
Vaisseau famille
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Thème
Les quatre acolytes du collectif Marthe se penchent sur le thème de la famille, à la fois matière vivante, système législatif et construction sociale et culturelle, indispensable abri et inévitable prison, refuge et piège.
Elles tentent de saisir ce qui se joue dans cet espace intime et longtemps impénétrable, en remontant le temps pour évoquer divers schémas familiaux, du Moyen-âge à nos jours, interrogeant le système économique dans lequel ils prennent racine, les lois dites et non dites qui les gouvernent selon les lieux et les milieux sociaux, le vocabulaire qui les caractérisent : lignée, transmission…
Des paysan·ne·s du Moyen-Âge vivant en maisonnée, à une famille bourgeoise du XIXe siècle dominée par une mère inflexible et obsédée par la pureté de ses enfants, puis une autre, des années 1990 dans laquelle cette fois se lit la dissymétrie des assignations de genre, en passant par une colonie de termites rassemblée autour d'une impressionnante reine-pondeuse : autant de cas qui servent à approcher de manière ludique et réflexive le schéma récent mais presque pétrifié et largement naturalisé, de l'organisation familiale occidentale.
Points forts
Le sujet est d’importance, quoiqu’encore trop largement in-interrogé hors des sciences humaines et sociales. On appréciera donc le pédagogisme de ce spectacle qui aborde nombre de questions dont celle d’un enfant - perçu comme un continent muet et soumis à la domination et à l’autorité des adultes - n’est pas la moindre. Et le propos ne se réduit pas à la défense et illustration des jeunes générations, il donne aussi la parole à des grands-mères lasses d’être des “cathédrales“ pour leurs proches.
Ce théâtre est plein de moments piquants et de trouvailles visuelles et verbales : évidemment l’évocation d’un moyen-âge qui emprunte beaucoup sur le plan lexical aux Visiteurs est assez drôle, comme le sont les copulations frénétiques de la reine des termites.
Quelques réserves
Mais ce Vaisseau famille n’est pas exempt non plus - en proportion même des buts qu’il s’est donnés - de maladresses et de lourdeurs : les évocations historiques semblent un peu hasardeuses et bien trop caricaturales pour être crédibles :
ainsi ce millénaire qu’est le Moyen-âge occidental n’a pas connu que des familles élargies vivant en maisonnée dans une sorte d’harmonie béate, pas plus que le XIXe siècle ne se résume au Code civil ou à l’obsession de mères psychorigides pour les tentations onanistes qui guettent leur progéniture ;
il est aussi le temps d’un premier féminisme, des premières lois de protection de l’enfance, du développement de la psychologie et de la « découverte » de l’adolescence.
De la même façon que, s’il est utile de rappeler les liens que l’invention de la famille restreinte au sein de laquelle s’exerce une forme de police, entretient avec l’hétéronormativité, le capitalisme, le colonialisme et la violence, on pourrait indiquer qu’elle a été également, pour beaucoup, un refuge contre la violence sociale et politique du XIXe siècle.
On est un peu abasourdi par le name droping auquel se livrent les filles du collectif Marthe, jetant pêle-mêle à la face des spectateurs Hélène Giannecchini, Silvia Federici, Maria Mies, Geneviève Pruvost, Donna Haraway, Vinciane Despret, Michel Foucault, sans les approfondissements nécessaires qui permettraient d’en tirer vraiment quelque chose.
Au fond, le spectacle manque d’une dramaturgie convaincante parce qu’il est grêvé par ses bonnes intentions et par l’ampleur de ce qu’il embrasse mais ne fait qu’effleurer. Ce qui le tire trop souvent vers un didactisme bien sûr utile, mais superficiel.
Encore un mot...
- En ces temps de PMA pour toutes, d’expérimentation de nouveaux modèles de famille et de nouvelles formes de coparentalité, mais où la famille nucléaire reste prépondérante, ce spectacle invite à réinventer la famille, à l’imaginer et la vivre autrement est une proposition utopique pleine d’idées et salubre.
Une phrase
« Oui aux cours d’autodéfense pour les enfants. »
« J’aime bien que les enfants soient répartis dans toutes les pattes. »
« Parfois j’ai peur de toutes ces traces, de toutes ces empreintes. »
« Beaucoup de gens à aimer, ça fait beaucoup à perdre. »
L'auteur
Fondé en 2018, le collectif Marthe aborde des sujets d’aujourd’hui, des sujets qui touchent ses membres, en établissant toujours des liens entre l’intime et le politique et en montrant à quel point l’intime peut être politique.
Ensemble, les quatre comédiennes Clara Bonnet, Marie-Ange Gagnaux, Aurélia Lüscher et Itto Mehdaoui inventent des formes que leur inspirent les ouvrages théoriques qui s’efforcent de mettre au jour des histoires oubliées, tues, cachées, et dans lesquelles la question des féminismes est centrale.
Depuis 2019, le collectif Marthe est artiste associé au théâtre du Point du jour, au côté d’Angélique Clairand et Éric Massé et, en 2020, il a fondé sa compagnie et s’est implanté à Saint-Étienne.
Les comédiennes animent aussi des ateliers afin de transmettre leurs méthodes de création, dans l’esprit d’une horizontalité dans le partage des savoirs.
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