DARK WATERS
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Thème
Robert Bilott (Marc Ruffalo) est un avocat de Cincinatti spécialisé dans la défense des industries chimique. Un jour, il est interpellé par Wilbur Tennant, un paysan de l’Etat de Virginie-Occidentale (Bill Camp). Ce paysan qui est un voisin de sa grand-mère lui dit être désespéré par le dépérissement de ses vaches qui meurent toute les unes après les autres. Il est persuadé que cette hécatombe est liée à la présence, tout près de son exploitation, d’une usine de DuPont, qui produit une matière synthétique appelé Téflon et qui enfouit ses déchets sur le terrain mitoyen du sien. Depuis des années il cherche, en vain, à apporter la preuve que la mort de ses vaches est dûe à la toxicité de ces déchets. C’est donc en désespoir de cause qu’il fait appel à Robert Bilott…
Ce dernier ne le sait pas mais, en acceptant ce dossier, il va entrer dans une enquête qui va durer pratiquement vingt ans. Deux décennies durant lesquelles il va mettre en péril sa fortune, son job, sa réputation et l’équilibre de sa vie de famille. C’est le récit de ce combat inégal, d’un David contre un Goliath qui est fait ici. Histoire effroyable, effrayante, tendue, complexe, humaine aussi, où l’on découvre comment, sans être jamais inquiété, l’un des géants mondiaux de l’Industrie chimique réussit, pendant des dizaines d’années à contaminer sciemment les sols, provoquant sans aucun état d’âme des milliers de cancers chez les humains et les animaux.
Points forts
– Le projet en lui même. Il y a plusieurs années que Mark Ruffalo s’était engagé dans la cause de l’écologie à la suite d’une pollution du lac Michigan aux bord duquel il possédait une villa. Cette villa était alimenté par l’eau du lac qui s’avéra polluée aux PCB. Pour sensibiliser ses concitoyens à ce qui entraînait un problème de santé publique, le comédien avait fondé l’association Water Defense. En 2016, il tombe sur un article relatant le combat titanesque que mena l’avocat, Robert Bilott pour prouver que la Société DuPont contaminait sciemment la planète avec ses résidus de Teflon enfouis sous terre sans précaution. Il sent qu’il a trouvé là le sujet d’un long métrage qui s’inscrirait dans la lignée des grands films d’enquête autour de héros souvent anonymes (comme Erin Brockovich, Spotlight, etc.).Il confie l’élaboration du scénario à Matthew Michael Carnahan (l’auteur de Deepwater ), la réalisation, à Todd Haynes et s’octroie, pour la première fois de sa vie, la charge de la production. Dark Waters va se révéler être une machine de guerre redoutable. Depuis sa sortie aux Etats Unis la société DuPont a vu ses actions baisser de 7 points.
– Le casting. Au début, Mark Ruffalo n’envisage pas de jouer Robert Bilott, le personnage central de son film. Mais ses associés et son distributeur le lui demandent. L’acteur s’incline. Il va trouver là l’un des plus grands rôles de sa carrière, sensationnel dans ce personnage si complexe, à la fois courageux, jusqu’au boutiste et tellement humain. A côté de lui, notamment, dans le rôle de son épouse, la belle et émouvante Anne Hathaway, et dans celui de son supérieur hiérarchique, le solide et toujours juste Tim Robbins. Mais tous les autres interprètes seraient à citer, dont Bill Camp formidable de hargne, d’incrédulité et de désespoir dans le rôle de Wilbur Tennant.
– La mise en scène. Relater en un peu plus de deux heures une histoire juridique et politique qui dura vingt ans, sans la simplifier ni la caricaturer, mais en révélant au contraire toute sa complexité.. Todd Haynes a choisi la seule voie possible : celle du classicisme. Son film est beau, sobre, efficace, tendu, limpide, même pour les non-initiés.
Quelques réserves
Aucun point faible.
Encore un mot...
A une époque où notre planète n’a jamais été aussi menacée par des dérèglements de toutes sortes, (et pas seulement climatiques), il est nécessaire, indispensable même, que des artistes comme Mark Ruffalo s’engagent et se battent pour que des films de dénonciation – qui s’appuient sur des histoires vraies – voient le jour. Dark Waters est de ceux là. A la fois documentaire et thriller politico-judiciaire, c’est un très grand film. Passionnant, édifiant, captivant de bout en bout.
Une phrase
qui seront deux :
– « Dark Waters s’éloigne un peu du style de films auquel je suis la plupart du temps associé. Néanmoins, cela reste un film de genre : le cinéma de « dénonciation » pourrait-on dire, faute de mieux. J’ai toujours adoré ce genre là » (Todd Haynes, réalisateur).
– « Dark Waters est une occasion extraordinaire de faire comprendre aux gens comment il est possible qu’une telle contamination à l’échelle planétaire non seulement se produise, mais trouve son origine aux Etats Unis, qui est censé être un des pays les plus développés au monde ». (Rob Bilot, l’avocat à l’origine de la dénonciation du scandale du Teflon).
L'auteur
Né le 2 janvier 1961 à Los Angeles, Todd Haynes, scénariste, réalisateur et acteur est aujourd’hui l’une des grandes figures du cinéma américain indépendant.
C’est à trois ans, en regardant Mary Poppins qu’il découvre la magie du cinéma. Après s’être adonné à la peinture, il commence à tourner des films amateurs. Il a dix-sept ans quand il réalise son premier court métrage, Suicide.
En 1985, encore étudiant à la Brown University, il signe un film consacré à Rimbaud. En 1991, il écrit et réalise son premier long métrage, Poison. Assemblage de trois histoires sur la déviance, cette oeuvre décroche le Grand Prix du Jury à Sundance. En 1995, c’est Safe avec Julianne Moore (sacré meilleur film des années 90 par l’hebdomadaire Village Voice).
En 1998, Velvet Goldmine remporte à Cannes le Prix spécial du Jury. Vont suivre, Loin du paradis (2002), I’m not here (2007), puis Carol (2015) qui remporte de nombreuses distinctions et est élu meilleur film LGBT de tous les temps par le British Film Institute.
Dark Waters est le 22ème film de ce réalisateur ouvertement gay, qui exceptions faites pour ce film et pour Carol, est le scénariste de tous ses longs métrages.
Et aussi
« JUDY » de RUPERT GOOLD – AVEC RENÉE ZELLWEGER…
Hiver 1968. La légendaire Judy Garland – celle qui n’avait cessé d’enchanter l’Amérique depuis le Magicien d’Oz tourné trente ans auparavant – débarque à Londres pour une série de concerts. C’est la dernière, mais elle l’ignore. Enfermée dans des addictions d’alcool et de médicaments qui l’épuisent et la rongent depuis des années, la chanteuse de 46 ans est en piteux état, physique et moral. Elle espère pourtant trouver là le moyen d’éponger les dettes dont elle est criblée, et surtout de retrouver l’équilibre psychologique qui lui permettrait de récupérer la garde de ses jeunes enfants… Judy raconte les deux dernières années de la vie de cette artiste américaine qui, placée encore enfant sous le joug implacable du producteur Louis B. Mayer, vécut l’enfer, hors scène, depuis l’âge de 13 ans, obligée qu’elle était de suivre un régime strict pour rester fluette et de se bourrer de somnifères pour trouver le sommeil durant les courtes nuits que la cadence infernale de ses tournages lui imposait.
C’est Renée Zellwegger qui incarne cette Judy au crépuscule de sa carrière. Perruque brune, prothèses faciales, maquillage très étudié et regard à la fois perdu et triste… La comédienne de Bridget Jones révélée en 1996 dans Jerry Maguire est méconnaissable, stupéfiante de justesse et d’engagement. Un engagement total, physique et vocal, car c’est elle et non la véritable Judy, que l’on entend chanter. Que ce soit Somewhere Over the Rainbow, Get Happy ou d’autres « tubes » encore, c’est à s’y méprendre.
Pour ce rôle qui marque son retour sur grand écran après dix ans d’absence, la blonde Renée Zellwegger a raflé l’Oscar, si convoité, de la meilleure actrice. C’est elle qui porte de bout en bout ce biopic à la fois flamboyant, mélancolique, crépusculaire et truffé de flash-back, signé de l’anglais Rupert Goold. Et elle le porte avec une telle passion qu’elle en fait oublier ses légers défauts, quelques longueurs et quelques escamotages. Des broutilles, en comparaison de l’émotion qu’il dégage.
Recommandation : excellent.
« CYRILLE » DE RODOLPHE MARCONI – DOCUMENTAIRE
Cyrille est un agriculteur auvergnat de trente ans qui travaille de 6 heures à minuit tous les jours de la semaine sans aucune exception. Pourtant, il est à deux doigts de se passer la corde au cou parce qu’il croule sous les dettes, cela, alors qu’il n’a même pas les moyens de se verser un salaire. Pour mettre aux normes européennes la ferme familiale qu’il a récupérée, il a dû emprunter 260 000 euros. Mais sur la trentaine de vaches dont il s'occupait, dix sont mortes. Celles qui lui restent ne lui permettent pas de vivre de la vente de leur lait, dont il tire du beurre qu’il vend sur le marché 3 euros les 500 grs. La liquidation judiciaire de sa petite exploitation s’annonce inexorable. C’est d’autant plus déchirant que Cyrille est un garçon doux, sympathique, courageux et attachant.
En plein salon de l’agriculture, voilà un documentaire qui tombe à pic. Il est dû à Rodolphe Marconi, un as du genre, qui en 2007, avec son Lagerfeld Confidentiel, nous avait fait pénétrer dans les coulisses de la Maison Chanel. Cette fois-ci le cinéaste qui rencontra son « héros » par le hasard de vacances, nous introduit dans l’intimité de ce dernier. Sans un mot de commentaire, il nous immerge dans son rude quotidien et nous fait partager sa solitude et son isolement, un isolement d’autant plus difficile à rompre que le jeune agriculteur est totalement désargenté et absorbé par sa tâche.
Simple, vrai, magnifiquement tourné (les cadrages et la lumière sont magnifiques), Cyrille en dit long sur les difficultés terribles des petits paysans. Poignant, mais jamais larmoyant, il est formidable.
Recommandation : excellent.
« LARA JENKINS » de JAN-OLE GERSTER – AVEC CORINNA HARFOUCH, ANDRÉ JUNG…
Une cigarette, une tasse de thé et un coup d’oeil vers le ciel… Invariablement, c’est le même rituel qui préside chaque matin au lever de Lara Jenkins. Et pourtant, aujourd’hui est un jour important pour elle.Elle a soixante ans et Viktor, son fils, pianiste-compositeur, doit jouer ce soir son nouveau concerto, pour la première fois devant un public. Mais il ne l’a pas invitée, elle, sa mère, qui l’a pourtant tellement aidé à devenir l’artiste qu’il est devenu… C’est à cette journée très particulière d’une mère enfermée dans sa solitude et son amertume, d’avoir été délaissée par son enfant unique, que nous convie le réalisateur allemand Jan-Ole Gerster (Oh Boy). On comprend petit à petit que cette femme, d’apparence glaciale (formidable Corinna Harfouch) fut elle-même une pianiste ratée et que, par jalousie et par frustration, elle fut sans doute trop autoritaire avec son fils. A force d’interrogations, son masque finira par tomber…
Avec ce passionnant et subtile portrait d’une mère à la fois aimante et destructrice déambulant dans les rues de Berlin, Jan-Ole Gerster confirme son talent de cinéaste. Par sa rigueur, Lara Jenkins peut faire penser à Hanecke. Son sujet évoque en revanche celui du récent et magnifique « L’Audition » de la réalisatrice Ina Weisse.
Recommandation : excellent.
« MES JOURS DE GLOIRE » D’ANTOINE DE BARY – AVEC VINCENT LACOSTE, EMMANUELLE DEVOS, CHRISTOPHE LAMBERT…
A presque trente ans, Adrien vit encore comme un enfant. Plus jeune, il a connu le succès en tant qu’acteur, mais c’était il y a dix ans et aujourd’hui, comme il n’a plus le sou, il doit revenir vivre chez sa psy de mère. Pour couronner le tout, ce gamin attardé a de sérieux problèmes d’érection. La rencontre avec une jolie lycéenne et l’espoir d’un come-back grâce à un rôle important (De Gaulle, rien que cela!) réussiront-ils à le faire enfin entrer dans le monde des adultes ?
Encore une comédie sur « l’adulescence » ? Oui, encore une, sauf que celle ci est plutôt bien réussie. Pas de mièvrerie, mais de la drôlerie et de la tendresse dans son propos. Elle est en outre portée par Vincent Lacoste, ce comédien boudeur qui, depuis les Beaux gosses est devenu, dans le cinéma français, l’archétype du sale gosse maladroit, irresponsable et nonchalant. A juste titre d’ailleurs, car il s’y montre toujours excellent. Paradoxalement, c’est peut-être justement là où le bât blesse. On a l’impression que le jeune acteur, pourtant encore une fois ici parfait dans son rôle de Peter Pan des temps modernes, rebat les mêmes sentiers. D’où, une impression de déjà vu pour ce ( premier) film d’Antoine de Bary, malgré un scénario original et bien foutu.
Recommandation : bon.
« L’ÉTAT SAUVAGE » DE DAVID PERRAULT, AVEC ALICE ISAAZ, DEBORAH FRANÇOIS, KEVIN JANSSENS…
En 1861, aux Etats Unis, la guerre de Sécession fait rage. Une famille de colons français décide de fuir le Missouri où elle vit depuis 20 ans. Edmond, le père, sa femme, Madeleine, et leurs trois filles vont donc devoir entreprendre un long et dangereux voyage pour prendre le bateau qui les ramènera en France. Pour assurer leur sécurité, ils vont se faire escorter par Victor, un ancien mercenaire au comportement mystérieux. Leur périple sera semé d’embûches…
Pour son deuxième long métrage, six ans après le très réussi Nos héros sont morts ce soir, David Perrault avait une double envie : mettre en scène des femmes en mal d’émancipation et revisiter le western. Vaste et ambitieux projet. Trop ? Si en ce qui concerne son casting (haut de gamme et impeccable, avec notamment les présences d’Alice Isaaz et Déborah François), ses cadrages (formidables) et ses lumières (splendides), le film relève son défi haut la main, en revanche, il pêche par la maladresse de son scénario et certains effets inutiles de mise en scène. C’est dommage car cela nuit à la crédibilité de ce film crépusculaire et à l’intérêt qu’on lui porte. Restent donc, essentiellement les images, belles, tout le temps.
Recommandation : bof.
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