Jusqu'à la Garde

Le Festival de Saint Jean de Luz sait choisir: patience.
De
Xavier Legrand
Avec
Léa Drucker, Denis Ménochet, Thomas Gloria
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Tout commence dans le bureau d’un juge d’instruction. Flanqués de leurs avocats, Myriam (Léa Drucker) et Antoine (Denis Ménochet) divorcent. Accusant son mari de violences, Myriam demande la garde exclusive de leur jeune fils Julien (Thomas Gloria). Antoine, qui nie les faits, requiert, lui, une garde alternée. C’est cette dernière solution que va choisir la juge.

Julien va tout tenter pour que ses parents ne se rencontrent pas… Un jeu de chat et de souris commence. Mais le drame est en route.

Points forts

- Il est impossible d’échapper à l’emprise de ce scénario. Il vous prend en tenailles dès la première scène et ne desserre son étreinte qu’à la dernière.

Sa force est de faire monter l’angoisse, au cours de séquences soigneusement pensées et découpées. C’est une chronique sur un fait de société, mais qui a des allures de thriller.

- Dans la façon de filmer de Xavier Legrand, il y a quelque chose de celle du Michaël Haneke de Funny Games. Le cinéaste filme ses personnages au plus près, mais avec sobriété, sans aucune recherche de sensationnalisme. On n’est pas dans la « spectacularisation » de la violence, mais (sauf pour la dernière scène) dans sa suggestion, dans ce qu’elle induit de peur chez ceux qui la subissent.  C’est très fort.

 - La direction d’acteurs est magistrale. Comme tétanisée, Léa Drucker est bouleversante en  femme soldat et mère courage prête à tout pour protéger son enfant. Le jeune Thomas Gloria dit bien les sentiments contradictoires d’horreur, de rejet et quand même d’attachement d’un enfant à son père. Quant à Denis Ménochet,  il campe avec un réalisme hallucinant ce père monstrueux, indigne, manipulateur. Un bloc de  violence, mais qui de temps à autre se lézarde d’une douceur surgie d’on ne sait quel tréfonds. Il laisse pantois.

Quelques réserves

Deux broutilles, qui relèvent de la subjectivité… Peut-être quelques maladresses dans le portrait psychologique de l’enfant. Et aussi, une scène de fête  d’anniversaire qui se prolonge un petit peu trop.

Encore un mot...

Au Festival de Saint-Jean-de-Luz où il a été projeté  en compétition parmi dix autres films  venus du monde entier (Ce Festival, ouvert aux jeunes cinéastes, est international), c’est peu de dire que ce drame de la  violence conjugale  a impressionné. A l’issue de la projection,  avant les applaudissements, c’est d’abord un  silence  de plomb qui a prévalu dans la salle, car  Jusqu’à la garde est un film qu’on reçoit comme un direct à l’estomac: il coupe le souffle.

Arrivé bardé de prix prestigieux, et donc précédé d’un formidable bouche à oreille,  il est reparti avec le Grand Prix que lui a, à l’unanimité, décerné  le Jury.  Un Jury présidé cette année par Michèle Laroque, entourée notamment  de la réalisatrice Lola Doillon et de la comédienne Anne Marivin.

Cinéphiles, prenez votre mal en patience. Jusqu’à la garde ne sortira qu’en février prochain sur les écrans.

D’ici là, précipitez vous sur les films de cette sélection de Saint-Jean-de-Luz.  Concoctée par le perspicace Patrick Fabre, elle était, de haute volée.

On vous recommande  tout particulièrement Lucky , de  l’Américain John Caroll Lynch, le portrait jubilatoire d’un épatant nonagénaire  avec l’immense  et regretté Harry Dean Stanton ( sortie le 13 décembre); et aussi et surtout,  Seule la terre  (quel mauvais titre !), du britannique Francis Lee, une comédie romantique  stupéfiante qui relate une  rude histoire d’amour entre deux éleveurs de brebis dans le fin fond du Yorkshire. Récompensé au dernier Festival de Dinard par le Hitchcock d’or, ce film sort sur les écrans le 6 décembre.  Porté entre autres par Josh ‘O Connor  (qui a reçu hier soir à Saint-Jean-de-Luz, le prix d’interprétation masculine), il est plus que formidable.

Une phrase

«  Jusqu’à la garde est une expérience intense qui nous bouscule, nous émeut et nous transforme… Merci Xavier Legrand pour ce petit bijou noir qui nous hantera longtemps » (Christophe Foltzer, « Ecran large », 5 octobre 2017).

L'auteur

C’est par le biais des planches, où il retourne régulièrement comme acteur, que Xavier Legrand est finalement devenu, d’abord dramaturge, puis scénariste, puis réalisateur. « Les choses se sont mises en place petit à petit. "Mais ma façon de construire un récit et de le filmer me sont venues du théâtre » aime à  répéter cet ancien élève du Conservatoire national d’Art Dramatique de Paris.

Il faut dire que depuis 2006, année de ses débuts, il  a joué de grands auteurs du Répertoire (Shakespeare, Molière, Tchekhov, et plus près de nous, Pinter et  Copi), sous la direction de grands metteurs en scène dont Christian Benedetti, Christian Schiaretti, Jean-Yves Ruf.

C’est en 2013  que le jeune homme se lance dans le cinéma, avec Avant que de tout perdre.

Coup d’essai, coup de maitre, ce court métrage reçoit de nombreuses récompenses, dont le très envié Grand Prix National du Court-métrage de Clermont-Ferrand.

Ce Jusqu’à la garde qui en est tiré et que le jeune cinéaste  a tourné avec les mêmes comédiens ( Léa Drucker et Denis Ménochet) vient donc de repartir avec  la récompense suprême du Festival de Saint-Jean-de-Luz, le Grand Prix du Jury. Ce n’est pas rien.

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