
La Tendresse
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Thème
Dans un décor d’un noir minéral, fait de parois latérales surplombées par une plate-forme, la troupe d’une dizaine de comédiens-danseurs fond depuis l’orchestre pour investir le plateau et “grapher“ à la craie les murs.
Le spectacle débute par une confession sur la « première fois » de chacun d’entre eux, et il y avait ce soir-là Alexandre, Djamil, Martin, Moha(med), Natan, Romain, Sacha et Tigran. C’est le point d’entrée pour une succession de monologues, dialogues et scènes dansées, centrés sur une question de société longtemps tenue dans l’invisibilité, mais désormais considérée comme centrale : celle du patriarcat et de ses corollaires, le masculinisme et le virilisme.
Points forts
Ce spectacle se distingue par ses remarquables qualités de fond comme de forme.
Sur la forme, le talent et la polyvalence des comédiens-danseurs, de véritables boules d’énergie, méritent d’être salués, le mélange de tous les styles de danse (du classique au hip-hop) est convaincant et surtout toutes les séquences dansées sont signifiantes, toujours en rapport avec le propos tenu.
Celui-ci d’ailleurs est livré d’une manière nullement didactique, la variété et la spontanéité étant les maîtres-mots de La tendresse. Il y a, sur un sujet aussi lourd, des moments de sincérité, de dépit voire de tristesse, mais aussi d’une drôlerie irrésistible, comme dans l’évocation des stéréotypes charriés par les fictions cinématographiques et leurs interprètes (de Clint Eastwood à Sylvester Stallone en passant par Al Pacino), ou encore les tactiques de “drague“ mises en pratique auprès du public... L’ensemble est bourré d’énergie, inventif, percutant tout en restant totalement maîtrisé.- Sur le fond, les tendances lourdes abordées le sont dans toute la diversité de leurs manifestations, mais l’ensemble est parfaitement tenu, foisonnant sans être anarchique. Ainsi le patriarcat, la misogynie latente qui arme le masculinisme, tout comme la tentation de la domination au cœur du virilisme sont-elles évoquées via des témoignages concrets dits avec des mots simples et percutants, des danses expressives, ce qui permet de pointer avec finesse et une certaine légèreté l’imposition problématique des rôles familiaux selon le sexe, le rapport aux parents et l’éducation « à la ceinture », les premiers rapports ou l’addiction à la pornographie…
Quelques réserves
NOS RÉSERVES
Aucune, comme ce qui précède pouvait le laisse deviner…
Encore un mot...
La Tendresse propose une déconstruction féconde et inspirante d’un lourd problèmes de société, et qui est menée par une génération qui se bouge et se questionne. La richesse du spectacle est telle que plusieurs accroches auraient pu lui être associées, on pense par exemple à « Et la tendresse, bordel ? »
Loin des postures, ce spectacle total est de salubrité publique et touche du doigt des questions qu’il n’est plus possible d’ignorer ni de laisser sans solution, laquelle passe déjà par une soirée inoubliable en compagnie des Cambrioleurs.
Une phrase
Moha(med) : « Si t’as une question, tu te tournes vers Dieu… »
« On dirait que tous nos pères, ils ont eu pas d’chance… »
Tigran [qui vient d’être quitté] : « Et maintenant, j’suis comme un con avec ma fierté.
- Moha : …Ta meuf’, elle est partie, mais ta mère, elle est restée ! » [et la compagnie d’entonner Sur les g’noux de la daronne]« J’sens qu’la violence elle est en moi. A tout moment j’pourrais vriller. »
« Si t’es pas un Homme quand t’es un homme, t’es rien… Il y a des aliments qui sont pédés ! »
Sacha : « Un mec con, c’est plus facile à contrôler ! »
L'auteur
Julie Berès, née en 1972, sort diplômée du Conservatoire national de Paris en 1997. Elle fonde la compagnie des Cambrioleurs en 2001 et travaille avec la Comédie de Caen. Ses créations traitent aussi bien des problèmes qui traversent nos sociétés – ainsi la GPA dans Notre besoin de consolation – que de questions politiques, notamment environnementales, dans Soleil Blanc.
Donnée depuis 2021, La Tendresse est le pendant de Désobéïr, qui abordait la soumission des filles et des femmes par la religion. L’une comme l’autre de ces pièces rencontrent un tel succès qu’elles tournent dans toute la France depuis leur création.
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