NICOLAS BOUVIER au gré des géographies
Parution le 27 octobre 2022
224 pages
39,90 euros
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Thème
Nicolas Bouvier, ce Corto Maltese en vrai, aurait aimé ce bel album carré, superbement illustré, qui retrace une biographie des géographies inspirées d’un homme libre qui arpenta la face du monde. Trop ignoré, trop oublié, le grand maître des écrivains voyageurs revit pleinement dans ces pages où sa prose limpide, mêlée à celle de l’auteur, retrouve les couleurs de la poésie. Lui, le fils de bourgeois suisses romands, sorte de provincial de la langue française, longtemps pris de haut par l’édition comme la critique germanopratine, chemine ici avec Alexandre Chollier en bonne compagnie.
Points forts
Pour les familiers de Nicolas Bouvier (1929-1998), le voyage est un cadeau pour la vie. Avec ses bottes de cent lieux, le voyageur écrivain, le conteur inégalé, l’ami fidèle, l’artiste complet, nous entraîne à la cime des mots, recolle ces « bouts du monde qui en sont le centre », saisit le vertige de la beauté, l’éclaircie transcendante d’un paysage, les rides de l’histoire qui sculptent des visages reculés.
On se délecte ici à revivre l’itinérance, les fatigues, les bonheurs – au propre et au figuré ; au pluriel comme au singulier – de l’immense auteur de « L’usage du monde » dont il fit un si noble emploi. Quel plaisir de retrouver, dans cette sorte de guide illustré de l’aventure, une époque qui alliait la liberté de circuler à celle de regarder, de vivre et de penser. Quelle profusion de départs oubliant les retours, d’arrêts pour goûter les détours, de frontières franchies pour perdre son temps, de photos complices pour fixer l’intemporel, de gestes généreux pour parler des langues inconnues. Tant de visages de l’humble richesse du monde sont ici rassemblés.
Quelques réserves
Aucune. Tant qu’à profiter de sources privilégiées, l’auteur réalise une biographie multidimensionnelle de son « globe-writter ». Notre grand voyageur du « dehors et du dedans » fut aussi journaliste, photographe, dessinateur, musicien, documentaliste, éditeur, iconographe, conférencier ; il eut ses hauts et ses bas et l’enfance tint une grande place dans sa vie. Et cela fut bel et bon, jusqu’au dernier jour qui emporta au large 69 « années de voyage qui ont compté double ».
Encore un mot...
Pendant deux jours, j’ai erré avec bonheur – son mot fétiche - à côté de Nicolas Bouvier sous le même signe des « Poissons ». J’ai retrouvé les grands espaces, les moments chauds, son usage dépaysant des mots, le sourire du regard attentionné porté au détail qui révèle, l’émerveillement offert par la route défoncée au sommet du chargement hétéroclite d’un camion déglingué, dans la descente d’un col venteux et glacé, dévoilant l’âme de lieux inaccessibles aux noms de livres d’enfants. Une sorte de réunion de la famille humaine en 224 pages qui incite à « passer du réel à l’imaginaire » et à (re)faire le tour du monde avec l’œuvre inclassable de Nicolas Bouvier.
Une phrase
- « Un vieux monde se levait de l’ombre » (p. 51).
- « Il importe de donner au lieu le temps qu’il mérite » (p. 55).
- « Impossible ici d’être étranger au monde » (p. 60).
Nicolas semble partout à la fois mais, en vérité, il se trouve toujours au même endroit : dans ses voyages et dans leur écriture (p. 124).
- « A vrai dire, je ne veux jamais savoir ce que je cherche » (p. 151).
- « Je préfère les voyageurs qui écrivent aux écrivains qui voyagent » (p. 158).
- « Aucune rivière ne coule aussi vite que la vie » (p. 174).
- « Les paysages sont indifférents aux invasions des fourmis qu’ils peuvent subir, que ce soit les touristes ou les images » (p. 197).
- « Comme le conteur, il est marchand d’admiration » (p. 202)
L'auteur
Né à Genève en 1970, Alexandre Chollier est géographe, chercheur, enseignant et écrivain. Lecteur-passeur, il tient une chronique au Courrier de Genève et dirige la collection « Géographies » aux éditions Héros-Limite. Pour la rédaction de l’ouvrage, durant plusieurs années, il s’est appuyé sur une documentation complète, une riche iconographie et le privilège de rencontrer Eliane Bouvier, l’épouse de l’écrivain-voyageur qui partagea nombre de ses errances.
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