Plaire, aimer et courir vite
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Thème
A Rennes, au début des années 90… Arthur (Vincent Lacoste), un jeune gay pas encore complètement assumé, traÏne sa jeunesse estudiantine entre, le jour, une charmante petite amie qu’il n’arrive pas à satisfaire, et la nuit, des étreintes masculines aussi intenses que sans lendemain. Une rencontre fortuite va faire basculer sa vie. Un soir, dans la pénombre d’un cinéma, il croise Jacques, de vingt ans son ainé, un brillant écrivain parisien, à la fois profond et dandy, (Pierre Deladonchamps). Les deux hommes vont instantanément se plaire. Intellectuellement et charnellement. Mais Jacques ayant le sida, les deux amants vont devoir ne pas perdre de temps…
Entre la distance qui les sépare, le poids de leur vie privée respective- Jacques a la charge d’un enfant et d’un ex-amant malade, Arthur, celui du job qui lui permet de gagner sa vie- leur histoire va se révéler très compliquée à vivre, passionnante à suivre…
Points forts
- Le scénario : il s’agit ici d’une chronique homosexuelle située au plus fort de l’épidémie de sida, avant la découverte de la trithérapie. Encore ! diront peut-être ceux qui ont vu l’année dernière 120 battements par minute de Robin Campillo. Oui, sauf qu’ici, on n’est pas du tout dans un film militant. On est dans le récit d’une « romance » entre deux êtres, dont on sait qu’elle va (mal) finir puisque l’un des deux amoureux est atteint d’une maladie alors encore mortelle.
- Le ton du film est très singulier, qui dégage une palette d’émotions inouïes, mais toute en subtilité. Il n’y a rien de rageur, de sordide ou de brutal, dans ce Plaire, aimer et… A travers le quotidien de ces deux amants que de nombreux éléments séparent (l’âge, la distance géographique, l’état de santé, la situation personnelle), se distillent au contraire de beaux sentiments, de la compassion, de la tendresse et surtout beaucoup d’amour.
- On a beau être au cœur d’un drame, la comédie affleure sans cesse, même dans les scènes les plus « osées » ou les plus crues. La « faute » en revient à la finesse des dialogues, très écrits, très intelligents de Christophe Honoré, qui ne s’englue ici dans aucune situation. Le réalisateur est indéniablement un écrivain qui n’oublie jamais de l’être, même quand il se fait cinéaste. Tous ses personnages ont de l’esprit, ce qui leur donne à la fois du poids, de la grâce de l’humour et de la légèreté.
- L’évocation des années 90 est très réussie, jusque dans le choix de musiques.
- La distribution est parfaite. Pierre Deladonchamps compose un Jacques très inspiré et très complexe, à la fois physique, désinvolte, ironique, blessé, tendre, égoïste aussi, par moments. Vincent Lacoste (meilleur à chaque film) lui oppose un Arthur à fleur de peau, juvénile, gauche mais hardi, jusque dans sa maladresse. En fidèle voisin-ami de Jacques, aussi fidèle que désabusé, Denis Podalydès est parfait lui aussi d’ironie tendre et compassionnelle.
- La photo est splendide, qui fait la part belle au clair obscur à dominante bleu-nuit, en accord parfait avec la douceur douloureuse du film.
Quelques réserves
Par ci par là, on peut regretter d’infimes longueurs.
Encore un mot...
Après le succès de 120 battements par minute de Robin Campillo, grand Prix du festival de Cannes l’année dernière, il fallait un certain culot pour s’aventurer si vite de nouveau dans ces années sida. Christophe Honoré a bien fait de tenter la gageure. Son film, à la fois sépulcral et plein de vitalité, a gagné lui aussi d’être en lice cette année pour la Palme d’or.
Il faut dire que le cinéaste n’est jamais meilleur que lorsqu’il signe des films intimistes. Comme par exemple Les Chansons d’amour, qui lui avait déjà valu, il y a onze ans, d’être sélectionné en compétition officielle de Cannes.
Il faut patienter jusqu’au 19 mai pour savoir si Plaire, aimer et courir vite repartira de la Croisette avec une récompense. Mais dire que dans les salles, où il est sorti le 9 mai, ce film très personnel a réalisé un très bon démarrage…
Une phrase
« J’appartiens à une génération d’artistes et d’homosexuels pour lesquels aborder la question du sida est particulièrement délicate et compliquée. Parce qu’il fallait sans doute entendre la parole des malades avant celle de ceux qui ont été témoins sans être victimes… Et puis il y a eu un délai, un temps nécessaire avant d’oser prendre la parole… Aujourd’hui encore, je me sens inconsolé de la mort de gens que j’ai connus, et de ceux que je n’ai pas connus, mais que j’aurais rêvé de rencontrer… Ce film n’est pas pour moi une manière de combler un manque... mais de m’offrir par la fiction la possibilité d’une rencontre qui n’a pas eu lieu » (Christophe Honoré, réalisateur).
L'auteur
Né le 10 avril 1970 à Carhaix dans le Finistère, Christophe Honoré est un créateur touche-à-tout, à la fois écrivain, dramaturge, metteur en scène, scénariste et réalisateur. Le moins qu’on puisse dire est que ce breton, devenu parisien en 1995, ne recherche pas le consensus et met souvent les pieds dans le plat du conformisme et de la bienséance. Par exemple, dans ses romans pour enfants et adolescents, il n’hésite pas à aborder des thèmes délicats, comme le sida, le suicide ou l’inceste.
Parce qu’il a notamment écrit une pièce sur le Nouveau Roman (2012), et signé des films comme La Princesse de Clèves, on le qualifie souvent d’intello. Mais cet éclectique s’en amuse, qui, pour déjouer les pièges de la catégorisation, ne cesse de passer d’un genre à un autre, dans tous ses domaines d’intervention. On le croit au cinéma ? Il écrit pour le théâtre. On l’imagine plongé dans l’écriture d’un roman, le voilà qui s’attelle à une mise en scène d’opéra : il fit en 2016 l’ouverture du festival d’Aix en Provence avec Cosi Fan Tutte de Mozart.
Quatre ans après Les Métamorphoses inspiré du poète latin Ovide, à peine deux après Les Malheurs de Sophie, tiré du roman éponyme de la comtesse de Ségur, le voici qui sort ce Plaire, aimer et courir vite inspiré par les années sida, et aussi la jeunesse et la paternité. Décidément, Christophe Honoré, est un homme qui aime l’aventure. Ce cinéaste, qui a déjà onze films à son actif, s’est attelé à l’écriture d’un nouveau texte en hommage à plusieurs artistes morts du sida. Il le mettra lui même en scène au théâtre de l’Odéon en janvier prochain. Son titre ? Les Idoles.
Et aussi
- Et mon cœur transparent de David et Raphaël Vital-Durand - avec Julien Boisselier, Caterina Murino et Sara Giraudeau.
C’est l’histoire de Lancelot (Julien Boisselier), un homme fou amoureux d’une femme très belle (Caterina Murino) dont il croit tout savoir, mais dont il va découvrir, après sa mort, qu’en fait, elle menait une double vie.
Un pied dans le réalisme, l’autre dans la fantaisie, Et mon cœur transparent, avait d’abord été un livre enchanteur signé Véronique Ovaldé. Mi-conte de fées, mi-polar, cette œuvre singulière avait tout pour séduire des cinéastes amateurs de récits à suspense à la fois poétiques et irréels. Pourtant débutants dans le long métrage, David et Raphaël Vital-Durand, deux as des films de pub et des clips, ont tiré les premiers pour l’acquisition des droits ! Ils décrochent la timbale. Leur film, décalé, tendu, baroque, esthétiquement très beau se regarde avec un plaisir fou. Un plaisir d’autant plus grand qu’il a, en haut de son affiche, la très troublante Caterina Murano et un comédien subtil, trop rare sur le grand écran, Julien Boisselier.
RECOMMANDATION: EXCELLENT
- Manhattan stories de Dustin Guy Defa- avec Abbi Jacobson, Michael Cera et Philip Baker Hall.
Une journée ordinaire à Manhattan.
Un matin à son réveil, Benny, fan de vinyles collectors et de chemises bariolées, n’a qu’une idée, aller récupérer un disque rare de Charlie Parker. Mais voilà qu’il doit gérer aussi la déprime de son coloc! Pendant ce temps, Claire, chroniqueuse judiciaire débutante, doit essayer d’obtenir un scoop en employant des méthodes pas très catholiques. A quelques blocks de là, Wendy, une jeune femme libérée, va tenter de persuader sa meilleure amie qu’idéaux féministes et désirs sexuels ne sont pas incompatibles…
Vous aimez le petit jeu verbal du "J’en ai marre-marabout-bout de ficelle" etc.. ? Alors vous adorerez ce film choral où les séquences s’enchainent les unes derrière les autres comme autant de nouvelles de roman. Même si elles ne sont pas toutes de la même drôlerie, du même intérêt et de la même légèreté, elles constituent un amusant puzzle, qui, assemblé, fait irrésistiblement penser à Woody Allen. C’est tout dire !
RECOMMANDATION: EXCELLENT
- Tad et le secret du roi Midas de Enrique Gato, David Alonso. Film d’animation.
Tad, l’explorateur, part rejoindre à Las Vegas son amie Sara. Cette intrépide archéologue vient de faire une trouvaille capitale, un papyrus prouvant l’existence du roi Midas qui grâce à son collier magique transformait en or tout ce qu’il touchait… De quoi exciter les convoitises… L’infâme Jack Rackham va entrer en action : il va voler le papyrus et kidnapper Sara…
Auréolé par l’obtention de trois Goya (l’équivalent espagnol de César), Tad et le secret du Roi Midas, sorti l’année dernière en Espagne, a déjà attiré là-bas 2,5 millions de spectateurs. Il faut dire qu’il a tout pour séduire le jeune public : son scénario est drôle et sans temps mort, ses personnages ont des caractères bien affirmés et son graphisme est très plaisant.
RECOMMANDATION: EXCELLENT
- Corpo Electrico de Marcelo Caetano- Avec Kelner Macedo , Marcia Pantera, Ronaldo Serruya.
A Sao Paulo où il est nouveau venu, Elias, un jeune homosexuel de 23 ans, tente de trouver un équilibre entre son travail dans une usine de textile et ses temps de loisirs qu’il occupe par des rencontres amoureuses intenses mais sans lendemain. Grâce à des collègues de travail, il va découvrir la vraie vie nocturne de sa ville…
D’une dimension presque documentaire, Corpo Electrico prend le prétexte d’un portrait d’un jeune homosexuel d’aujourd’hui, pour dresser, à travers lui, celui de la jeunesse brésilienne tout entière, qui fait la fête pour oublier la morosité de son quotidien.
Rythmé, sensuel, spontané, réaliste, impeccablement interprété aussi, on regrette que ce film, très dépaysant, le premier de Marcelo Caetano, pâtisse par moments d’un premier degré -notamment dans les scènes de sexe- qui l’alourdit inutilement.
RECOMMANDATION: BON
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