60 icônes de la Mère de Dieu, dormition-assomption du VIIe au XVe siècles

Une magnifique étude pour apprendre à mieux contempler les icônes mariales
De
Ariane de Saint-Marcq, préface Mgr Patrick Chauvet
Editions On Tau, Edisens
Parution en juin 2024
328 pages, nombreuses illustrations,
35€
Notre recommandation
4/5

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Thème

Il faut, avant tout, s'entendre sur ce qu'englobe ici le terme "icônes" : ce sont des représentations imagées sur des supports d'une grande variété  (et non pas comme on les connaît généralement). Aussi, au fil des pages, trouvons nous l'épisode de la Dormition-Assomption de Marie, sur des tissus brodés, des fresques, des ivoires, des tympans de pierre, des bois peints, des enluminures de psautiers, des peintures murales, des miniatures sur vélin, des mosaïques, etc. Et contrairement à ce que l'on croit, ces "icônes" ne sont pas toutes orthodoxes, même si elles sont souvent de facture byzantine. La religion catholique, dans les cathédrales notamment (Paris, Senlis, Strasbourg et bien sûr en Italie) a aussi  représenté ces épisodes de la fin de vie de Marie (peu mentionnés dans les Évangiles canoniques, plutôt dans les textes apocryphes). 

L'auteur a choisi une présentation chronologique. C'est à Rome dans la catacombe de sainte Priscille (fin IIe siècle) que l'on a trouvé les plus anciennes images connues de la Vierge. Les premières créations se situent principalement en Cappadoce (Turquie) dans les églises rupestres. Sont ensuite présentées les icônes des VIIe au Xè siècles (une dizaine), puis celles des siècles suivants jusqu'au XVè. Pour chacune de ces périodes, l'auteur situe l'époque, voire les dates précises, de la construction du monastère ou de l'église, ou de la réalisation du document, avant d'analyser la représentation dans son ensemble puis de souligner les détails inattendus et les innovations qui marquent une évolution à la fois picturale et théologique. Le lecteur est donc invité à regarder d'abord l'oeuvre globalement puis à s'attarder sur les détails fort nombreux qui passeraient volontiers inaperçus si son attention n'était pas attirée par l'auteur : parfois, un marchepied se trouve près du lit où repose la Vierge, parfois des tentures rouges ornent les balcons, les apôtres sont tantôt au nombre du onze ou moins... St Paul (qui n'a pas connu le Christ) est souvent figuré courbé devant le corps et quelquefois tenant les jambes de Marie, quelques évêques puis quelques femmes vont trouver place parmi les présents, etc.  

Points forts

Les exemples sont judicieusement choisis (60 icônes, c'est sans doute peu par rapport au nombre total existant) et commentés, chacune étant typique et présentant une nouveauté ou une particularité par rapport aux précédentes. 

La mise en pages, particulièrement soignée, permet de bien visualiser l'icône expliquée : celle-ci est d'abord reproduite en pleine page, puis sur les pages suivantes, cadrée, avec des légendes, sur les détails intéressants : les visages, les postures des personnages, l'attitude et les vêtements de la Vierge et du Christ (qui emporte, pour la confier à un ange aux mains voilées, l'âme de sa mère sous la forme d'une petite momie, 7 images sur ce thème à la fin du livre montrent les différences entre le Xe et le XIVe siècle), les drapés, etc.. Incontestablement, le lecteur apprend à regarder ces représentations imagées avec un œil plus attentif, devenant ainsi un meilleur observateur. Ce beau-livre offre donc un caractère pédagogique précieux. 

Sont bienvenues les pages annexes à la fin du volume, des cartes des pays où se situent les œuvres illustrées, une bibliographie sélective, un glossaire de mots "savants". 

Quelques réserves

Plutôt un regret (très personnel) : que l'auteur n'aie pas visité la Crète, et en particulier la région de Kandanos, où d'innombrables modestes chapelles décorées d'émouvantes fresques (datant pour la plupart du XIVe) se dégradent sans que personne ne s'en émeuve... L'une d'entre elles, celle de Skoudiana, dédiée à la Mère de Dieu, représente la Dormition, de même que celle de Géphyra, les deux montrant fort bien le Christ, la tête entourée d'un nimbe crucifère, tenant l'âme de sa mère emmaillotée comme une momie. 

Encore un mot...

J'ai particulièrement apprécié de découvrir les ivoires. Notamment celui dit de Munich, arrivé en Occident à l'occasion du mariage de la princesse byzantine Théophano avec le prince Otton II du Saint Empire Germanique en 972. Il est sculpté en haut relief, représente parmi les personnages, deux femmes (amies de la Vierge ? filles de Jérusalem ? motif rare au Xe siècle). La sculpture est si fine que l'on devine les formes du corps de la Vierge sous le drap qui la recouvre. Les apôtres ont les cheveux et la barbe bouclés (sauf St Jean, représenté imberbe) et leurs visages expriment le chagrin et le respect. Le diptyque réalisé à Constantinople au XIIe siècle, détenu au Musée de l'Hermitage, n'est pas moins de facture merveilleuse. 

Une phrase

  • "Dans ce monde marqué par tant d'images, comme il est bon de s'asseoir et de découvrir la beauté qui rayonne de ces images sacrées." (Mgr P. Chauvet). 

  • "A partir du Ve siècle, les églises ont commencé à se couvrir de mosaïques et de fresques ; des manuscrits et des icônes ont circulé à travers tout le monde chrétien. Les premières images, souvent symboliques, représentaient des scènes de l'Ancien Testament et de l'Evangile. Marie était généralement figurée avec l'Enfant-Jésus sur les genoux pour souligner son rôle dans l'Incarnation. Dans ce livre, nous partirons à la découverte, dès le VIIe siècle, des plus anciennes représentations connues de la Dormition-Assomption. On s'arrêtera au XVè, date qui correspond à la chute de l'empire byzantin.”  (avant-propos, p. 20)

L'auteur

Ariane de Saint-Marcq  explique qu'elle a parcouru un large territoire géographique :  l'Europe (Italie, France) et au-delà, l'Egypte et le Sinaï, la Russie du Nord, l'Ethiopie, l'Albanie, la Géorgie, la Syrie, la Grèce, la Macédoine, Chypre, la Serbie, la Turquie, la Roumanie... visitant églises et  musées pour approfondir ses connaissances sur l'iconographie relatives à la Dormition-Assomption de la Mère de Dieu, prenant elle-même des photos, interrogeant sur place les meilleurs spécialistes.  

La préface est signée par Mgr Patrick Chauvet qui fut  le recteur-archiprêtre de la Cathédrale Notre-Dame de Paris. 

Le prologue a été rédigé par Tania Velmans, docteur ès lettres en histoire de l'art, directrice de recherches au CNRS.

La postface est due au métropolite Dimitrios, de France. 

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