Splendeurs & misères
Durée : 2h30
Infos & réservation
Thème
La pièce est l’adaptation du premier tome de la saga des Illusions perdues, qui raconte les aventures de Lucien de Rubempré, ou plutôt Lucien Chardon, qui a usurpé le titre de sa mère, cet épisode résumant déjà toute la duplicité du jeune héros.
Ce sont donc les Splendeurs et misères d’un jeune provincial venu cherché la gloire littéraire et la fortune à Paris, où démarre une véritable épopée et la découverte d’un monde nouveau, celui du journalisme, dans lequel il est introduit par une bande d’individus peu recommandables
Lucien met son indéniable talent au service du meilleur payeur, faisant varier ses opinions en fonction du chèque. Il choisit l’opportunisme et l’absence totale de scrupules pour grimper rapidement les échelons de la fortune et de la notoriété.
Son histoire d’amour avec une comédienne de théâtre, Coralie, marque le sommet de sa réussite et le début d’une chute irrémédiable car, tiraillé entre les journaux royalistes et libéraux, lâché par ses anciens amis cyniques, Lucien chute brutalement jusqu’à être rejeté par cette société parisienne qui le recrache comme un noyau de cerise.
Points forts
L’adaptation fait la part belle à la langue de Balzac, qui se révèle, dans ce roman, véritablement théâtrale, vivante et incarnée. Cette histoire d’ascension et de chute dépeint parfaitement cette société – la Restauration – qui voit le développement du journalisme.
Et 200 ans plus tard, ne peut-on pas faire un parallèle avec l’avènement des réseaux sociaux, l’émergence des influenceurs, leur pouvoir incontrôlable, pour ne rien dire du rôle des « puissances de l’argent » sur leurs contenus et ceux de la presse ?Avec de multiples personnages réunis par la magie de six comédiens et comédiennes dont le talent se démultiplie en une ronde puissante et survoltée, l’effet “troupe“ de la compagnie du Théâtre des Evadés joue à fond. On sent une osmose totale entre les comédiens qui fluidifie les nombreux changements de personnages, au milieu d’un décor qui évolue en permanence.
La mise en scène est remarquablement travaillée, réglée comme une partition musicale dans laquelle chaque personnage serait un instrument. On sent le spectacle longuement répété, avec plusieurs résidences entre octobre 2023 et février 2024. Cette pièce est taillée sur mesure pour la troupe, qui connaît parfaitement chacun de ses membres et sait ce qu’elle peut en exiger. Le caractère fantasque de chaque comédien et comédienne peut alors s’exprimer, dans toute sa drôlerie ou son tragique.
Quelques réserves
• Pas de réserve, si ce n’est que pour apprécier ce théâtre moderne et ambitieux, il faut être prêt à oublier ses repères habituels pour entrer pleinement dans le récit et l’interprétation qu’en donne la troupe.
Encore un mot...
Le livre de Balzac, Les illusions perdues, excite fortement les créateurs. Après le film de Xavier Giannoli et la pièce mise en scène par Pauline Bayle, au Théâtre public de Montreuil et repris à l’Atelier, c’est une troisième lecture de l’oeuvre balzacienne. La plus radicale, la plus excitante aussi …
La pièce, montée il y a un an au théâtre de l’Epée de Bois, avait déjà été chaleureusement accueillie. Elle a obtenu le Grand Prix du jury lors du Festival d’automne de Nice en octobre dernier.
Une phrase
« Lucien partit le lendemain, au petit jour, accompagné de David qui s'était procuré un cabriolet et un cheval en annonçant qu’il allait traiter d’affaires avec son père.
Petit mensonge qui dans les circonstances actuelles était probable. Les deux amis se rendirent à Marsac, où ils passèrent une partie de la journée chez le vieil ours.
Puis le soir, ils allèrent au-delà de Mansle attendre Mme de Bargeton, qui arriva vers le matin. En voyant la vieille calèche sexagénaire qu’il avait tant de fois regardée sous la remise, Lucien éprouva l’une des plus vives émotions de sa vie. Il se jeta dans les bras de David qui lui dit “Dieu veuille que ce soit pour ton bien”.
L’imprimeur remonta dans son méchant cabriolet, et disparut, le coeur serré, car il avait d’horribles pressentiments sur les destinées de Lucien à Paris. »
L'auteur
- Honoré de Balzac (1799-1850), grand maître indiscutable du roman français de la première moitié du XIXe siècle, s’attache à décrire la société de son temps, dans une France où les régimes se succèdent (Empire napoléonien, Restauration, Monarchie de Juillet et Seconde République), et où la société française voit les équilibres hérités du siècle passé se modifier en profondeur depuis la secousse révolutionnaire française de 1789-1799.
Chaque œuvre composant la magistrale et monumentale fresque de La Comédie Humaine met en scène une foule d’individus qui incarnent les diverses facettes d’une société, et qui gravitent autour des héros éponymes de romans comme Le Père Goriot, La cousine Bette, Gobseck, Eugénie Grandet, Le colonel Chabert... Chacun des personnages mis en scène par Balzac possède sa psychologie et ses intérêts propres, déploie ses ressources et ses stratégies - décrites jusque dans le moindre détail par le romancier - pour parvenir (ou non) à ses fins, certains (Rastignac) y parvenant mieux que d’autres (Rubempré).
Il va sans dire qu’à sa parution, Les Illusions perdues reçurent un accueil critique plutôt négatif, notamment de la part de Jules Janin, « prince des critiques » de l’époque, qui dut se sentir visé par l’impitoyable réquisitoire contre le petit monde de la critique dressé par Honoré de Balzac.
Quoiqu’il en soit, Balzac ouvre la voie au roman “réaliste“ qui lui succède au milieu du XIXe siècle (Flaubert, les frères Goncourt). Son projet inachevé (Balzac s’étant exténué à la tâche) de Comédie humaine inspirera ensuite le cycle des Rougon-Macquart qu’Emile Zola met en place à l’autre extrémité du XIXe siècle. - Paul Platel
Niçois d’origine, il monte ses premières pièces au début des années 90, et intègre en parallèle l’EDT91 ou il parfait sa formation.
Sa rencontre en 2018 avec Ariane Mnouchkine, qui l’accueille avec sa troupe, donne un coup d’accélérateur à sa carrière et marque le début d’une étroite collaboration. Le théâtre du Soleil soutient et programme deux de ses spectacles, Je me souviens en 2020 et Pardon Abel en 2022 avant la création et la reprise de Splendeurs & misères.
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