Everybody knows
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Thème
Un film qui démarre par de magnifiques gros plans des rouages de l’horloge du clocher de l’église d’un village, forcément on pressent que cette belle mécanique va se gripper…
A l’occasion du mariage de sa sœur cadette, Laura (Penelope Cruz), installée désormais en Argentine, revient dans son village natal, sans son mari (Ricardo Darin), mais avec ses deux enfants. Alors que la fête des noces bat son plein, sa fille ainée disparaît. Très vite, une rançon est demandée par les kidnappeurs…
Le drame va non seulement anéantir Laura, mais bouleverser la vie jusque là en apparence paisible de ce village espagnol viticole où tout le monde se connaît… Chacun des habitants va devenir suspect aux yeux des autres. Les rancœurs et secrets longtemps enfouis vont remonter…
Points forts
- On le savait depuis, notamment, A propos d’Elly (Ours d’Argent à Berlin en 2009) et Une Séparation (récompensé, en 2010, par une pluie de prix internationaux), Asghar Farhadi confirme ici, une fois encore, son sens inouï de la dramaturgie et sa maîtrise époustouflante de la mise en scène. Dans ce Everybody knows, le cinéaste iranien, qui, contrairement à ce que le titre laisse supposer, s’aventurait pour la première fois en terre espagnole, a incorporé beaucoup d‘éléments à priori disparates : la tension amoureuse, la jalousie, l’envie, les litiges financiers, le drame, le poids des traditions, les ravages du silence, etc… Mais il a su imbriquer tous ces éléments tout en les rendant, chacun, parfaitement lisibles. Résultat : en même temps qu’il maintient un suspense sans faille, son film est d’une stupéfiante fluidité.
- Inutile de chercher : pas un instant non plus Farhadi ne s’abandonne aux facilités du manichéisme. Chacun de ses personnages, qu’il filme toujours au plus près pour en débusquer l’intimité, est complexe, fragile et donc intéressant. Le cinéaste les regarde avec bienveillance et tendresse, sans les juger, et donc sans les condamner. C’est très fort.
- Une autre des grandes réussites de son film est le choix de ses acteurs. Les deux rôles principaux ont été écrits pour le couple phare du cinéma espagnol et hollywoodien : Penelope Cruz et Javier Bardem. Tous deux, sont magistraux, elle, bouleversante dans la douleur d’une mère à qui on a arraché sa fille, lui, déchirant dans la mélancolie et le remords d’un homme qui, certes, a réussi dans son village, mais qui n’a pas su retenir la femme qu’il aimait. Avec Ricardo Darin à leurs côtés, ils constituent un des castings les plus sidérants du moment.
Quelques réserves
Je n'en vois aucun, si ce n’est d’infimes longueurs.
Encore un mot...
Un film qui conjugue intrigue haletante, drame psychologique intense, virtuosité stylistique éblouissante, et casting de rêve… On comprend pourquoi Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a choisi Everybody knows pour ouvrir la compétition cannoise.
Une phrase
Qui seront deux …
- « Asghar Farhadi est une sorte de génie, un être à part, doué d’une sensibilité remarquable. Les gens comme lui sont rares. J’en ai croisé peu depuis que je fais ce métier… Il sait toucher profondément les gens par sa façon de raconter les histoires » (Penelope Cruz, comédienne).
- « Asghar Farhadi est un directeur d’acteurs et un metteur en scène de génie. Donc pour un comédien, c’est un luxe de travailler avec lui, parce qu’il aime l’interprétation, il la comprend, il connaît les processus nécessaires aux interprètes, il les respecte, il y est attentif » (Javier Bardem, comédien).
L'auteur
Né le 7 mai 1972 à Khomeynishahr, en Iran, Asghar Farhardi se passionne dès l’adolescence pour le cinéma, puisqu’il réalise son premier court métrage à l’âge de 13 ans. Pourtant, lorsqu’il entre à l’Université, c’est d’abord pour étudier le théâtre, une formation qui influencera considérablement sa manière de faire des films.
Très vite, ce surdoué se lance dans l’écriture de pièces radiophoniques et de séries télévisées, puis, dès l’obtention de son master de mise en scène, il commence à réaliser ses propres séries télévisées dont A Tale of a city.
En 2002, il écrit et réalise son premier long métrage Danse avec la poussière, et il enchaîne, un an après, avec Les Enfants de Belle ville qui remporte, entre autres, le grand prix au Festival de Varsovie. En 2005, c’est La fête du feu, puis en 2007, A Propos d’Elly, qui rafle notamment l’Ours d’argent du meilleur réalisateur à Berlin. C’est en 2010 que lui vient la consécration internationale avec La Séparation, qui obtient 70 récompenses, dont l’Ours d’Or du meilleur film, un Oscar et un César. Du jamais vu pour un film iranien !
En 2013, il sort le Passé, qui vaut à Bérénice Béjo de remporter le prix de la meilleure actrice à Cannes, puis en 2016, le Client, qui raflera un Oscar.
Et aussi
- « Miracle » de Eglé Vertelyte - avec Eglé Mikulionyté, Vyto Ruginis et Andrius Bialobzeskis
Quelque part dans la campagne lituanienne au début des années 90, peu de temps après la chute du communisme… Gérante d’une ferme porcine, Iréna tente de sauver son établissement et de l’adapter au système capitaliste. Pas facile quand on est confronté à l’inertie d’employés fonctionnant encore comme sous l’époque soviétique. Débarque un jour Bernardas, un américain qui va proposer à Iréna de lui donner un coup de main. Le nouveau venu a une grande gueule, réponse à tout, et ses poches semblent bourrées de dollars : Irena le perçoit comme son sauveur, d’autant que Bernadas annonce qu’il veut racheter la ferme pour rendre hommage à ses parents qui y auraient jadis travaillé… Ses vrais motifs vont s’avérer beaucoup moins nobles…
Quelle belle idée d’avoir traité à travers cette histoire édifiante (inspirée d’un vrai fait divers) des difficultés rencontrées par la Lituanie après la chute de l’URSS. Cela donne un film à la fois très ancré et très ironique. Le concret s’offre des embardées dans l’absurde, c’est aussi réjouissant que pathétique. Irena est en outre une magnifique héroïne de cinéma, à la fois forte, courageuse, déstabilisée, naïve et désespérée.
RECOMMANDATION: EXCELLENT
- « Monsieur-je sais-tout » de François Prevost-Leygonie et Stéphane Archinard - avec Arnaud Ducret, Max Baissette de Malglaive et Alice David.
C’est l’histoire, aussi désopilante que poignante, d’un tandem, au départ pourtant, très mal assorti…
Célibataire endurci et grande gueule au cœur tendre, Vincent, entraineur de futures gloires du foot (Arnaud Ducret) a accepté de partir dans un centre de formation en Chine. Mais voilà qu’à quelques jours de plier bagages, débarque dans sa vie un neveu, Léo (Max Baissette de Malglaive) dont il ignorait jusque là l’existence. Le garçon a 13 ans. Il parle vite, ne regarde personne, tout en débordant, paradoxalement, d’affection. En fait, Léo, as des échecs et champion du calcul, est atteint du syndrome d’Asperger (une forme très légère d’autisme). Pour Arnaud, son arrivée fait figure de tsunami… Au terme d’un apprivoisement réciproque ponctué de gags, de disputes, de rires et d’émotions, ces deux là vont finir par former le couple cinématographique le plus irrésistible de ce printemps. L’intrusion d’une femme médecin, humaniste et fine mouche, apportera en plus au film, une touche de romantisme.
Il est difficile de ne pas craquer devant cette comédie solaire qui met en scène, avec un dynamisme fou, un duo inédit dans le cinéma français. On succombe d’autant plus que, sans niaiserie ni apitoiement, elle aborde le problème de l’autisme et aussi, mine de rien celui de sa prise en charge.
Tourné sous le soleil radieux de la Rochelle, porté par deux acteurs magnifiques de justesse, Arnaud Ducret (en contre-emploi) et Max Baissette de Malglaive, (d’une vérité hallucinante dans le rôle du jeune autiste), ce Monsieur-je-sais-tout devrait, logiquement se placer cette semaine en tête du box office français.
RECOMMANDATION: EXCELLENT
- « Gringo » de Nash Edgeerton- avec Charlize Theron, David Oyelowo, Amanda Seyfried et Joël Edgerton.
Harold Soyinka (David Oyelowo) travaille pour un groupe pharmaceutique dirigé par deux dirigeants sans foi ni loi Elaine Markinson (Charlize Theron) et Richard Rusk ( Joel Edgerton). Lorsque ces derniers envoient Harold au Mexique pour le lancement d’une nouvelle usine de production, ils oublient de lui dire qu’ils se sont associés à un cartel de drogue local… L’employé modèle et jusque là naïf, va finir par comprendre que pour échapper au pire, il ne va plus pouvoir compter que sur lui même…
Amateurs de comédies noires et /ou de film d’action et /ou de thriller, ce film hollywoodien réalisé par un réalisateur venu d’Australie et ex champion de cascades est fait pour vous. On dérape par moments dans l’absurde, le loufoque ou l’invraisemblable ? Tant pis. Ou tant mieux. Car rien n’est à prendre au sérieux dans cette comédie. Autres atouts du film, ses acteurs, notamment Charlize Theron, sensationnelle en garce sans scrupule et Joel Edgerton, impressionnant dans son rôle d’ordure.
RECOMMANDATION: BON
- « Los Adioses » de Natalia Beristain Egurrola- avec Karina Gidi, Daniel Gimenez Cacho.
Il s’agit d’un biopic sur une femme méconnue en Europe, mais qui est une des figures majeures de la littérature mexicaine du XX° siècle : Rosario Castellanos (1925-1974). Pour évoquer cette écrivaine qui s’illustra dans tous les genres littéraires et fut aussi une des figures majeures du féminisme en Amérique latine, l’angle choisi ici est celui de la passion de cette femme exceptionnelle pour un brillant universitaire, Ricardo Guerra, qu’elle aima follement à vingt, puis à quarante ans, avant de le quitter définitivement pour cause de « rivalité professionnelle ».
Très intéressant sur le fond, ce film souffre, hélas, de son image, trop lisse, et de sa forme, trop tarabiscotée. Natalia Beristain Egurrola a en effet choisi de mettre en parallèle, dans un incessant va-et-vient, les deux âges de la vie amoureuse de son héroïne. Ce parti-pris trouble la limpidité de son récit. Voir pourtant ce Los Adioses pour découvrir une combattante, qui fit beaucoup pour la cause des femmes dans les années 50 et qui, en plus, est ici formidablement interprétée par la comédienne mexicaine Karina Gidi, star en son pays.
RECOMMANDATION: BON
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