Une Maison de poupée
Spectacle en anglais, surtitré en français
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Thème
Nora est mariée depuis huit ans à Torvald Helmer, un directeur de banque avec lequel elle a eu trois enfants. Surnommée par son époux « alouette aux ailes légères » ou « petit écureuil », Nora subit sans broncher l’autorité souriante et tendre mais condescendante de son époux, l’un comme l’autre considérant qu’il n’y a là rien que de très normal entre hommes et femmes.
Puis Nora raconte comment, pour emmener Torvald malade se reposer en Italie, elle a secrètement emprunté de l’argent et été forcée de faire un faux en écriture, sans mesurer la gravité judiciaire de son acte. Krogstad son débiteur, menace d’écrire à Torvald pour tout révéler.
Ingrat et imbu de sa réputation qu’il sent menacée et spolié de son rôle de protecteur, le mari réagit avec horreur, dégoût et colère, réduisant l'amour qui a poussé Nora à agir à un « prétexte stupide. » Cette métamorphose brutale des relations conjugales va révéler à Nora la nature des liens qui l’unissent à Torvald et la précipiter presque malgré elle vers la libération.
Points forts
Le sujet de la pièce est une critique à la fois aigue et profonde des rapports de domination qui régissent le mariage bourgeois, mais également une méditation sur le droit de chacun à choisir librement son sort. C’est ainsi que Nora se réveille, telle une alouette, après s’être cognée « contre l’invisible surface en verre de sa propre existence » et décide, au prix du scandale le plus inouï, de tout quitter pour vivre enfin sa vie à elle.
Une mécanique dramaturgique précise et subtile sert admirablement le texte : les marionnettes à taille humaine sont les métaphores d’une société de pantins et de pleutres fondée sur les apparences, les conventions et une conception absurde de l’honneur dont le jeu suggère toute l’hypocrisie.
Dans l’espace domestique, le papier peint jaune rayé figure l’enfermement d’un monde “bourgeois“ ligoté par ses conventions, tandis que des araignées à la taille croissante envahissent progressivement le salon, comme pour suggérer à quel point tous ces gens sont prisonniers d’une vaste toile. Le tambour à broder de Nora dont la taille ne cesse de croitre, dévore quant à lui tout l’espace intime de la jeune femme jusqu’à la recouvrir presqu’entièrement.
Tout est beau et juste dans la virtuosité du jeu corporel et vocal avec les marionnettes, l’utilisation de la lumière et le traitement de l’espace.
Quelques réserves
- C’est donc beau, intéressant et suggestif, mais tout se passe finalement comme si la prouesse physique et corporelle que constitue la coprésence des acteurs marionnettistes et des marionnettes amputait quelque chose de l’expérience théâtrale en stylisant à l’excès les rapports humains, privant ainsi le spectacle de la possibilité de toucher, d’émouvoir.
Encore un mot...
Le texte de Henrik Ibsen explore frontalement la quête d’émancipation d’une femme. « Une femme ne peut pas être elle-même dans la société contemporaine, c'est une société d'hommes avec des lois écrites par les hommes, dont les conseillers et les juges évaluent le comportement féminin à partir d'un point de vue masculin » écrit-il dans ses Notes pour la tragédie contemporaine).
Une Maison de poupée est une histoire sur les rôles intimes et sociaux que nous jouons et les illusions qui nous meuvent. Une histoire de révélation et d’émancipation aussi, conçue par son auteur, dans un contexte où le développement du salariat des femmes avivait un peu partout en Europe les questions relatives à l’égalité civile entre les sexes et à l’éducation des femmes.
Mais, nouveauté radicale dans l’espace social et théâtral de la fin du XIXe siècle, la pièce fut jugée scandaleuse partout en Europe : une femme ne peut renoncer de son propre chef aux liens du mariage et moins encore abandonner ses enfants car, en agissant ainsi, elle remet très profondément en question un ordre social érigé sur un prétendu ordre naturel des choses et sa loi biologique.
Une Maison de poupée fut donc censurée dans de nombreux pays européens de tradition protestante, interdite ou modifiée afin de correspondre davantage aux attentes morales du public.
Une phrase
- « Vous êtes-vous déjà trouvée captive d’une vie qui ne vous appartient plus ? À jouer un rôle qui ne vous convient pas vraiment, à essayer si fort de devenir la personne idéale pour celui que vous aimez. Et vous ne savez plus si vous êtes vous-même ou si vous jouez juste un rôle. »
L'auteur
Poète et dramaturge norvégien, Henrik Ibsen est considéré comme l'un des auteurs européens les plus importants. Pourtant ses débuts furent difficiles puisque, directeur de théâtre raté et auteur sans succès, il quitte la Norvège au milieu du siècle.
Depuis son exil, écrit des drames philosophiques (Brand en 1866, Peer Gynt en 1867) qui lui apportent enfin une reconnaissance internationale. Ibsen se lance alors dans l’écriture de drames psychologiques modernes, abordant les questions de son temps, dont Une maison de poupée (1879), sa pièce la plus traduite et la plus jouée.
Jouée en France pour la première fois le 20 avril 1894 au Théâtre de Vaudeville, avec la célèbre Réjane dans le rôle de Nora, la pièce connait un succès immédiat et complet. Ibsen écrit à la comédienne le jour de la première : « Mon rêve est réalisé, Réjane a créé Nora à Paris. » Ses pièces sont aujourd’hui régulièrement montées sur les scènes internationales.
À sa mort en 1906, son pays lui organise des funérailles nationales.
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