres récompenses ; pour les jeunes, une vision morose des vendeurs de magazines » écrit par Ian Urbina. Ces groupes de démarcheurs sont composés de jeunes gens employés par des sociétés non réglementées qui les envoient à travers le pays frapper aux portes des particuliers afin de vendre des abonnements à des magazines, tel les vendeurs itinérants du passé.
Andrea Arnold a donc suivi un de ces groupes, dormant avec eux dans des motels miteux et partageant leur quotidien. Parmi ces jeunes gens, beaucoup quittaient leur foyer pour la première fois. (…) Ils forment une espèce de famille récomposée un peu foldingue”.
A suivre, donc, avec ce même regard de sociologue.
Une phrase
“On ne m’a jamais demandé quel était mon rêve”. Star à Jake
L'auteur
Née le 05 avril 1961 à Darkford (Kent, Grande-Bretagne), scénariste et réalisatrice, Andrea Arnold commence par la télévision. Ses deux premiers courts-métrages, Milk(1998) et Dog (2001) sont présentés à Cannes à la Semaine de la Critique. En 2005,Wasp, son troisième, qui raconte la tentative de Zoé de reséduire un ex devenu militaire sans lui révéler qu’à présent elle a quatre enfants, reçoit l’Oscar du Meilleur court-métrage. Se construisant une filmographie au style réaliste, elle est par trois fois lauréate du Prix du jury à Cannes : Red Road (2006), drame sentimental d’une opératrice de vidéosurveillance confrontée à un ancien amant qu’elle ne voulait plus revoir, Fish Tank (2009), bouleversante histoire d’émancipation de Mia, fan de hip-hop, dans l’Est de Londres - par ailleurs lauréat du BAFTA, les Oscars anglais, et cet édifiant American Honey. C’est dire ! En 2011, son adaptation de Les Hauts de Hurlevent, est présentée en avant-première au Festival de Venise. Elle est par ailleurs membre du jury à Cannes en 2012 et juré à la Mostra de Venise en 2013.
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