Le goût pour les laques d'Orient, en France aux XVIIe et XVIIIe siècles
Paru en 2024
Relié sous jaquette pelliculée,
292 pages, 150 illustrations environ
49 €
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Thème
Il s'agit de présenter, sous toutes leurs facettes, les objets, les techniques, le commerce et l'usage des laques orientaux en France, issus principalement de la Chine et du Japon. Est également abordée l'histoire des Compagnies (anglaises, hollandaises, françaises) naviguant entre l'Asie et l'Europe, des cargaisons, des marchands et de leurs clients collectionneurs ou professionnels.
Après avoir brièvement présenté l'origine du laque, l'auteur expose la technique des décors en Chine (laques peints avec application d'or et d'argent) puis au Japon (le maki-e et le style Namban) en passant par les laques de Coromandel (côte est de la péninsule indienne) soulignant qu'en Europe, la préférence se portait sur les laques japonais considérés comme de meilleure facture que les autres. Il faut dire qu'en Occident, la maîtrise de cet art d'Orient ne connaissait aucun équivalent...
Quelles étaient donc ces pièces d'importation qui fascinèrent les Européens, et particulièrement les Français, malgré leur prix inabordable ? On eut d'abord goût pour les grands meubles, les paravents à 6, 8 ou plus vantaux, les cabinets, les coffres, les secrétaires et bureaux. Puis, à cause des difficultés et des coûts du transport, de la fragilité et de l'encombrement, se développa plutôt l'attirance pour les petits objets laqués : les "cabarets", les boîtes, les cassettes. L'auteur expose de manière très détaillée, l'organisation du marché, les prix, les lieux de vente. Il aborde également l'évolution du goût et de la mode, et donc de l'offre, qui aboutit à ce que les grands objets, meubles et paravents, soient dépecés pour servir de placage pour les décors des plafonds, des meubles d'ébénisterie, telles des commodes, voire des vases ou des bijoux.
Qui avait les moyens financiers d'acquérir ces pièces exceptionnelles de grand luxe ? Essentiellement, les cours royales et impériales, le Garde-Meuble de la Couronne, et quelques membres d'une élite sociale et financière, citons par exemple, la duchesse de Mazarin, Mme de Pompadour, le Duc de Richelieu, le Duc de Lorraine...
A la cour de France, si Louis XIV appréciait de tels objets laqués (dont plusieurs offerts par le roi du Siam, parce que leur valeur et leur rareté coïncidaient avec la dignité royale), Louis XV et Louis XVI ne se montrèrent guère enthousiastes. Seule Marie-Antoinette, qui tenait ce goût de sa mère l'impératrice Marie-Thérèse, adorait les objets laqués au point d'en constituer une collection à titre privé, un chapitre entier est d'ailleurs consacré à la collection de la reine.
Points forts
Grâce à cet ouvrage fort complet par le texte et magnifiquement illustré par les photographies, on reste ébloui par la beauté de ces objets grands ou petits, tous exquis dans leur perfection, admirant le savoir-faire des artisans laqueurs, asiatiques puis européens par la suite. Désormais, quiconque, dans un musée, se trouvera en face d'une commode ou d'un bureau, généralement agrémenté de monture en bronze doré et de panneaux laqués, le regardera d'un autre œil, plus connaisseur qu'auparavant !
Quelques réserves
SSi ce livre est très beau, il est aussi très savant ! L'écriture du texte se rapproche plus de celle d'un spécialiste s'adressant à un public de connaisseurs que de celle d'un auteur soucieux de faire découvrir un métier d'art peu connu en France. En résulte des paragraphes "techniques", de nombreuses citations (en français de l'époque), des descriptions qui ne sont pas toujours accessibles aux lecteurs moyens mais qu'apprécieront les collectionneurs.
Encore un mot...
Précision de vocabulaire : on désigne la laque au féminin lorsque l'on parle de la matière première (extraite de l'arbre à laque, comme une sève) tandis qu'on réserve le masculin, le laque, à l'objet fini laqué. Au XVIIe on utilisait les termes "lachinage" et "verni" pour désigner des objets laqués et ce n'est qu'à partir des années 1720-1740, que le mot "laque" remplaça celui de "verni" qui resta cependant en usage jusqu'à la fin du XVIIIe, notamment dans les catalogues de ventes.
Une phrase
"Dans cet ouvrage, j'ai souhaité rédiger une synthèse sur l'histoire du goût pour les laques en France à l'époque moderne, depuis leur importation jusqu'à leur usage, soit pratique soit comme pièces de collection. Si l'appréhension des laques était différente de celles des porcelaines, l'intérêt suscité par ces objets témoignait de la fascination de l'Europe pour ces productions de la Fabuleuse Asie." (p. 13-14)
"Les acheteurs, même les collectionneurs les plus avisés, achetaient ces objets moins pour ce qu'ils signifiaient de leur culture d'origine, que pour ce qu'ils représentaient dans la culture occidentale : des objets de luxe, originaux, pittoresques, décoratifs et surtout auréolés de leur provenance exotique". (p. 234)
L'auteur
Modestement présenté comme "Chargé de recherches au CNRS (HDR, habilité à diriger des recherches), Centre André Chastel" à Paris, Stéphane Castelluccio, historien de l'art, est en réalité l'un des meilleurs spécialistes des objets de luxe, des paysages, des décors, des monuments, et de leur commerce respectif, toutes ces merveilles collectionnées et appréciées en France durant la période "moderne" : les 17e et 18e siècles. Ses responsabilités au fil de sa carrière le prouvent : après sa thèse sur Le Commerce des meubles et des objets d’art par les marchands merciers parisiens pendant le règne de Louis XIV, il a été nommé membre de la délégation permanente de la commission des acquisitions des plus grands musées nationaux et appartient à plusieurs comités consultatifs et scientifiques relatifs à l'art des civilisations médiévales et "modernes".
En 2010, il était membre du comité de pilotage du programme de recherche sur les Garde-Meubles en Europe, dirigé par Marc Bayard, conseiller pour le développement culturel et scientifique du Mobilier national. Il est l'une des dix personnalités qualifiées de la nouvelle commission d’acquisition des musées nationaux. Aux éditions Monelle Hayot, il a publié un Beau-Livre intitulé Le goût pour les porcelaines de Chine et du Japon à Paris au XVII et XVIIIe siècle ainsi qu'un autre ouvrage consacré à une étude sur la domesticité : La noblesse et ses domestiques au XVIIIe siècle.
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